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Pour "éviter de boire un jour du champagne chinois ou américain" les sénateurs sauvent le bail à métayage des retraités champenois
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Un pavé dans la Marne
Pour "éviter de boire un jour du champagne chinois ou américain" les sénateurs sauvent le bail à métayage des retraités champenois

Si ça se dispute au Sénat sur la préservation de l’exemption d’affiliation à la MSA des bailleurs à métayage de Champagne, un compromis vient d’être adopté avec l’appui du gouvernement pour préserver le tiers du vignoble de l'AOC effervescente.
Par Alexandre Abellan Le 21 novembre 2025
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La sénatrice Anne-Sophie Romagny défend un modèle adapté aux contraintes foncières champenoises : 'le métayage a toujours offert un mode de transmission fluide : il permet au retraité de céder son exploitation sans imposer au repreneur un endettement excessif, tout en maintenant le patrimoine dans la famille'. - crédit photo : Adobe Stock (Mistervlad)
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ermettant à un vigneron retraité de louer des parcelles de vigne pour une rémunération proportionnelle à la récolte (souvent au tiers, en raisins ou espèces), le modèle champenois de bail à métayage mobilise les sénateurs : deux amendements diamétralement opposés étaient ainsi étudiés ce jeudi 20 novembre en séance dédiée au Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2026 (PLFSS). Le sujet étant explosif en Champagne, où il concerne 4 855 propriétaires de vignes en AOC, soit le tiers des surfaces, qui pourraient être considérés comme des exploitants et être privés de retraite depuis la remise en question de l’exemption locale d’affiliation des bailleurs à métayage, pour se conformer au cadre légal national explique la Mutualité Sociale Agricole (MSA).

Amendement de suppression

N°591, le premier amendement sénatorial propose de détricoter l’exemption d’affiliation à la MSA pour les bailleurs que les députés avaient adopté ce 5 novembre avec la création de l’article 5 bis. Rapporteure générale de la commission des affaires sociales, la sénatrice Élisabeth Doineau (Mayenne, groupe de l’Union Centriste) estime que pour répondre à l’émotion champenoise sur l’arrêt de leur exemption, « l'article 5 bis [du député Charles de Courson] désaffilie tous les bailleurs à métayage, mais sur l'ensemble du territoire national. Mon cœur a fait un bond ! Nous ne pouvons pas priver la MSA de recettes importantes, car ces cotisations représentent 20 % du financement. » Et toute proposition « de maintenir la dérogation pour les seuls bailleurs à métayage champenois » serait « inconstitutionnel » pour la sénatrice, qui demande « pourquoi un bailleur bordelais serait-il affilié à la MSA et pas un bailleur champenois ? »

Une question qui reviendra ensuite dans le débat parlementaire. Et ce malgré le rejet de l’amendement 591 (94 voix pour et 195 contre). Le gouvernement souhaitant le retrait de cet amendement pour valider le compromis porté par le deuxième amendement sur le sujet. « Il s'agit de mettre de l'ordre dans un usage installé depuis longtemps » déclare le ministre des solidarités et du travail, Jean-Pierre Farandou, qui reconnait qu’« il serait inconstitutionnel d'octroyer une dérogation au seul département de la Marne ».

Amendement de compromis

N°1362, l’amendement porté par la sénatrice Anne-Sophie Romagny (Marne, Union Centriste) veut « restreindre la dispense d’affiliation au régime des non-salariés agricoles des bailleurs à métayage aux seuls bailleurs dont le contrat de bail prévoit l’absence de partage des dépenses d’exploitation entre le bailleur et circonscrire cet usage ». Afin de sauvegarder un modèle adapté aux contraintes foncières champenoises précise l’amendement, car « le métayage a toujours offert un mode de transmission fluide : il permet au retraité de céder son exploitation sans imposer au repreneur un endettement excessif, tout en maintenant le patrimoine dans la famille ».

Le Gouvernement y est favorable

Dans une logique affichée de sérieux budgétaire, « cet amendement ne crée pas de dépenses supplémentaires, mais circonscrit le bail à métayage, en différenciant le preneur du bailleur par l'absence de partage de dépenses d'exploitation » défend en séance la sénatrice Anne-Sophie Romagny, qui martèle que « voter pour cet amendement, c'est voter pour les milliers de vignerons qui font vivre nos territoires ruraux et notre patrimoine. C'est aussi éviter de boire un jour du champagne chinois ou américain. » Le gouvernement soutenant cet amendement, le ministre Jean-Pierre Farandou déclare que le compromis trouvé « prend en compte des spécificités de certains baux à métayage, notamment ceux conclus en Champagne, qui prévoient un partage des dépenses entre le bailleur et le preneur. »

« L'abandon du métayage entraînerait une concentration foncière entre les mains de quelques grands acteurs non viticoles, voire étrangers - et, à terme, une diminution des ressources escomptées » défend également le sénateur Christian Bruyen (Marne, Les Républicains), faisant du bail à métayage « un outil fondamental pour la transmission familiale des exploitations en Champagne » porté par une « stabilité juridique historique » tenant aux usages locaux, loyaux et constants. « Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet ; je remercie monsieur le ministre du Travail et madame la ministre de l'Agriculture [Annie Genevard] qui a fait beaucoup de pédagogie » poursuit la sénatrice Pascale Gruny (Aisne, Les Républicains).

Une exception champenoise

Un plaidoyer qui laisse pour le moins circonspect et suspicieux d’autres élus du vignoble. à commencer par le sénateur Henri Cabanel (Hérault, groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen). « Nous devrions défendre l'équité territoriale, or nous allons faire une exception champenoise » critique le vigneron de Servian, notant que si « le prix du foncier agricole est certes très élevé en Champagne, ce qui pose problème pour les successions - mais c'est aussi le cas en Bourgogne. Ce système de bail à métayage introduit une iniquité avec les autres territoires. Trouvons une solution intermédiaire, pour éviter que de grosses entreprises n'accaparent le foncier - ce qui arrive déjà, même sans métayage. »

« Les difficultés du monde viticole ne sont pas propres à la Champagne. Cette exception, qui dure depuis un siècle, doit-elle perdurer ? » renchérit la sénatrice Monique Lubin (Landes, Parti Socialiste), demandant « pourquoi les vignobles du Bordelais ou des pays de l'Aude en seraient-ils exclus ? Surtout, cotiser à la MSA mettrait-il vraiment en danger la transmission familiale des exploitations ? Je m'étonne que ceux qui pleurent sur notre système de retraites, notamment agricoles, nous expliquent que des exploitants agricoles, fussent-ils bailleurs ou preneurs, ne devraient pas cotiser à la MSA ! » Même opposition du sénateur Gérard Lahellec (Côtes-d’Armor, Parti Communiste Français), qui « ne pense pas que le budget de la sécurité sociale doive financer le soutien à une filière ».

On ne retire rien aux autres vignobles

Reprenant la parole, et la défense, la sénatrice Anne-Sophie Romagny déclare que son amendement « ne coûte rien. Dès lors, pourquoi tuer un système qui fonctionne ? On ne retire rien aux autres vignobles. En Champagne, le prix du foncier agricole peut atteindre 1,6 million d'euros l'hectare. Pour un jeune agriculteur qui reprend l'exploitation familiale, c'est inabordable. » Réplique immédiate : « on ne retire rien aux autres vignobles, mais on ne leur accorde pas le même avantage ! Il n'est pas constitutionnel de prévoir un dispositif pour une seule région » lance la sénatrice Raymonde Poncet Monge (Rhône, les Écologistes). Voulant rassurer sur la constitutionnalité du compromis, le ministre Jean-Pierre Farandou répète que si « cet outil est très utilisé en Champagne », au final « le dispositif est ouvert à tout le monde, dès lors qu'on est dans les mêmes conditions que les viticulteurs champenois ».

Après ces vifs échanges, 226 sénateurs votent pour et 100 contre. « Nous nous félicitons du vote du Sénat à une très large majorité » réagit sur Linkedin Maxime Toubart, le président du Syndicat Général des Vignerons de Champagne (SGV), soulignant qu’« une nouvelle étape est franchie dans la reconnaissance et la préservation du bail à métayage et qui devrait permettre aux bailleurs de pouvoir continuer à percevoir les revenus tirés du bail et leur retraite. » Continuant à se mobiliser avec la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin AOC (CNAOC), le SGV surveille désormais la Commission Mixte Paritaire du PLFSS « pour rapprocher les points de vue entre l’Assemblée et le Sénat » souligne le vigneron du Breuil (Marne).

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