On fait tout pour nous casser » laisse échapper ce 11 septembre Antoine le Grix de la Salle, vigneron au château Grand Verdus (100 ha de vignes bio à Sadirac, Gironde), lors de la journée de vendanges de la Confédération Nationale des producteurs de vins AOC (CNAOC). Sont mis en cause les retraits et restrictions d’usage des phytos à base de cuivre liés aux Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) étudiées cet été par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), le cuivre étant désormais une substance active candidate à la substitution (depuis 2025).


Après des campagnes viticoles difficiles pour la protection des vignes face au mildiou, ces réhomologations partielles des cuivres « sont de mauvaises nouvelles », avec la « moitié de retrait et pour le reste plus de contraintes (réduction des doses/nombre de traitements autorisés, Zone de Non Traitement pour les cours d’eau ou ZNT eau, Distance de Sécurité vis-à-vis des Personnes Présentes et Résidents ou DSPPR…), ce qui rend plus compliquée la gestion des maladies » diagnostique Yann Le Goaster, le directeur de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB), qui plaide pour donner de la stabilité et d’autres perspectives alors que la campagne viticole 2026 permettra d’écouler les stocks de cuivres écartés. Si les nouvelles décisions de l’ANSES sont applicables dès signature, le retrait d’AMM bénéficie d’un délai : 6 mois à la vente et 18 mois à l’utilisation (les AMM ayant été signés le 15 juillet 2025).
Tirant la sonnette d'alarme, la filière des vignerons bio et conventionnels relève à l’unisson une contradiction entre les incitations à la conversion bio/la réduction des phytos chimiques et ces orientations administratives mettant des bâtons dans les roues. Un paradoxe incarné par les décisions de l'ANSES face au récent rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) qui établit que « le cuivre est le dernier rempart dans la gestion des stratégies de protection du vignoble » cite Raphaël Fattier, le directeur de la CNAOC. « En bio, il y aura vraiment des impasses. En conventionnel, il faudra se tourner vers des molécules plus impactantes » résume Stéphane Gabard, élu à la FGVB. « Depuis des années il y a des retraits de molécules à risque pour la santé. En dehors du cuivre, le nombre de molécules est de plus en plus restreint. Les vignerons sont plus poussés à utiliser le folpel que le cuivre » illustre Yann Le Goaster, citant le cas d’un cuivre désormais restreint : le Champflo, passant désormais de 12 à 3 passages autorisés par an, avec une dose de 1,5 kg/an. Appelant à l’application au cuivre du principe « pas d’interdiction sans solution » répété par les derniers gouvernements, Yann Le Goaster porte la demande du vignoble de suspendre les conditions d’usage plus strictes jusqu’aux résultats des examens communautaires de réhomologation du cuivre qui sont actuellement menés en Italie (avec potentiellement une autre approche que l’ANSES).


Sur le terrain, la perspective de réduction du cuivre va de pair avec le risque avéré de réduction des rendements et de la viabilité économique (une récente étude de l’ANSES en témoignant). Climatiquement et donc sanitairement, « les millésimes sont de moins en moins favorables. Si l’on fait 25 hl/ha tous les ans, on ne va pas tenir en bio » alerte le vigneron bordelais Thomas le Grix de la Salle, qui pointe la contradiction : « on nous demande d’être plus propres que propre et on ne nous en donne pas les moyens ! » La question de l’usage des phosphonates en alternative au cuivre lors de la floraison mérite d’être posée pour le vigneron, même si le sujet est rejeté par les instances bio de France et une majorité d’experts européens.