vec la fin d’année se bousculent les analyses des tendances de consommation et les bilans commerciaux, disséquant le passé pour espérer comprendre de quoi sera fait le futur. Les marchés du vin étant toujours plus mouvants et complexes, aucune région n’est épargnée. Souvent cités en exemple par les opérateurs d’autres régions, avec des trémolos d’envie dans la voix, les vins de Champagne traversent aussi une phase d’incertitudes et de transitions. Après le faste de l’après-covid, et des records de valorisation en 2022 et 2023, les contre-coups de l’inflation et des tensions géopolitiques pèsent sur la consommation du vin lié par essence à la fête. Un état d’esprit actuellement lâché en rase champagne…
Après deux années de déclin, les ventes des grands vins de Champagne retrouvent cependant des couleurs selon le rapport de l’agence londonienne WineCap qui note que les belles étiquettes champenoises sont les premières à renouer avec la croissance parmi les vins de Bordeaux, Bourgogne, Toscane, Rioja, Californie, etc. L’agence londonienne Wine Lister note que « son statut iconique et sa distribution quasi omniprésente amortissent l’impact d’une consommation plus sélective en matière de dépenses discrétionnaires, et le champagne a moins souffert en termes de progression des prix que les régions françaises voisines ». Wine Lister relève dans son rapport sur les champagnes que l’indice de confiance d’un panel de 50 grands acheteurs internationaux a chuté pour tous les opérateurs champenois entre 2018 et 2025, avec des notes particulièrement réduites pour les grandes marques des maisons : passant de 6/10 à 5,4/10 (quand les maisons familiales tombent de 6,2 à 6,1/10 et les récoltants-manipulant de 6,8 à 6,4/10). La faute à une politique de prix s’emballant au-delà du raisonnable* ? On ne peut que constater qu’avec leurs hausses tarifaires, les champagnes de grandes maisons peuvent coûter les yeux de la fête…
Un péché d’excès de confiance qui a fait décrocher des consommateurs dénonce l’intersyndicat CGT de la Champagne, qui manifeste cette fin d’année au sein des maisons LVMH pour obtenir des primes de Noël, afin de compenser l’absence d’intéressement cette année. Si les performances commerciales sont réduites et que les perspectives sont peu encourageantes, les acquis champenois sont toujours là pour la CGT qui souligne la marge confortable des grandes maisons sur leurs flacons. Leurs prix ayant effectivement considérablement augmenté. Comme leurs coûts de production répondra le négoce, soulignant l’inflation sur les matières sèches et les investissements sur les marchés, sans oublier le coût des raisins. Ces derniers payant la transition agroécologique amorcée à marge forcée grogne-t-on parmi les viticulteurs.
Si tout est feutré en Champagne, un point d’achoppement se cristallise : le vignoble est de plus en plus ouvertement contrarié par les conséquences des hausses des prix du négoce, dont la main lourde sur les tarifs conduit à des baisses de volumes vendus, 270 millions de bouteilles en 2025, pesant sur les rendements, 9 000 kg/ha de raisin, alors que l’on entend qu’il faudrait 300 millions de cols vendus et 10 000 kg/ha pour assurer la fluidité de la filière. S’il ne déplait pas au négoce de générer plus de valeur et moins de volumes, la rentabilité n’en étant que meilleure, cette premiumisation ne convient pas au vignoble qui veut préserver le modèle champenois d’équilibre dans le partage de la valeur générée. Alors, une maison ou déraison de Champagne ?
* : « Nos recherches et analyses à long terme sur le marché des grands vins montrent un affaiblissement général des notes de confiance ces dernières années, qui n'est pas spécifique au champagne » indique-t-on chez Wine Lister à Vitisphere, répondant aux hypothèses ici avancées qu’elles « sont tout à fait plausibles, et bien que nous ne puissions attribuer la baisse de confiance à un seul facteur, vos interprétations correspondent aux tendances générales que nous observons dans nos recherches ».




