n même temps que les conférences de la souveraineté alimentaire, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, lançait ce 8 décembre une idée douce à l’oreille de la filière vin : « nos efforts diplomatiques doivent payer en vue de l’obtention de l’abaissement des limites maximales de résidus à zéro quand une substance est interdite sur le sol européen. Cela permettrait d’empêcher tout produit chassé du sol européen par la porte règlementaire de revenir par la fenêtre des importations. » Appelant au réveil des consommateurs français pour soutenir leurs agriculteurs face aux risques de conflits militaires et à la mobilisation des filières pour rédiger d’ici l’été 2026 des plans d’adaptation stratégiques, la ministre prend sa part avec cette annonce politique : « si la Commission ne le fait pas de son propre chef dans les semaines à venir, soyez assurés que j’interdirai moi-même les importations sur notre sol de produits contenant des substances interdites en Europe comme le droit européen me le permet » (voir encadré).
En déclarant « pouvoir interdire les importations de produits étrangers qui ne respecteraient pas nos normes, notamment en matière de produits phytosanitaires », les Jeunes Agriculteurs lui répondent dans un communique « chiche, Madame la Ministre, passez de la parole aux actes ! Il en va de la survie de l’agriculture française et européenne ! » Même validation pour le coordinateur du groupe de travail dédié à la viticulture dans les Conférences de la souveraineté alimentaire. Pour Bernard Angelras, le président de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), cette barrière à l’importation « est une demande que l’on fait depuis longtemps parce qu’il y a des concurrences déloyales et pour préserver le consommateur qui ne voit que si est utilisé dans des pays lointains. Si l’on veut retrouver de la compétitivité, l’encadrement aux frontières est une bonne chose. »
Mais pour le vigneron gardois, si l’on veut que la viticulture nationale « boxe dans la même catégorie » que les autres vignobles européens, il faut aller plus loin en harmonisant la boîte à outils phytos. « On le voit sur le cuivre, on ne peut pas retirer tous les jours des molécules en France sinon on n’arrivera plus à produire demain » prévient-il, appelant à une logique européenne d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour qu’il n’y ait pas de surtransposition nationale avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). « Pourquoi surtransposer en France alors qu’il y a des autorisations en Espagne ou Allemagne ? Ce n’est pas pour empoisonner d’avantage, nous sommes les premiers utilisateurs exposés et concernés dans le vignoble, mais il faut harmoniser au niveau européen. Si un produit est autorisé en Italie, il n’y a pas de raison qu’il ne le soit pas en France » plaide Bernard Angelras.
Statut du vin
Pour lui, il s’agit d’un enjeu de compétitivité et de souveraineté, l’inclusion de la viticulture dans les conférences ministérielles étant le signe d’une reconnaissance que le vin n’est pas une boisson alcoolisée mais un aliment : « ce plan veut donner à la nation la capacité de nourrir sa population et de gagner en capacité exportatrice » pointe-t-il, soulignant qu’il faut « repenser le statut du vin. Ce n’est pas neutre d’assimiler le vin à souveraineté alimentaire. Dans la période de crise que nous traversons, je veux que l’on déconnecte le conjoncturel (qui est pesant, je suis touché comme tout le monde dans le vignoble) pour saisir l’opportunité de la souveraineté afin de bâtir la viticulture de demain (à partir des travaux stratégiques menés, comme Cap Vins 2030) et se projeter sur l’avenir. Sinon il n’y aura plus de jeunes pour s’installer. Il faut les inciter et les encourager. » Il est donc hors de question d’aboutir à « un rapport pour caler un meuble » mais un plan interfilière sur l’adaptation et la diversification : « c’est un espoir à apporter. C’est pour ça que j’ai accepté cette coordination, pour que les viticulteurs puissent réimaginer leur avenir. »
L’annonce d’interdiction française unilatérale d’importations s’il n’y a pas de LMR à zéro pour les pesticides interdits en Europe, « renvoie à la possibilité pour un État membre de décider d’une interdiction d’une substance dangereuse, même sans action de la Commission en ce sens (ou à cause de cette inaction, plutôt) » explique le cabinet de la ministre, précisant que cela « a déjà été le cas sur le diméthoate et les cerises La France a interdit l’utilisation du diméthoate pour le traitement des arbres fruitiers — y compris les cerisiers — dès février 2016. Suite à cette interdiction nationale, la France a mis en œuvre une "clause de sauvegarde" : dès 2016, elle a suspendu l’importation et la mise sur le marché de cerises fraîches originaires de pays qui autorisaient l’usage du diméthoate. Cette clause a été renouvelée annuellement tant qu’aucune mesure européenne n’était adoptée. En 2019, la commission a choisi de ne pas renouveler l’approbation du diméthoate. Depuis cette décision européenne, la LMR pour le diméthoate sur les cerises importées a été ramenée quasiment à zéro, ce qui rend les importations de cerises traitées inacceptables. »




