ne première. Ce jeudi 13 novembre, l’interprofession des vins Pays d’Oc IGP (Indication Géographique Protégée) annonce des prix d’orientation en vin en vrac pour six cépages (2 rosé : cinsault et grenache ; 2 blancs : chardonnay et sauvignon blanc ; 2 rouges : cabernet sauvignon et merlot) sous certification Agriculture Biologique (AB) et Haute Valeur Environnementale (HVE). Pour les vins bio de ces 6 cépages, des prix d’équilibre pour le coût de production ont été calculés selon trois rendements (45, 55 et 70 ou 75 hl/ha) afin de devenir des prix d’orientation (coefficient +5 à +20 % selon les rendements) : par exemple à 45 hl/ha un IGP merlot coûte 185 €/hl et le prix d’orientation est fixé à +5 % soit 194 €/hl quand à 45 hl/ha du chardonay coûte 216 €/hl et affiche +20 % un prix d’orientation de 259 €/hl (voir tableau complet ci-dessous). Autre modalité de prix d’orientation en HVE, avec un tunnel de prix : un coût de production étant relié à une fourchette cible, par exemple le grenache et le cinsault sont à 88 €/hl de coût de production et le tunnel de prix arrive à 88-95 €/hl (voir tableau ci-dessous). Pour comparaison, dans sa cotation des vins de la place de Narbonne du 13 novembre, les courtiers relèvent des cours en Pays d'Oc conventionnel de 90-95 €/hl en cinsault, 88-95 €/hl en grenache rosé, 115-130 €/hl pour le chardonnay et 105-115 €/hl, sachant qu’il y a « peu de volume contractualisé sur cette période malgré la faible récolte ».
Représentant 3 millions d’hectolitres ce millésime 2025 sur 5 millions hl produits, ce premier accord de durabilité a été validé cet été par la Commission européenne conformément à l’article 210 bis de la réglementation communautaire. Après des sessions de négociations entre production et négoce, l’outil devient opérationnel cet automne, juste avant la manifestation vigneronne du samedi 15 novembre à Béziers (Hérault). « Il y a une urgence pour trouver des solutions économiques à proposer aux vignerons alors que des manifestations approchent et que l’on risque de voir des actions plus radicales » expliquait récemment à Vitisphere Fabien Castelbou, le président de la section des Vignerons Coopérateurs d'Occitanie. En la matière, « les accords de durabilité sont une avancée. Ce n’est pas cette année que des augmentations de 10 ou 20 €/hl seront suffisantes avec les faibles rendements rentrés, mais ce sera une perspective positive pour l’an prochain » souligne le vice-président de la cave coopérative Les Vignerons Montagnac Domitienne (Hérault).
Se basant sur les coûts détaillés de la production de raisin et de vinification sur le terrain (à partir de données comptables de CER France*), les commissions bio et HVE sont parties des coûts de production ainsi calculés pour fixer des coefficients multiplicateurs, allant de 5 à 20 %, pour fixer un prix d’équilibre à l’hectolitre. « Ces accords n’ont pas pour objectif de fixer un prix de vente des vins, mais un prix d’orientation à partir duquel la production peut pérenniser son métier » souligne Cyril Payon, qui a participé aux discussions pour les prix d’orientation bio en tant que directeur de la cave de l’Ormarine (à Pinet, dans l’Hérault), qui martèle que « l’on doit se servir de ce prix d’équilibre pour sensibiliser la production à l’amélioration de la gestion des coûts et bien intégrer le niveau de rentabilité de l’exploitation : tout le monde se croit champion du monde de la gestion de son entreprise, mais il peut y avoir des leviers d’amélioration. Cela permettra à certains de s’apercevoir de certains décalages sur leurs coûts de production. Pour les metteurs en marché, il s’agit de faire comprendre qu’avec des niveaux de prix trop bas, des gens vont continuer à se désengager de la viticulture ou de programmes bio comme ils ne trouvent pas de rémunération. Cela permet de sensibiliser sur le coût de production et le prix auquel il faut arriver pour maintenir les exploitations avec les niveaux d’exigence bio/hve et de qualité IGP Pays d’Oc cépage. »
Reste la question de la mise en avant du respect, volontaire, de ces prix d’orientation auprès du consommateur final : une mention « produit acheté au juste prix » ou « prix écoresponsable » serait une piste pertinente pour Cyril Payon. « Ces accords ne sont pas encore gagnés » prévient celui qui fait office de médiateur entre production et négoce : « aujourd’hui les familles se sont entendues pour un fonctionnement par tunnel de prix. Cela doit être approuvé par l’Europe et la Direccte ». Dans l'absolu, cet accord de durabilité sera valable deux annés : sur la récolte 2025 et sur celle 2026.
« Cet outil est plutôt positif. Maintenant il va falloir suivre sa mise en œuvre et son application. Il ne peut pas y avoir d’acteurs de la production et du négoce qui ne les respectent pas » pointe Jean-Pascal Pelagati, membre du bureau de la FDSEA 34 ayant participé aux travaux sur HVE au sein de Pays d'Oc. Le vigneron biterrois reconnaît qu’en 2025 les rendements ne sont pas au rendez-vous : « les niveaux ne seront pas suffisants avec la récolte de cette année. Mais on ne peut pas augmenter les prix de 50 % parce que l’on a une perte de 50 %. Ça ne va pas nous sauver cette année, mais cela nous aidera pour l’avenir. Il faut que ça porte ses fruits. » Caustique, un négociant languedocien juge que ces prix d’orientation tiennent de l’usine à gaz : « c’est impossible à appliquer. Ils cherchent tous une solution. Si la viticuture est à l’arrêt, elle n’est pas en panne d’idées. »
Ayant déjà appliqué de telles communications sur les prix (avec des condamnations pour entente de l’Autorité de la concurrence à l’époque, avant le changement de réglementation européenne repéré par les Vignerons coopérateurs), les vins AOC Côtes-du-Rhône veulent déployer le 210 bis sur leurs vins rouges certifiés bio et HVE. « Cette mécanique doit permettre l'écoulement de ces certifications » explique Philippe Pellaton, le président d’Inter Rhône, pour qui « l’accord de durabilité est une mécanique de sauvegarde de l'engagement des vignerons dans ces démarches qu'on a qualifié de vertueuses. Dans un moment de difficultés, il pourrait être fait un pas en arrière parce qu'il faut faire des économies, parce qu'on n'en voit pas toujours l'intérêt, parce que le marché ne répond pas à tout ça. »
Pour Inter Oc, « dans un contexte marqué par la baisse de la consommation, l’inflation des coûts et les impacts du changement climatique, ces accords offrent un outil structurant pour contribuer à une meilleure valorisation économique des producteurs engagés en bio ou HVE, maintenir les pratiques de production durables, améliorer la visibilité et la stabilité des relations commerciales sur ces produits, renforcer le lien entre production et négoce » indique un communiqué.
Les prix d'orientation en bio pour le millésime 2025 Pays d'Oc IGP fixés ce 12 novembre :

Les prix d'orientation HVE pour le millésime 2025 Pays d'Oc IGP fixés ce 7 novembre :

* : En termes de dispersion des coûts de production, les frais de vinifications et production « ont été établis selon des règles qui mettent à quasi-égalité tout le monde » indique Cyril Payon, que l’on soit grande cave coopérative ou petit domaine individuel.




