I
mpossible de nous empécher de diffuser au 35 000 lecteurs de cette e-lettre, la réplique de Patrick BESSON, écrivain et éditorialiste, publiée par LE POINT du 12 décembre et adressée à Hervé CHABALIER, auteur du rapport sur l'alcoolisme.
"L'abstinence à laquelle Hervé veut nous réduire est indispensable à sa survie, mais pas à la nôtre" note Patrick BESSON dans un texte, ironique et cruel, mais imprégné de bon sens et d'amitié...
"Tout le monde critique Hervé Chabalier. Mais moi je le comprends. Je comprends les gens que tout le monde critique, car moi aussi tout le monde me critique. L'une des meilleures choses sur terre est le vin et Hervé n'a plus le droit d'en boire. Ce serait supportable pour lui si personne n'en buvait. Mais ce n'est pas le cas. Du coup, la vie d'Hervé est un enfer. Pour lui, une seule solution : nous empêcher de consommer du vin, afin que le fondateur de l'agence Capa et auteur de « le dernier pour la route, chronique d'un divorce avec l'alcool » (Laffont) ne nous voie plus en train de nous régaler alors que lui même se prive. Il a donc entrepris de mettre les Français à l'eau, comme lui. Dans ce but, il a rédigé un rapport qu'il a remis le jeudi 24 novembre au ministre de la Santé, Xavier Bertrand. C'est une invitation pressante à la prohibition. Chabalier raisonne en alcoolique car, comme il le dit lui-même, un ancien alcoolique n'est pas un non-alcoolique, c'est un alcoolique qui ne boit plus. Provisoirement. Pour Hervé, tout verre de vin est mauvais car il le mènerait à la bouteille, puis à la caisse, puis à la cave, puis au cercueil. Il ne lui viendrait pas à l'esprit que nous n'avons pas ce problème là avec l'alcool. Que lorsque nous buvons une slivovica le matin, nous sommes au thé le soir. Que le vin arrose nos meilleures déjeuners de copains mais que l'eau ruisselle sur nos adorable dîners familiaux. Qu'un scotch chasse notre mélancolie mais que c'est le jus de pomme qui nous désaltère. Qu'une première bière est amusante mais qu'une seconde est rasoir. L'abstinence à laquelle par exaspération, Hervé veut nous réduire est indispensable à sa survie, mais pas à la notre. S'il a eu la faiblesse de se laisser ligoter par l'alcool au point d'être aujourd'hui condamné à la sobriété pour le restant de ses jours, il n'y a aucune raison pour que nous, qui avons su conserver notre liberté face à la boisson, nous devions matin, midi et soir baigner notre bouche heureuse, notre langue délicate et notre palais sensible dans l'eau et uniquement dans l'eau.
Il a du pain sur la planche, Hervé. Mais les anciens alcooliques ont de l'énergie à revendre. Exemple : George Bush. C'est pour quand, alors, le bombardement de la Syrie ? Ce n'est pas qu'on s'ennuie, mais George était sur les chapeaux de roue et là, il y a comme un ralentissement dans ses expéditions guerrières. Une sorte de manque d'agressivité. Je me demande s'il ne se saurait pas remis à boire . A la place de Barbara, j'inspecterais avec attention le bureau ovale, au cas où le président des Etats-Unis y planquerait des bouteilles. Passons, Première tâche de Chabalier : caviarder sévèrement l'Evangile. Parce qu'à Cana Jésus, il ne multiplie pas les bouteilles de Badoit. Et le soir de son arrestation, qu'est-ce qu'il sert à ses disciples ? Pas du Fanta, que je sache. Buvez-en tous, car ceci est de la menthe à l'eau. C'est bon, la menthe à l'eau , mais ça n'a pas jamais eu la couleur du sang. Du sang du Christ.
Les gens qui boivent de l'eau vivent plus vieux que les gens qui boivent du vin, mais moi je ne veux pas vivre vieux dans un pays où les anciens alcooliques exigent que tout le monde boive de l'eau. Il y a un génie dans le vin et il est mauvais, comme tous les génies. Dans l'eau, il n'y a rien de mauvais, car il n'y a rien.
Rapport sur l'alcoolisme : Sot d'eau, ou le Chabalier arrosé
Par Vitisphere Le 23 décembre 2005
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