uel vigneron français n’est pas sous pression ? En surpression des factures que l’on ne peut pas régler immédiatement, sous l’oppression des relances qui sont trop insistantes des banques, sous la compression des vins qui ne sortent plus aussi facilement, sans expression face aux offres qui arrivent à des prix indécemment cassés, en dépression face aux heures de travail qui ne sont pas rémunératrices… Reste la décompression permise par les proches, qui ne peuvent pas comprendre tout ce qui se joue, mais qui peuvent écouter et rappeler « tout ce qui tremble et palpite, tout ce qui lutte et se bat » comme le chantait Jean Ferrat. Car malgré tout, c’est beau la vigne.
Alors que les tragédies professionnelles et personnelles se succèdent, la tristesse et la colère sont partagées par tous : personne ne veut qu’une nouvelle tragédie s’ajoute à une liste trop longue. Comment en finir avec ce chemin des drames ? Bien sûr en mettant la pression sur les institutions, gouvernants et législateurs pour assurer un prix rémunérateur du vin, pour soutenir la conquête de parts de marché, pour accompagner l’adaptation au changement climatique… Et pour mettre en œuvre un plan social à la hauteur de la dévindustrialisation qui frappe actuellement les vignerons. « Qu'importent les jours, les années
Ils avaient tous l'âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne » chantait Jean Ferrat. Car toujours, c’est beau la vigne.
Mais la filière vin doit aussi crever l’abcès de son mal-être : qui ne doit être ni banalisé, ni ostracisé. Opiniâtres et pudiques, les gens du vin sont d’aussi grands faiseux que taiseux. S’ils osent désormais dire que la situation commerciale et que les équilibres financiers ne vont pas, comme nul n’est épargné, ils doivent aussi pouvoir lever la chape quotidienne qui les empêche d’appeler à l’aide pour s’extraire de la pression croissante. Ce n’est pas être anxiogène que de constater ce qui se délite dans le secteur viticole, ce n’est pas plus angélique de croire en l’avenir de la filière vin : c’est réaliste de rapporter les difficultés d’aujourd’hui et de soutenir les combats pour la France de demain. « Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien » chantait Jean Ferrat. Car si la vigne est belle, c’est encore plus beau la vie.