a question de savoir s’il vaut mieux produire et commercialiser un vin sous une marque collective – AOP et IGP – ou, au contraire, s’affranchir de toutes règles de production et développer ses ventes en créant une marque forte, a été au cœur des débats des Rencontres nationales des Vignerons indépendants, ce jeudi 14 avril 2016, à Beaune.
Selon Joëlle Brouard, ex-directrice du Master « vins et spiritueux » de l’ESC Dijon, qui a introduit les débats, la réponse est simple. Le vigneron doit « investir » dans les deux : le « collectif » et « sa propre marque ». Il se doit par ailleurs de ne pas être « qu’un passager clandestin qui bénéficierait de la rente territoriale apportée par l’indication géographique, sans contribuer au développement collectif ». Pour Christian Paly, président du comité AOP à l’Inao, une marque commerciale ne peut pas subsister seule très longtemps dans un marché si mondialisé et concurrentiel : « Elle est vouée à croître, devenir mature puis décliner », estime-t-il. Rien à voir donc avec le « terroir », qui est, selon lui, « l’ADN des vins à AOC » : « Plus qu’un simple terme, c’est une véritable stratégie, développée de longue date, sur laquelle on a communiqué, qu’on a protégée ; c’est donc beaucoup plus compliqué qu’une simple marque ! »
Mais pour ce professionnel, comme pour Jacques Gravegeal, président du comité vin IGP à l’Inao également présent, ces deux notions – marque collective et marque privée – ne sont pas antinomiques, mais « très complémentaires ». « Vous pouvez développer un vin sous votre propre griffe tout en ayant une marque collective forte », ont-ils tous deux expliqué à l’assemblée, s’appuyant sur les exemples des vins de Bourgogne et de Champagne actuellement exportés sous ces origines, complétées par des marques de notoriété internationale.
Pour ces deux hommes convaincus, « la marque collective doit même passer avant le reste ». « Vive les indications géographiques, les AOC, avec, à côté ou derrière, une signature ; elle est importante car elle apporte une touche personnelle, a résumé Christian Paly. C’est ce qui fait la richesse de la viticulture française. » Pour ce dernier, se passer de marque collective et de notion d’origine n’aurait pas de sens dans un marché très mondialisé. Cela nécessiterait en effet de devoir « s’aligner sur les prix mondiaux actuels des vins de cépages », ce qui ne serait pas tenable au vu des coûts de production français, plus élevés que dans le reste du monde. « Le chardonnay et le pinot noir sont “plantables” partout dans le monde et nous n’avons plus le monopole de la qualité des vins ! », a-t-il rappelé. Preuve supplémentaire qu’une marque collective liée à l’origine est pertinente, le fait que des pays concurrents producteurs, comme l’Australie et la Californie, y viennent aussi : « Ils cherchent à copier notre savoir-faire, à segmenter leur offre en fonction des terroirs, ce qui prouve que vendre le Pays avec une marque n’est pas suffisant », a expliqué le président des IGP.
Ne plus en avoir pourrait aussi conduire, selon lui, à ce qui se passe dans de nombreuses filières industrielles ou agricoles : une délocalisation de la production. Car produire selon un système AOP ou IGP apporte une « protection » pour les vignerons français vis-à-vis de ce risque majeur. « En IGP Pays d’Oc par exemple, nous produisons des cépages “territorialisés”, comme des chardonnays du Pays d’Oc, et pas du reste du monde. C’est un capital énorme, non délocalisable », a-t-il répété à maintes reprises. Un capital qui demeure cependant fragile : « Le secteur viticole reste le dernier bastion où la production a lieu en France mais, méfions-nous, a-t-il ajouté. On est en train de nous embobiner pour aller le terrain du moindre prix… Nous sommes à la croisée des chemins : nous avons un minerai sous les pieds, il faut y faire attention… », a-t-il conclu.
Rencontres nationales des VIF 2016
Entre marque collective et marque privée… Que choisir ?
Pour faire face à un contexte de plus en plus concurrentiel et mondialisé, les marques collectives - AOP et IGP - sont plus que jamais, pour les vins français, un moyen de continuer d’exister sur le plan international. Extrait des débats qui ont animé la table ronde des Rencontres nationales des Vignerons indépendants, le 14 avril 2016.
Par Juliette Cassagnes Le 15 avril 2016
Lors de la table-ronde étaient présents Basile Guibert, du Mas de Daumas Gassac, Jacques Gravegeal, David Cobbolt, Joëlle Bouard et Christian Paly - crédit photo : J Cassagnes
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craoux
Le 26 avril 2016 à 14:43:29
Pour Christian PALY, le « terroir » est, selon lui, « l’ADN des vins à AOC » ... Cherche-t-il à se convaincre ou à nous convaincre avec ce discours en forme de "postulat" indémontrable voire invérifiable ? Il suffit de lire les actuels cahier des charges AOP : je le mets au défit de trouver un cahier des charges AOP qui explicite la notion de "profil" d'un vin collant à son fameux terroir ... En contrôle interne (ou externe d'ailleurs), on se fiche bien de définir le profil type .. on écarte seulement les vins à problèmes, les vins réduits ou les vins trop justes voire clairement insuffisants du point de vue organoleptique. Existe-t-il même des groupes experts (profils organoleptiques bien définis, à reconnaître - suis preneur de l'info) au sein d'une des ODG AOP, seule modalité de dégustation sélective capable de rendre crédible le contrôle interne ?
Pour Christian PALY, le « terroir » est, selon lui, « l’ADN des vins à AOC » ... Cherche-t-il à se convaincre ou à nous convaincre avec ce discours en forme de "postulat" indémontrable voire invérifiable ? Il suffit de lire les actuels cahier des charges AOP : je le mets au défit de trouver un cahier des charges AOP qui explicite la notion de "profil" d'un vin collant à son fameux terroir ... En contrôle interne (ou externe d'ailleurs), on se fiche bien de définir le profil type .. on écarte seulement les vins à problèmes, les vins réduits ou les vins trop justes voire clairement insuffisants du point de vue organoleptique. Existe-t-il même des groupes experts (profils organoleptiques bien définis, à reconnaître - suis preneur de l'info) au sein d'une des ODG AOP, seule modalité de dégustation sélective capable de rendre crédible le contrôle interne ?
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Norbert
Le 15 avril 2016 à 20:04:36
Ce débat est intéressant mais il repose sur une approximation, pour ne pas parler d'une erreur grossière. Les AOP et IGP sont des signes distinctifs collectifs mais pas des marques collectives! Les marques collectives (simples ou de certification) sont également de droit privé, comme les marques individuelles (de commerce ou de fabrique). Elles obéissent à des règles particulières du droit des marques. C'est le cas de "Vigneron indépendant", il me semble. Il est par ailleurs faux de dire que "Mas de Daumas Gassac" s'affranchit de toute règle de production. Cela n'a jamais été un vin de table (vin de France maintenant) mais un vin de pays de l'Hérault (IGP maintenant). Il ne pourrait d'ailleurs pas mettre "Mas" dans sa marque s'il n'était pas IGP. On remarquera aussi qu'il se présente comme "Grand cru du Languedoc" sur son site... Rien que cela, sans vergogne à l'égard de l'AOP
Ce débat est intéressant mais il repose sur une approximation, pour ne pas parler d'une erreur grossière. Les AOP et IGP sont des signes distinctifs collectifs mais pas des marques collectives! Les marques collectives (simples ou de certification) sont également de droit privé, comme les marques individuelles (de commerce ou de fabrique). Elles obéissent à des règles particulières du droit des marques. C'est le cas de "Vigneron indépendant", il me semble. Il est par ailleurs faux de dire que "Mas de Daumas Gassac" s'affranchit de toute règle de production. Cela n'a jamais été un vin de table (vin de France maintenant) mais un vin de pays de l'Hérault (IGP maintenant). Il ne pourrait d'ailleurs pas mettre "Mas" dans sa marque s'il n'était pas IGP. On remarquera aussi qu'il se présente comme "Grand cru du Languedoc" sur son site... Rien que cela, sans vergogne à l'égard de l'AOP
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