menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Edito / Je panse donc je suicide pas
Je panse donc je suicide pas
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Je panse donc je suicide pas

Par Alexandre Abellan Le 09 août 2024
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Je panse donc je suicide pas
T

aiseuse par essence, la filière vin ne parle pas de ses problèmes : râler contre les aléas climatiques, oui bien sûr. Pester contre les prix du vin, sans souci ce n'est jamais assez. Concéder des difficultés commerciales, à la rigueur comme tout le monde en parle désormais.  Mais reconnaître que l’on n’arrive pas à boucler son budget, que son domaine n’est pas loin de la cessation de paiement, qu’il faut réduire le potentiel de production ou que l’on ne sait pas où l’on va… Entre la pudeur et l’orgueil, c’est l’esquive, sous couvert de la résilience vigneronne : on a vu pire, les anciens ont déjà connu ça, etc.

Mais regardons bien les escadrilles d’emmerdes qui sont tombées sur le vignoble ces dernières années : les aléas climatiques devenant la norme (depuis le gel historique de 2017 ?), les taxes Trump brisant le marché américain d’octobre 2019 à mars 2021 (et pouvant revenir rapidement), la crise covid en 2020 (mais pas que, durant jusqu’à 2023 en Chine), le choc d’inflation après l’invasion russe de l’Ukraine (depuis 2022, touchant les prix de l’énergie, les taux d’intérêt…), la déception de 2024 sur le devenir incertain des promesses d'évolution réglementaire du prix des vins dans Egalim 4 suspendues depuis la dissolution/les législatives anticipées (sans parler des interrogations sur l'arrachage temporaire/définitif), le tout sur fond de bouleversements de la consommation de vin (en chute sur les marchés volumiques pour le rouge, la grande distribution)… Qui pourrait se sortir indemne d'un tel chaos où il ne se passe pas une année sans bouleversement ? Petit vracqueur comme grands crus sont dans le dur, avec des capacités différentes de rebond et de revente certes. Mais pour tous, cet été est marqué par une accélération des procédures collectives, avec un rythme inquiétant qui témoigne de la fragilité d’une filière exsangue. Tragiques conséquences de ces difficultés économiques, des suicides sont rapportés dans plusieurs vignobles ces dernières semaines. Chaque drame est singulier, personnel et professionnel, mais touche et affecte tous les gens du vin.

Faiseuse par essence, la filière vin doit aussi être diseuse : il n’y a pas de honte à ne pas se sentir bien dans ce contexte anxiogène et étouffant, il n’y a pas de honte à se faire aider par un conseil psychologique (en commençant par appeler la ligne dédiée de la MSA : 09 69 39 29 19), il n’y a pas de honte à crever l’abcès auprès de ses proches (parfois les plus éloignés de la réalité économique de l’exploitation), il n’y a pas de honte à s’ouvrir et à écouter ses voisins (qui ne sont pas mieux en point), il n’y pas de honte à en parler à ses fournisseurs et clients (également en difficulté, il ne faut pas croire). Que dire à ceux dans la peine, à toi lecteur, à la personne que tu sais être en difficulté ? Que la vie vaut plus que les vignes, qu’il n’y a pas de fautifs dans un contexte global de mutation de la consommation de vin.

« On n'en parle pas même et l'on passe à côté.

Mais lorsque, grandissant sous le ciel attristé,

L'aveugle suicide étend son aile sombre,

Et prend à chaque instant plus d'âmes sous son ombre » écrit Victor Hugo dans les Chants du Crépuscule (1836), « alors le croyant prie et le penseur médite !

Hélas ! l'humanité va peut-être trop vite.

[…] Car beaucoup ici-bas sentent que l'espoir tombe,

Et se brisent la tête à l'angle de la tombe 

[…] Mal d'un siècle en travail où tout se décompose !

Quel en est le remède et quelle en est la cause ? »

 

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Tous les commentaires (8)
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous
Coco Le 12 août 2024 à 21:36:43
C'est terrible de voir à quel point la fierté de notre France est laissé à l'abandon. Oui nous n'en pouvons plus, oui nous sommes usés par les contraintes , l'administratif, les aléas climatiques ont toujours fait partie de notre vie ce n'est pas nouveau. Quelle solution avons nous quand on voit à quel point on nous mine. Le classement à l'Unesco devait tellement nous protéger peut être des autres pays mais pas du nôtre. La MSA dont nous dépendront, pas le choix, ne cherche même pas à savoir que derrière l'employeur il y a une personne humaine qui souffre tous les jours, qui se demande chaque matin quand il se lève ce qui va encore lui tomber sur la tête et oui qui a tellement honte de le dire, car surtout tout va bien en France. Oh tout est fait pour les salariés mais l'employeur viticulture n'y pensons pas il est riche donc tout va bien, il souffre mais non enfin ce n'est pas possible alors quelle solution. Et en plus il semblerait que l'on nous ponde encore une ixième reforme pour la déclaration de récolte 2025 qui serait comme les autres une vraie bombe. Mais nos responsables professionnels ne sont pas les derniers à nous enfoncer , ils acceptent tout sans que la base n'en soit informée, ce n'est qu'une fois les décisions prises que l'on nous met devant le fait accomplie. Avant nos responsables savaient nous alerter, nous informer en amont et nous, la base, nous pouvions alors encore faire évoluer les choses mais maintenant nous devons obéir comme des toutous. Bravo les ODG maintenant que les cotisations sont devenues Volontaires OBLIGATOIRES, on ne pleut plus rien dire ni faire..... Ne nous étonnons pas que la solution en soit que le suicide, acte qui demande un sacré courage. Combien en faudra -t-il pour qu'au dessus on prenne conscience des problèmes. En attendant on trime comme des malades, on nous en demande de plus en plus et il faut toujours payer. Donc en dehors du suicide que nous reste -t-il, la révolution........ Bon courage à tous et pour ceux qui ont un peu de change, bonne récolte enfin si vous trouvez du personnel, car là, un problème de plus qui est totalement oublié, mais surtout n'en parlons pas.
Signaler ce contenu comme inapproprié
bbern Le 12 août 2024 à 08:58:55
à Renaud : pas sûr que ça marche pour l' ADI, en cas de suicide...
Signaler ce contenu comme inapproprié
Alex Le 10 août 2024 à 09:59:58
Sans compter sur la gentillesse de la Safer, cette ennemi qui veux votre bien!!!
Signaler ce contenu comme inapproprié
Renaud Le 09 août 2024 à 16:36:24
Sbs a raison, notre activité est par essence patrimoniale avec son corollaire de la pression de l'histoire familiale . Certains diront que le suicide n'est pas une solution. Mais quand il n'y a pas de solution ? Cette action,le dernier acte de pure volonté aura pour effet de stopper les déferlantes d'emmerdes. Cet acte ultime de courage est aussi la protection de ses ayants droits. Dans un monde où l'humain est broyé par l'administratif. Il reprend le lead grâce aux ADI ( si elles ont plus d'un an) son passif sera épongé. Il s'agit donc bien d'un ultime acte volontaire de courage qui prendrait le système à son propre jeu. N'y voyez pas là une justification à l'échec collectif et social que cela représente tout de même. Aujourd'hui l'effondrement de notre système n'est pas un problème individuel alors que c'est individuellement que nous avons à gérer nos emmerdes. Si notre profession est la seule à pouvoir être légalement déficitaire toute sa vie ce n'est pas pour rien. Le système a besoin de ses nouveaux serfs pour tenir. Il est bon de briser la loi du silence qui nous enferme. Rappelons nous qu'aujourd'hui ce sont les financiers qui nous ont mis à la faute en nous faisant prendre des engagements sur du temps long alors que le monde change bcp plus vite. Si ils ont remonté les taux c'est que le temps long ils ne l'ont plus. Une crise est la conséquence de l'effondrement d'un système quand le prochain n'a pas encore vu jour. La première étape est bien inscrite à nous de dessiner la suivante en surtout pensant à l'amélioration des conditions sociales de chacun et pas uniquement des améliorations sociétales ( qui amène à justifier l'asservissement de certains par rapport aux autres)
Signaler ce contenu comme inapproprié
Olivier TORRES Le 09 août 2024 à 15:28:33
Très bel article. Les procédures collectives sont un acte de gestion préventive qui peuvent s'avérer utiles. De même, les dispositifs Agri écoute peuvent être sollicités en cas de risque suicidaire. A titre expérimental - mais qui ne demande qu'à se généraliser - nous avons avec l'association AMAROK mis au point un système de détection du risque de burnout des agriculteurs avec la MSA Languedoc et d'autres vont suivre ainsi que la viticulture du Jura. Ne laissons pas l'aile sombre prendre davantage d'âmes sous son ombre.
Signaler ce contenu comme inapproprié
sbs Le 09 août 2024 à 14:26:39
La spécificité du secteur viticole (et agricole en général) est que le patrimoine qui génère son activité se transmet de générations en générations . Alors une "défaillance" à un étage accompagnée d' un sentiment d'être le "maillon faible" d'une lignée dans ce qui semblait être "immuable" peut mener à l'irréparable...
Signaler ce contenu comme inapproprié
Nadine Franjus Le 09 août 2024 à 12:31:04
Voilà un édito bien sombre. Certes réaliste mais inquiétant. Que faut-il faire? Que faut-il dire pour soutenir les vignerons en crise? Oser se plaindre est salutaire mais encore plus déprimant. Jusque là les crises viticoles avaient un "responsable" sur qui les vignerons pouvaient passer leurs humeurs. La colère est une expression de la vie. Le silence est celle du désespoir. Créons des AMAP du vin, demandons aux vignerons de nous fournir ... de l'alimentation, ils sont toujours des paysans. Ecoutons-les autrement que dans la colère, ils en ont besoin et nous aussi.
Signaler ce contenu comme inapproprié
Cahuita Le 09 août 2024 à 12:14:14
Heureusement que nos adorables partenaires bancaires sont là pour offrir corde et balles
Signaler ce contenu comme inapproprié
vitijob.com, emploi vigne et vin
Aisne / Aube / Cher ... - CDI VERTIS Conseils
Saône-et-Loire - CDI DOMAINE FAIVELEY
Côte-d'Or - CDD prestige des grands vins de france
Paris - Stage Paris Wine Company
Gironde - Stage SCV CHATEAU LATOUR
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Edito
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé