’était le grognement de fond qui résonnait ces derniers jours : si la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, n’avait pas de réponses concrètes à apporter à la colère vigneronne (exprimée ce 15 novembre à Béziers), il valait mieux pour elle qu’elle ne vienne pas inaugurer ce 25 novembre le salon Sitevi. Ayant annoncé ce 24 novembre un plan d’aide à la filière doté de 130 millions € de crédits nationaux pour l’arrachage définitif, d’une demande de fonds européens pour une distillation de crise, d’un abattement de 15 millions € de cotisations sociales et d’une refonte des crédits de restructuration, la ministre a répondu aux demandes prioritaires de la filière viticole. Des mesures de sortie de crise du secteur vitivinicole qu’elle a pu préciser aux exposants et visiteurs pendant 3 heures de déambulation matinale.
Par exemple sur les 130 millions d'euros de l’arrachage définitif. « Cette somme s'adresse à l'ensemble de la viticulture française, qui souffre à la fois de surproduction et de déconsommation » explique lors d’un point presse Annie Genevard, qui décrit un outil de recalibrage pour « aider la filière à mettre en adéquation le volume de production et le marché disponible pour absorber la production française ». Précisant que la mesure ne pourra être déployée que lorsqu’elle aura un cadre juridique européen (soit l’évolution réglementaire du paquet vin), la ministre indique sur l’arrachage qu’« il faudrait le faire dès le début de l'année prochaine », sachant que cet outil est lié à l’adoptio du Projet de Loi de Finances pour 2026 (PLF) : « il faut que la France ait un budget pour qu'on puisse déployer les mesures que j'ai annoncées ».
Mise en œuvre
Sachant que cet arrachage aura un budget phasé, avec un début d’arrachage pour 2026 sur 70 millions € débloqués par le gouvernement et un solde examiné ensuite. 130 millions € restant « une somme qui est certaine. On fera une première évaluation à 70 millions d'euros pour un déploiement ensuite à la hauteur de ce que nous avons dit » précise Annie Genevard, confirmant qu’« on commence en 2026 et on verra bien ce que l'on aura consommé. Il n'y a absolument aucun doute sur la somme sur laquelle le gouvernement s'est engagé. » L’annonce de la ministre valant engagement, « que l’État mette en œuvre le dispositif » réagit Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, qui salue « une réponse adaptée aux besoins qui sont les nôtres. Il faut maintenant aller vite dans la mise en œuvre. On ne peut pas laisser passer les mois sans avancées. Il faut ficeler les mesures d’arrachage, de distillation et d’allègements pour les mettre à la disposition de tous : vignerons, banques… »
11 ans pour se raccorder à Aqua Domitia, c’est trop long
Si la ministre a répondu aux demandes prioritaires de la filière viticole,
elle a reçu nombre d’autres demandes urgentes pendant l’inauguration du salon technique. À commencer par le besoin d’eau dans le Sud de la France, marqué par la sécheresse d’août 2025 : un coup de séchoir pesant sur les rendements. Le raccordement à l’eau étant une priorité pour les viticulteurs frappés par son manque de disponibilité : « 11 ans pour se raccorder à Aqua Domitia, c’est trop long. Il n’y aura plus de paysans ! » témoigne ainsi Jean-Marie Dirat, président de la Fédération Régionale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FRSEA Occitanie). « J'ai la conviction, chaque fois que je viens en Occitanie, que le sujet, c'est l'eau » indique en point presse Annie Genevard, appelant « toutes les bonnes volontés [à] se mettre autour de la table, à la fois les collectivités territoriales, l'Etat… »
Interpellée sur le stand de la Coopération Agricole sur l’impatience des caves coopératives sur les 10 millions € attendus pour leur restructuration, la ministre répète qu’avant de parler de déploiement de ces fonds, il faut analyser les résultats de l’audit du Conseil Général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux (CGAAER). Rendue ce 9 décembre,
l’étude doit « déterminer les mesures de soutien aux caves coopératives dont personne ne doute qu’elles ne soient pas indispensables » souligne Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs de France. Les 10 millions € obtenus sur le PLF 2025 arrivant à expiration sans avoir été utilisés, le viticulteur gascon « se projette en 2026. Des amendements veulent reconduire l’enveloppe 2025 en 2026, et en ajouter une nouvelle. Le sujet est sur la table. La ministre nous dit qu’il falloir se projeter dans le structurel, les restructurations de caves coopératives sont en plein dedans pour se donner la possibilité de répondre à de nouveaux consommateurs. »
Stratégie de filière
La ministre soulignant lors de son passage sur le stand de la Chambre d’Agriculture régionale l’utilité de la restructuration du vignoble, Jérôme Despey, le président de la Chambre d’Agriculture de l’Hérault (et du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer) souligne l’enjeux de maintenir le budget de la Politique Agricole Commune et une Organisation Commune de Marché vitivinicole (OCM vin). « Nous avons fait le choix de ne pas tomber dans les Droits à Paiement de Base pour soutenir les investissements d’avenir. Il va y avoir des tentatives de dérive sur ce sujet. Il faut que l’OCM reste dédiée à la restructuration, l’investissement et la conquête de marché » plaide le viticulteur de Saint-Geniès-des-Mourgues. La filière finalisant un Plan Stratégique National (PSN), Jérôme Despey donne rendez-vous à la ministre et son cabinet pour présenter ces nouvelles orientations. « À un moment, il faudra parler de l’aval » pointe la ministre, répétant lors de sa visite l’importance d’impliquer le négoce dans les discussions d’avenir (un point clé du rapport sénatorial, qui lui sera remis ce 25 novembre en fin de journée par ses rapporteurs).
Des décisions qui ne vous coûteront rien et nous soulagerons beaucoup
Sujet récurrent lors des échanges de la ministre avec la filière, la question du cuivre reste posée après les restrictions et retraits d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES). « 100 % des viticulteurs français utilisent du cuivre, ce n’est pas que le problème du bio. Nous avons besoin de votre aide » plaide Julien Franclet, le président de SudVinBio sur le stand de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV). « J’y travaille » lui répond Annie Genevard. « On n’a pas besoin que d’argent, quand on a de tels boulets aux pieds » lance pour sa part Rémi Dumas, le président des Jeunes Agricultures de l’Hérault, soulignant le poids des décisions de l’ANSES sur l’avenir du vignoble : « il faut prendre des décisions qui ne vous coûteront rien et nous soulagerons beaucoup ».
Cuivre
« Le sujet du moment est le cuivre » lui répond Annie Genevard, soulignant l’impasse de l’obligation de 7 jours entre deux traitements des cuivres révisés par l’ANSES. Et aspirant à avancer sur les dispositifs de reconnaissance mutuelle, « les Italiens sont plus avancés ». Sur le stand de la Coordination Rurale, la ministre est interpellée sur « la déproduction » causée par le manque d’eau et les pertes de matières actives. « Pour le cuivre, l’an prochain les programmes phytos seront impossibles, on ne va pas s’en sortir » soupire Laurent Crouzet, le coprésident de la Coordination Rurale de l’Hérault. Dont le syndicat demande que l’ANSES soit écartée des décisions d’AMM pour se référer aux seules décisions de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) évitant les distorsions de concurrence viticole entre pays.
« Je milite pour caler les règles de production sur celles européennes » répond la ministre, soulignant que la question a causé d’âpres débat autour du projet de loi Duplomb-Ménonville. Notant qu’« en France, les débats sont plus éruptifs et violents qu’ailleurs » sur les phytos, Annie Genevard déclare que « l’EFSA c’est l’ANSES européen, il devrait être le juge de paix. Ce sont des scientifiques et il n’y a pas deux sciences, une française et une européenne. »



