ès ce millésime 2025, il est mis un terme à l’usage de la mention Sud de France sur les 100 millions d’étiquettes de vins la portant chaque année, conformément à la décision du ministère de l’Agriculture du 18 juillet 2023, qui est jugée conforme au droit par la section du contentieux du Conseil d’État ce mercredi 3 décembre 2025. Rejetant le recours pour excès de pouvoir du négoce languedocien (l’Union des entreprises viticoles méridionales, UEVM) et de vins à Indication Géographique Protégée du Midi (IGP du Gard, de l’Hérault et de Sud de France), la plus haute juridiction administrative suit dans sa décision les arguments de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) et du ministère de l’Agriculture jugeant que cette marque est de « nature à induire le consommateur en erreur sur la qualité ou la provenance du produit » avec l’utilisation d’une marque faisant référence à un espace géographique indéfini.
Pour le Conseil d’État, « la mention "Sud de France", qui ne désigne pas une localité ou un groupe de localités, une zone administrative locale ou une partie de cette zone, une sous-région viticole ou une partie de celle-ci, ou une zone administrative, ne constitue pas le nom d’une unité géographique telle que l’envisagent » le règlement européen sur l’étiquetage du 17 décembre 2013 et le règlement délégué du 17 octobre 2018. Ce qui amène la juridiction à statuer « sans qu’il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle en l’absence de difficultés sur l’interprétation du droit de l’Union européenne, que les requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de la décision du 18 juillet 2023 par laquelle le ministre de l’Agriculture a interdit l’usage de la mention "Sud de France" pour l’étiquetage des vins. »
C’est une douche froide pour les défenseurs de Sud de France, marque déposée depuis 2006 par la région (d’abord Languedoc-Roussillon, puis Occitanie) et mise à profit comme bannière de communication sur des salons (un usage qui n’est pas remis en cause) et comme logo sur des produits agroalimentaires (pas seulement du vin). « On prend acte. Le Conseil d’État s’est prononcé, la messe est dite » soupire Denis Verdier, le président de la fédération gardoise des vins IGP, qui reconnaît être « extrêmement déçu quand on mesure les investissements portés la marque depuis 15 ans pour gagner en visibilité à l’export. C’est un grand gaspillage de fonds de la région et de financements privés. C’est un handicap de plus, qui ne va pas nous aider à nous développer alors que l’on enchaine les coups durs. »
Pour Denis Verdier, la seule question restant en suspens est : « pourquoi attendre 15 ans pour nous dire qu’il n’est pas possible d’étiqueter Sud de France sur nos vins ? » Remontant à 2019, l’alerte réglementaire de l’INAO sur la marque régionale reste en travers de la gorge de la filière languedocienne. En témoigne le négociant Gérard Bertrand, soulignant en 2023 que « ça fait presque vingt ans qu’avec Georges Frêche et toute la filière on a créé Sud de France [pour fédérer l’offre d’Occitanie avec succès]. Aujourd’hui, il y a des dizaines de milliards de bouteilles qui ont été vendues avec cette dénomination. On ne peut pas se réveiller tout d’un coup et dire aux vignerons qu’ils n’ont plus le droit, alors qu’on les a laissé faire pendant des années. »
Mais toute la filière occitane n’était pas unie sur le sujet. En témoigne Jacques Gravegeal, le président du syndicat Pays d’Oc IGP, qui revendique le concept de Sud de France/South of France en l’an 2000 : « j’ai toujours été pour Sud de France comme bannière sur les salons. Pas sur les étiquettes. J’ai été le premier représentant des vins IGP à l’INAO, je sais bien que vous ne pouvez pas mettre une région qui n’existe pas sur l’étiquette ! » Quant à l’utilisation d’opérateurs de poids, comme le négociant languedocien Gérard Bertrand, Jacques Gravegeal répondait ce début d’année du tac-au-tac : « Gérard Bertrand vend-il du Sud de France ou du Gérard Bertrand ? »
« On peut regretter que dans le débat professionnel tout monde n’ait pas été d’accord. Ça n’a pas aidé » évacue Denis Verdier, qui se projette sur la suite : « on va réagir et essayer de trouver une autre marque ombrelle commune à l’ensemble des vins du Languedoc. Nos IGP n’ont pas la notoriété suffisante pour s’attaquer à l’export. » Porteur financier et politique de la marque, la région Occitanie n’abandonne pas le concept de Sud de France, ayant développé un bloc marque "Sud de France Occitanie" où n’apparaît que la silhouette géographique de la France avec un rond sur le littoral méditerranéen représentant un paysage de vallées et de montagnes (voir ci-dessous). Présentée lors du Sitevi, ce plan B d’un logo sans écrit ne convainc pas tous les opérateurs. Mais comme l’indiquait alors le conseiller régional Patrice Canayer, délégué à l’attractivité et aux marques régionales, Sud de France « a coûté cher, mais a surtout apporté d’excellents résultats, avec près de 50 % de son chiffre d’affaires généré par la viticulture. »





