vec l’arrêt du métirame, ce que Thierry Massacré craint le plus, ce sont les contaminations de début de saison sur ses parcelles à fort historique de black-rot. « Lorsqu’il pleuvait 40 à 50 mm début en mai, on limitait les sorties de black-rot en appliquant du métirame juste avant les pluies. Sans ce traitement, ça risque d’être plus compliqué à maîtriser. Or, on sait que les contaminations précoces sur feuilles de black-rot, sont très difficiles à rattraper par la suite », explique ce vigneron, qui cultive 23 ha à Lignières-Sonneville, en Charente.
Thierry Massacré va pourtant devoir changer son programme de traitement la saison prochaine son produit favori contre le black-rot étant désormais interdit. « J’avais pour habitude de faire trois applications de métirame au tout début de la campagne. Deux pulvérisations de Polyram – du métirame seul – à partir du stade 2-3 feuilles étalées pour lutter contre le black-rot, avant d’entamer la protection anti-oïdium. Et je refaisais une application après la floraison ou la nouaison selon la pression fongique et les conditions météo », détaille-t-il.
Charles Lebecq, autre vigneron charentais, installé à Criteuil-la-Magdeleine, commençait lui aussi sa campagne de traitements par deux applications de métirame sur ses 50 ha d’ugni blanc certifiés HVE. « Après ces deux passages, on démarrait la lutte contre l’oïdium, avec un fongicide efficace contre le black-rot, un IBS du type difénoconazole ou tébuconazole, et la pression fongique était sous contrôle. Là, il va falloir trouver une autre solution. »
Selon Charles Lebecq, le métirame n’était pas le plus efficace des anti-black-rots, mais il présentait un double avantage : « C’était un produit non-CMR et il n’induisait pas de résistance. On va devoir le remplacer par du dithianon qui est classé CMR 2 et qui est uniquement disponible en association avec des phosphonates, une famille qui présente peu d’intérêt pour un premier traitement à 2-3 feuilles étalées. »
Jacques Oustric, responsable technique chez Charrière Distribution, dans le Gard, confirme : « Avec l’arrêt du métirame, les vignerons vont devoir se tourner vers d’autres molécules. Ils ne vont pas pouvoir faire toute une campagne uniquement avec des IDM ou des QoI, qui sont efficaces contre le black-rot, mais dont l’utilisation est limitée à cause des problèmes de résistances à l’oïdium et au mildiou. On a procédé à des essais avec du soufre associé à des hydrogénocarbonates de sodium ou de potassium, comme l’Armicarb ou le Vitisan. Et on a constaté une véritable efficacité sur le black-rot. Le dithianon aussi pourrait remplacer le métirame. Le problème, c’est le prix car il n’est disponible qu’en association avec des phosphonates. On espère une commercialisation du dithianon seul très prochainement. »
L’an dernier, Thierry Massacré a testé un programme bio sur un hectare d’ugni blanc. Contre le black-rot, il a appliqué un mélange de cuivre, soufre et zinc dès le début de la campagne. « J’ai renouvelé la protection très régulièrement, tous les 20 mm de pluie, affirme-t-il. Mais, le 4 juin, après 50 mm de pluie, j’ai dû traiter d’urgence avec du Difcor, un anti-oïdium surtout efficace contre le black-rot. Et ce traitement a sauvé la récolte. Je n’ai trouvé qu’un seul grain de black-rot sur la parcelle », se félicite le vigneron, qui est cependant persuadé que ses vignes auraient été moins en danger s’il avait commencé la campagne avec du métirame.
Pour Thierry Massacré, remplacer le métirame par une protection à base de cuivre et de soufre est envisageable, même sur les parcelles à fort historique de black-rot. « Ça demande une rapidité d’intervention en cas de lessivage, mais j’ai déjà pris cette habitude, souligne-t-il. En 2022, j’ai investi dans un second tracteur, un second pulvérisateur et formé un chauffeur pour être en capacité de traiter le domaine en 4 h 30. »
À Gaillac, cela fait quelque temps déjà que Christophe Caussé, le propriétaire du Domaine de Gayssou, n’applique plus de métirame de façon systématique. Lors des années à faible risque, il protège ses 40 ha contre le black-rot avec trois applications d’IBS par an, en commençant dès le stade 2-3 feuilles étalées. « Lors de printemps très pluvieux, j’ajoutais du métirame dans mon programme et je décalais mes IBS. C’était ma roue de secours, avoue-t-il. Désormais, hormis du cuivre et du soufre, je ne vois pas d’autres solutions. Mais leur efficacité sur le black-rot reste limitée. Il ne va pas falloir qu’il pleuve trop ni que le black-rot soit trop virulent. »
Pour lutter contre le pathogène, Christophe Caussé mise également sur un bon nettoyage des bois au moment de la taille. « À la vendange, les grains atteints par le black-rot restent accrochés aux rafles. Il est donc primordial de bien nettoyer les coursons lors de la taille, explique-t-il. Aujourd’hui, une partie du vignoble est taillée à la machine, or la taille rase favorise le black-rot puisqu’on n’élimine pas les baies momifiées qui restent au cœur des souches. À terme, il faudra peut-être revoir le mode de taille. »
Techniquement, le folpel pourrait remplacer le métirame dans la lutte contre le black-rot. Certains vignerons doutent cependant de son efficacité. À Lignières-Sonneville, en Charente, Thierry Massacré est de ce nombre. « Dans les années 1980, mon père a vécu l’arrivée du folpel en remplacement du métirame dans la lutte contre le black-rot. Et les années à forte pression, comme 1982 ou 1983, il a perdu jusqu’à 50 % de sa récolte à cause du black-rot », explique-t-il. Pour Jacques Oustric, responsable technique chez Charrière Distribution, remplacer le métirame par le folpel est possible, mais non sans contraintes. « Tout d’abord, le délai d’application avant la récolte. Même si les conséquences des résidus de folpel sur le bon déroulement des fermentations alcooliques sont controversées, il vaut mieux rester prudent et ne pas en appliquer au-delà du 15 juillet. Et puis il y a aussi le nombre limité d’applications. » Jacques Oustric rappelle qu’au-delà de quatre applications de folpel par an, la ZNT eau à respecter est de 20 mètres.