Quand on est au pied du mur, il n’y a pas le choix, il faut s’adapter. J’essaie de m’adapter. Même si je n’en ai pas forcément envie, c’est une nécessité » pose Mickaël Raynal, qui vient de fortement redimensionner le domaine familial de Revel, qu’il a repis en 2010 à Vaïssac (Tarn-et-Garonne). Le vigneron était monté à 34 cépages sur 16 hectares en production bio, mais n’étant pas épargné par les aléas climatiques (gelées successives en 2022, 2023 et 2024, avec des pressions mildiou récurrentes en 2021, 2023 et 2024) et la crise viticole (et sa forte déconsommation de vin), il a décidé d’arracher avec les primes d’arrachage, ses parcelles de chardonnay, syrah, cabernet, merlot… Il ne lui reste plus que 11 variétés sur 5 ha, ayant arraché tous les cépages internationaux pour conserver les variétés de vignes résistantes et autochtones. En somme, « j’ai gardé les anciens cépages oubliés (fer servadou, loin de l’œil, jurançon, alicante, abouriou et egiodola) et des nouvelles obtentions (artaban, cabernet cortis, souvignier gris, vidoc, voltis et 5 obtentions d’Alain Bouquet en cours d’essais) : j’ai écarté les 50 dernières années » et leur virage vers les vins de cépages français internationalement reconnus, mais se retrouvant dans les vignobles du monde entier sans grand potentiel de distinction commerciale, ni grande capacité d’adaptation aux problématiques techniques locales. Sachant qu’il va arracher cette année ses ceps de vidoc, trop sensibles au black-rot, après avoir arraché des parcelles de muscaris et johanniter également trop peu résistants (les deux au black-rot, le second au mildiou).
« J’ai profité de l’arrachage pour épurer mes cépages. Qui sont très bien au demeurant, mais je n’ai pas d’AOC avec de la notoriété sur du chardonnay, du merlot et du cabernet… C’est plus un frein pour nous » analyse Mickaël Raynal, qui ne voulait « pas s’acharner sur un modèle économique qui n’était plus viable pour nous. Les vignes oubliées et résistantes vont nous permettre de vivre de notre métier. Je ne vois que ça dans ma configuration du Sud-Ouest. Ou alors passer au conventionnel… Sans les cépages résistants, je serai 25 traitements de cuivre contre le mildiou sans pouvoir tenir les doses et le lissage, alors qu’avec je suis autour de 2 (parfois plus contre le black-rot sur muscaris). C’est compliqué de perdre une récolte qui a coûté cher à protéger. »
Iron wine
Ayant été en 2020 le premier vigneron français à lancer une gamme de vins issus de cépages résistants en Indication Géographique Protégée (en IGP Comté Tolosan), le vigneron précurseur a 17 ans d’essais de variétés résistantes à son compteur (sur 20 ans dans la filière) et désormais un certain nombre de cuvées commercialisées (100 % artaban, 100 % souvignier gris…). Ayant renouvelé sa gamme autour de son nouvel encépagement, il met également en avant ses expérimentations dans des cuvées innovantes dans le fond et la forme. Accueillant des essais pour l’INRAe de cinq croisements obtenus par le défunt Alain Bouquet, le vigneron met en avant son test concluant de l’obtention n°31 60 84 (faute de nom et d’inscription au catalogue) dans une nouvelle cuvée en vin de France : Iron Wine, en référence à un géniteur de cette obtention, le fer servadou (également présent à 15 % dans ce vin d’assemblage).
Présentant au vignoble d’intéressants caractères de résistance (mildiou et oïdium, et un peu au black-rot), cette obtention arrive à un rendement de 30 à 40 hl/ha avec de petites grappes donnant des jus assez aromatiques depuis la première vinification du millésime 2021. Mettant actuellement en marché son vin à un prix de vente de 14,90 €, Mickaël Raynal mise sur l’ancrage au territoire avec le recours à la bouteille en lin Green Gen Bottle conçue à Toulouse et fabriquée à Bergerac : « on réduit l’empreinte carbone et on reste local, alors que les cépages Bouquet permettent un impact quasi nul sur l’environnement » estime le vigneron, qui réduit également ses travaux du sol, avec le recours à un rouleau faca avec l’objectif de travailler en quad pour moins passer dans vigne. Autre adaptation culturale : une mode de taille s’écartant du sol pour réduire le risque de gel : « à force de prendre sur la gueule on devient expert » conclut-il.



