erf de la crise viticole, la juste rémunération de la production n’est pas au point mort, contrairement aux atermoiements entourant l’évolution d’Egalim. S’il y a déjà la mise en œuvre de l’article 210 bis du règlement UE 1308/2013 pour orienter les prix des vins certifiés bio et HVE (dès 2025 pour l’IGP Pays d’Oc après validation de la Commission Européenne), il y a aussi l’article 172 ter permettant des « orientations des organisations interprofessionnelles concernant la vente de raisins destinés aux vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée ». Soit la possibilité donnée aux interprofessions d’élaborer et de communiquer dès maintenant, sans avoir à passer par une validation nationale ou européenne, des orientations de prix sur les raisins AOP et IGP.
« L'article 172 ter est d’application directe pour les raisins, cette réglementation de 2021 peut être utilisée telle quelle » pointe Raphaël Fattier, le directeur de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC). « Cet article est la clé de la négociation de demain. Le repère sûr et absolu de chaque millésime pour pouvoir valoriser nos vins à leur juste valeur » abonde Damien Gilles, le président du Syndicat des Vignerons des Côtes du Rhône. Actuellement, plusieurs interprofessions sont ouvertement intéressées par la mise en œuvre de ce dispositif : de premières applications pourraient avoir lieu dès le millésime 2026.
L’enjeu étant de définir des indicateurs adaptés : « il y a les coûts de production, les mercuriales, les données de marché comme les panels Circana en GD, les indicateurs export... Chaque interprofession va travailler sur ses indicateurs et choisir les plus pertinents pour ses produits, son contexte économique » explique Raphaël Fattier, indiquant qu’une fois les indicateurs élaborés, il faut encore les valider au sein de l’interprofession (entre la production et les metteurs en marché) et les diffuser (via une communication aux parties prenantes). « La mécanique est partagée entre les deux familles, elle se veut bienveillante et c’est tout son intérêt. La discussion paritaire est toujours constructive, surtout quand elle se base sur des indicateurs fiables et objectifs » estime Damien Gilles. Le président de la commission marché de la CNAOC avançant que l’« on sortira de la crise par des outils collectifs, celui-ci en est un bel exemple. Les applications régionales sur lesquelles nous travaillons pourront ensuite être dupliquées dans d’autres régions. C’est l’intérêt d’un travail en réseau comme celui initié par la CNAOC, avec les interprofessions et le négoce. »


Dérogeant au droit de la concurrence*, l’article 172 ter pourrait être étendu aux moûts et vins AOP et IGP dans le cadre du paquet vin, l’évolution réglementaire de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin). La CNAOC porte une telle demande dans le paquet vin, ainsi que dans la réforme ciblée de la Politique Agricole Commune (PAC). Les raisins seraient une première étape en matière de consolidation de la valeur de la filière : « le partage de la valeur commence par là » souligne Raphaël Fattier, qui conclut qu’avec une amélioration de la gestion du potentiel de production (notamment des plantation) et de nouveaux outils de régulation du marché (comme le 172 ter), la filière vin aura moins besoin de solliciter des financements exceptionnels pour permettre de l’arrachage ou de la distillation. Sachant que l’article 172 ter ne coûte pas un centime d’argent public conclut le directeur de la CNAOC.
* : La réglementation européenne précise la possibilité de fixer des « indicateurs facultatifs sur l'orientation des prix concernant la vente de raisins » pour des vins AOP et IGP, avec la « condition que ces orientations n'aient pas pour effet d'éliminer la concurrence pour une proportion substantielle des produits en question ».