e 16 novembre, 3ème jeudi du mois, j’étais à Paris. J’ai pu y constater le fossé qui se creuse entre les médias et les consommateurs du vin. Par le passé, je n’ai pas été le dernier à me plaindre de la qualité du Beaujolais nouveau ; moi aussi, j’ai souvent raillé le côté marketing de l’événement. Aujourd’hui, je m’interroge. La qualité reste variable, c’est sûr. Mais alors que la presse, spécialisée ou non, fait la fine bouche (un article du Parisien était même carrément dissuasif), et alors que le battage médiatique s’estompe, les consommateurs français, eux, semblent toujours apprécier l’événement. Dans le 8ème, ou je me trouvais vers midi-une heure, les restos et les cafés ne désemplissaient pas. Au Griffonnier, le joli bar à vin où des amis journalistes m’avaient convié, des gens de tous bords s’échangeaient des impressions ; près du zinc, on buvait du Beaujolais au verre ; sur les tables, celle du cadre comme celle du plombier, celle de l’étudiante comme celle de la mamie, trônaient les flacons de Nouveau. Le brouhaha était général, mais le vin avait la première place dans les conversations, malgré une grosse actualité politique nationale, et même... « royale ». Alors, puisque la consommation est là, ne faudrait-il pas mieux encourager les producteurs à augmenter la qualité, plutôt que de s’en tenir au sempiternel «le Beaujolais, ce n’est pas du vin», si populaire chez ceux de nos confrères qui veulent absolument paraître «affranchis ». Moi, je me dis qu’une bouteille par an, ce n’est pas exagéré. Je sais bien que le Nouveau fait de l’ombre aux crus du Beaujolais. Mais les crus font-ils toujours vraiment meilleur? Ou pour formuler la chose autrement, le rapport plaisir-prix leur est-il toujours plus favorable qu’au Nouveau ? Par ailleurs, j’aime le côté convivial de l’événement, et le fait que ces agapes se fassent aujourd’hui sans trop de battage ne me les rend que plus sympathiques. Ce que l’on perd en médiatisation, on le regagne en spontanéité. J’en parlais avec les confrères (Parisiens, mais aussi Vendéens ou Provençaux) qui ont levé le coude avec moi. On se disait que même si tous les Beaujolpifs n’étaient pas de grands vins (un sur les trois que j’ai bus valait la peine), au moins, on les buvait, et on ne les crachait pas. Nous avons sacrifié, nous aussi, à cette fête païenne, non avec l’esprit du professionnel, mais dans une démarche de buveurs anonymes. Après tout, il n’y a pas que les Catholiques qui fêtent Noël, il n’est pas nécessaire d’être convaincu d’une quelconque suprématie du Beaujolais sur la planète vin pour partager l’esprit Beaujolais. Tous les chemins ne mènent plus à Rome, bien sûr, alors ils ne mènent plus forcément non plus à la Chapelle… de Guinchay. Mais dans le contexte actuel de croisade anti-vin, de socialement aseptisé, de pensée inique, Dieu que c’est bon de boire avec des gens de bonne compagnie, un produit plaisir qui ne se pousse pas du col. Hervé Lalau
Beaujolais, malgré tout
Par Vitisphere Le 17 novembre 2006
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