ouper le cuivre, c’est couper les vivres à la viticulture biologique. Sur les 34 fongicides cupriques étudiés cet été, seuls 2 en vigne bénéficient d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) : même si elle s’en défend, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) réduit drastiquement la capacité de protection des parcelles bio contre le mildiou, avec des complications assurées et un risque d’impasse pesant sur l’avenir des vins bio. « Aujourd’hui, nous avons 165 000 hectares de vignes bio en France. Avec des annonces comme ça, on enlève la moitié des surfaces » alerte Sébastien David, le président de l’association nationale interprofessionnelle des vins bio (France Vin Bio), pour qui « c’est du foutage de gueule, on veut la mort du petit cheval ! Il faut arrêter. Si l’on voulait déshabiller la France de son agriculture, on ne ferait pas mieux. »
Notant que le vignoble méridional pourrait tenir avec peu de cuivre, le vigneron de Saint-Nicolas-de-Bourgueil (Indre-et-Loire) pointe qu’il y aurait d’importantes impasses et déconversions sur la bordure océanique (Bordeaux, Muscadet…) et dans des vignobles exposés à des conditions pluviométriques difficiles (Alsace, Beaujolais, Bourgogne, Champagne, Rhône Nord…). « Dans une viticulture déjà frappée par le changement climatique, ce n’est pas dans 3 à 4 ans que l’on trouvera des produits de substitution. Personne ne traite à 100 % en biocontrôle, ça ne marche pas seul sans cuivre » soupire Sébastien David, pour qui les autres solutions sont trop onéreuses en cette période de crise viticole : cépages résistants aux maladies cryptogamiques, protections physiques avec des panneaux photovoltaïques ou bâches rétractables… « Aujourd’hui, on est dans le dur. Qui va pouvoir investir ? » alerte le vigneron ligérien.


Avec des délais de grâce (6 mois à la vente et 18 mois à l’utilisation à partir de la date de refus d’AMM, le 15 juillet dernier), « les vignerons ne vont pas s’en rendre compte tout de suite » analyse Stéphane Becquet, le directeur du Syndicat des Vignerons Bio de Nouvelle Aquitaine, l’ingénieur agronome pointant qu’« il n’y aura pas d’impact l’an prochain avec l’écoulage des stock et quelques AMM italiennes qui resteront disponibles. 2027 sera plus compliquée, mais les AMM italiennes resteront valables tant qu’elles ne sont pas révisées, ce qui devrait attendre la réhomologation du cuivre et de nouvelles données sanitaires. »
Ayant encore du mal à faire le décompte des fongicides qui restent disponibles en France pour el vignoble (avec le cas de commerce parallèle), Stéphane Becquet invite les viticulteurs à suivre le webinaire dédié au cuivre dans le vignoble qui se tiendra ce mercredi 8 octobre, de 15h30 à 17h30, à l’initiative de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) et l'Institut Technique de l'Agriculture Biologique (ITAB). « On coupe de moitié les produits utilisables en viticulture : à terme, on aura une dizaine de cuivre utilisables, mais avec pas mal de restrictions. Pour le Champ Flo, la limitation est à 1,5kg/an… » pointe l’expert de l’ITAB.


Entre fin des vendanges et absence de gouvernement, le vignoble bio sait qu’il doit réagir vite et fort pour ne pas laisser le dossier du cuivre passer à la trappe. Pour savoir ce qui est faisable juridiquement, France Vin Bio appelle à une réunion entre les pouvoirs publics et les filières agricoles concernées. « Il faut mettre tout le monde autour de la table : ministère, ANSES, viticultures biologique et conventionnelle, pommes de terre, fruits et légumes… » liste Sébastien David, pour qui « il ne faut pas travailler seul, mais avancer tous ensemble ». Les vignerons conventionnels étant concernés par les fortes restrictions sur le vignoble bio : « ils sont dans le même bateau que nous. Supprimer le cuivre c'est pousser les vignerons vers le folpel qui est CMR2 (Cancérigène, Mutagène et Reprotoxique suspecté). Le fosétyl sans cuivre, ça n’existe pas. Tout comme on ne peut pas mettre de phosphonates sans cuivre… Ça ne marche pas tout seul » souligne le président de France Vin Bio.
Inquiète, la filière des vins bio craint sa mise à mort technique en contradiction avec les volontés politiques de développement de l’agriculture biologique. Un constat partagé par l’ANSES dans son dernier rapport sur la réduction des doses de cuivre où l’effet économique n’est pas minimisé pour les viticulteurs en particulier… « Le cuivre est un produit qui a des défauts, on le sait. Mais il n’a pas une grosse migration dans le sol et il n’y pas de problème avec le voisinage comme le démontre Pestiriv [NDLA : l’étude d’exposition des riverains de vignes aux phytos copilotée par l'ANSES] » pointe Sébastien David, relevant les efforts des viticulteurs pour réduire les doses, s’adapter aux conditions climatiques (comme la vitesse du vent). Pour vivre, la viticulture biologique a besoin de cuivre.