nlassablement, c’est un constat qui fait soupirer dans le vignoble : « c’est la croix et la bannière de vendre 6 bouteilles de vin à un particulier en Belgique. Quand on expédie au grand export une palette à un professionnel, c’est plus facile… Il y a un réel sujet de capacité de vente à nos voisins européens » rapporte Maxime Toubart, le président du Syndicat Général des Vignerons de Champagne (SGV). Pour ouvrir le marché européen à la vente directe des vins communautaires sans surcoûts ni paperasse administrative, « il faut rapidement avancer soit sur un guichet unique, soit sur des solutions concrètes pour accompagner le commerce sur les pays frontaliers » pointe le vigneron du Breuil (Marne).
Lettre morte
Accentuée par les tensions géopolitiques pouvant réduire l’accès à des marchés (comme le retour des taxes Trump aux États-Unis), la demande vigneronne de simplification des déclarations administratives reste en suspens à Bruxelles. En 2022, le courrier de trois ministres français demandant un guichet unique à la Commission européenne n’a abouti à aucune avancée. Si des débats communautaires se poursuivent pour simplifier le commerce intraeuropéen, il n’y aurait pas d’unanimité sur ce sujet, tous les pays n’imposant pas de droits d’accise. Comme l’Italie, pointe Pascal Bobillier-Monnot, directeur adjoint du SGV, qui indique qu'un rapport de la Commission européenne sur la simplification fiscale est attendu cet automne et où ce guichet unique aurait toute sa place. Face à la complexité administrative de ces déclarations, des plateformes privées existent pour aider l’expédition en Europe de vins aux particuliers et professionnels sans numéro d’accise (via des représentants fiscaux), mais la filière viticole continue de demander un guichet unique pour les droits d’accise sur le modèle de celui lancé en 2021 pour les TVA : une plateforme unique pour centraliser les déclarations. Qui sont particulièrement laborieuses.
En pratique, « un vigneron reçoit une commande d’un client allemand qui a apprécié une dégustation sur son exploitation pendant ses vacances. Le vigneron lui adresse une facture pro forma, disons un devis pour que le client réalise lui-même les démarches nécessaires à la consignation des accises allemandes auprès de son bureau de douanes le plus proche. Les douanes allemandes lui délivrent un document valant attestation de la consignation des accises. Il communique cette attestation aux vignerons, ce qui lui permet de réaliser un document d’accompagnement douanier pour l’expédition des bouteilles » liste-t-on au SGV, relevant qu’« à l’ère du numérique, de l’achat en 2 clics, de la consommation depuis son canapé, il y a peu de chances qu’un vigneron parvienne à vendre des bouteilles à un particulier qui accepterait de réaliser ces démarches ».
1 bouteille/visiteur = 10 millions €
Alors que le vignoble français développe son (attr)activité touristique, un guichet unique de déclaration des droits d’accises serait un levier de transformation d’une visite ponctuelle et achats récurrents. Sur la base d'une estimation de 500 000 touristes européens visitant annuellement le vignoble champenois, l’achat d’une bouteille par visiteur permettrait de générer environ 10 millions € de chiffre d’affaires extrapole SGV, pour qui « le guichet unique accises c’est le droit pour le vigneron de bénéficier enfin d’un vrai marché unique européen » pouvant intéresser un autre public que celui des touristes revenus à domicile. S’il y a un potentiel économique certain, le SGV ne veut pas nourrir de « faux espoirs néanmoins, si le guichet unique accises est instauré, cela ne compensera pas la baisse des ventes sur le marché américain ».
Car « le dynamisme économique de la filière viticole européenne repose sur sa capacité à accéder librement à ses marchés historiques tout en conquérant de nouveaux débouchés » résume un plaidoyer du SGV, appeler à « lever les freins intraeuropéens à la vente directe et assurer une stratégie commerciale européenne offensive à l’international ». Des demandes portées inlassablement par le vignoble, de Champagne et au-delà. La Confédération Nationale des producteurs de vins AOC (CNAOC) demande également un guichet européen unique pour les droits accises, son directeur, Raphaël Fattier, pointant que « pour un vigneron alsacien, il est plus facile d’exporter deux palettes à Shanghai que deux cartons en Allemagne, alors qu’ils sont voisins ». Une demande portée et répétée depuis des années : « ça fait partie des sujets que l’on rabâche, même si l’on a l’impression que ça n’avance pas » conclut Maxime Toubart.