omment se porte aujourd’hui le marché du foncier viticole en val de Loire ? Un déséquilibre entre offre et demande pèse-t-il sur les transactions ?
Marine Boudignon : Dans ce que j’entends sur le terrain, il y a un peu de confusion entre le conjoncturel et le structurel. Nous sommes à un pic structurel. Des vignerons des années 1960 ont attendu d’arriver à 61-62 ans pour vendre, c’est une base structurelle. L’offre devient plus importante par la démographie, et par les enfants qui ne reprennent pas. Il y a aussi un volet conjoncturel comme l’année 2024 a laissé des traces chez les vignerons, éprouvés mentalement et physiquement par les difficultés climatiques. Ils n’ont pas tous vendu toute leur récolte au négoce, et pas au prix attendu. Ils se posent des questions sur les incertitudes de l’avenir. Avant il y avait une régularité qui donnait confiance. Maintenant, chaque année il faut un pilotage différent du domaine selon la météo et la commercialisation évolue chaque année. C’est difficile pour une commercialisation subie et pas choisie. Ce qui en pousse à appeler pour réfléchir à vendre.
Pour vous, il n’y a donc pas péril en la demeure ? Le marché ne va pas se casser ?
Je ne vois pas le marché cassé. Nous avons toujours le même flux d’acquéreurs, ce qui est positif. Je vois des domaines qui ne vont pas être vendus. Si l’offre augmente de 30 à 40 %, des domaines ne vont pas pouvoir être transmis. Ce n’est pas facile quand on travaille toute une vie pour capitaliser et que le résultat n’est pas celui attendu. Des vignobles ne seront pas vendus et devront trouver une autre destination. On connaît la courbe démographique structurelle, c’est l’histoire d’une à trois années maximum.
Quelles sont les solutions alternatives auxquelles vous pensez ?
Tout est possible. Cela peut être de l’arrachage, la vente des vignes aux voisins et une autre destination pour les bâtiments, la diversification vers d’autres agricultures… Ces terres vont devoir trouver d’autres destinations. La difficulté est que peu de vignerons anticipent, comme il s’agit de décisions lourdes et complexes.
Dans ce contexte, vous ne croyez pas à une chute des prix de la terre viticole.
Je ne vois pas de dégradation. Les domaines que l’on prend sont en bon état, il n’y a pas de raison pour dégrader la valeur du foncier. Il va y avoir des opportunités. Nous ne nous positionnons pas sur ces affaires. On entend dans le Loir-et-Cher des valeurs de vignobles qui sont en baisse, mais cela reste de l’opportunité pour des vignerons voulant faire de la croissance sur de grandes surfaces et qui profitent d’une offre importante pour acheter. C’est un épiphénomène, il n’y a pas de tendance à la baisse des prix. Il est important de maintenir des prix de l’hectare de vigne plantée, qui ne sont pas forcément élevés selon les appellations, pour maintenir la qualité du vignoble. J’ai plus refusé de mandats que je n’en ai accepté pour ne pas faire rêver. Notre idée est d’aller sur des mandats de vente qui trouveront preneurs. Les acquéreurs sont des personnes structurées et réfléchies qui ont le choix entre plusieurs domaines.
Existe-t-il un profil-type de domaine viticole idéal recherché par vos acquéreurs ?
Non, il n’y en pas. Les projets sont très hétérogènes, de 5 ha en bio à 30 ha avec des salariés… Il ya autant de profils de domaines à la vente que de repreneurs.