onstruire un outil de production dédié à l’appellation générique Bordeaux au coeur des vignes de la commune de Pomerol : c’est un acte qui passe pour insensé (voire insolent). Mais, il se veut on ne peut plus réfléchi, selon Ronan Laborde, le PDG du groupe Clinet, qui vient d’inaugurer les bâtiments de production et de stockage de sa marque de négoce Ronan by Clinet (AOC Bordeaux blanc et rouge), à quelques 500 mètres du château Clinet (AOC Pomerol). « Cela aurait coûté moins cher dans l’Entre-Deux-Mers » reconnaît-il, amusé, tout en éludant le montant déboursé pour le foncier.
Après un an de travaux, les deux bâtiments de Ronan by Clinet trônent désormais face à face : l’un de vinification (cuverie béton/inox et chai à barriques pour une production équivalente à 300 000 cols, quand l’outil est calibré pour 460 000 cols) et l’autre de stockage (pour 700 000 cols, avec un potentiel d’un million de cols). Bâtiments tertiaires de facture assez classique, ils auront eu comme principal défi de s’implanter dans « un contexte réglementaire urbain pas évident » concède l’architecte Arnaud Boulin (qui a notamment réalisé les chais d’Angélus et de Cos d’Estournel). Au final, cet ensemble de 2 300 m2 aura coûté moins de 6 millions d’euros à construire*.
Un coût qui se veut à la hauteur du projet de ce vin de marque. « L’investissement est envisagé sur le temps long. Dans vingt ans, il ne semblera plus démesuré » explique, autant qu’il se rassure, Ronan Laborde. S’il met en avant la maîtrise des coûts permise par le suivi des vins du château Clinet et son vin de négoce par une seule et même équipe technique, il souligne également l’impact qualitatif permis par ce suivi homogène. Pour son premier millésime de Ronan by Clinet, en 2009, la marque avait d’abord dû sous-traiter les étapes de production, s’en tenant à une orchestration de négociant. Désormais, le groupe peut assurer les étapes de production, maintenant que son réseau d’approvisionnement semble achevé (exclusivement de la rive droite).
Lors du lancement de ce vin de marque, Ronan Laborde reconnaît que sa démarche a déclenché les réserves de son père, Jean-Louis Laborde (qui a racheté le château Clinet en 1999, avant d’en céder les rênes à son fils en 2003). Mais les limites se sont tracées nettement entre le grand vin du château et sa gamme plaisir, évitant de faire décliner l’image de Clinet. « Le château Clinet, c’est le château Cllnet, avec ses 400 d’histoires et un écart qualitatif qui est compris à la dégustation par rapport à Ronan by Clinet » explique Ronan Laborde, qui voit plus le terme Clinet comme une signature accessoire et Ronan comme la marque étendard.
La marque est d’ailleurs plébiscitée par les canaux commerciaux de la place de Bordeaux (qui représentent 90 % des ventes du groupe Clinet). Les négociants travaillent ce bordeaux coeur de gamme un complément d’une offre de grands crus. Une approche qui fait mouche à l’export, qui représente 78 % des 330 000 cols comercialisés annuellement par Ronan by Clinet. Se posant en nouveaux repères pour les consommateurs, les déclinaisons en vin de négoce des grands crus de Bordeaux est à la mode : Esprit de Pavie, Bordeaux de Citran… Le succès incontestable de Mouton Cadet (3 millions de cols vendus annuellement en France). inspire les entrepreneurs bordelais. Et d’au-delà, le groupe coopératif InViVo en fait ainsi son modèle pour sa future gamme Cordier (cliquer ici pour en savoir plus).
* : Sans compter le prix du foncier donc (un terrain bâti de 3 700 m2, été acheté en 2012), mais en incluant des subventions de FranceAgriMer
[Photos de Ronan Laborde et de Ronan by Clinet : : Nicolas Claris, Groupe Clinet]