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Attaque hygiéniste des vins en règle : "vous ne buvez pas juste du vin... Vous buvez un cocktail potentiellement chimique !"
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Sans éthique mais sur l’étiquette
Attaque hygiéniste des vins en règle : "vous ne buvez pas juste du vin... Vous buvez un cocktail potentiellement chimique !"

Attention aux âmes œnophiles sensibles, cet article pourrait leur causer des palpitations et coups de sang… La critique de la molécule d’éthanol ne suffisant plus, les hygiénistes s’attaquent désormais aux additifs des vins dans un fatras d’approximations déloyales sur l’étiquetage et de contre-vérités scientifiques et œnologiques. Pas de modération dans les anathèmes, qui ne s’embarrassent pas de doses ou de nuances.
Par Alexandre Abellan Le 09 novembre 2025
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Attaque hygiéniste des vins en règle :
Quitte à la tordre, Addictions France veut dénoncer une « triste réalité » en affirmant que « certains vins rouges peuvent donc être plus transformés qu'un soda premier prix, tout en coûtant plus du triple de son prix ». - crédit photo : Aperçu des publications d’Addictions France sur Facebook ce 7 novembre.
V

ous avez aimé les débats parlementaires sur la fiscalité des alcools ? Apparemment l’association Addictions France non plus, qui essuie le refus de ses amendements de fiscalité comportementale, mais qui se passe les nerfs en s’attaquant frontalement au vin. Dans une publication sur Facebook ce vendredi 7 novembre, l’association affirme que « l’étiquette de votre vin ne dit rien » et que dans votre verre « vous ne buvez pas juste du vin... Vous buvez un cocktail potentiellement chimique, réduisez les risques ! » Utilise des résultats de PestiRiv (voir encadré), cette alerte se base essentiellement sur l’analyse de 35 cuvées du millésime 2023 par Que Choisir et dans le dossier "Vin : ce qu'il contient vraiment. Additifs, pesticides, bisphénols?" (numéro 650, daté d'octobre 2025). Critiqué parmi les œnologues,  cet article affichait l’objectif « de donner l'information pour que chacun décide ce qu'il en fait et puisse juger de sa consommation par rapport au risque » comme l’expliquait à Vitisphere sa rédactrice, la journaliste Elsa Abdoun.

Plus frontale, pour ne pas dire bourrine, la publication d’Addictions France dénonce « le manque de transparence » des étiquettes de vin et assène que « certains vins peuvent contenir plus de substances nocives que certains sodas ou snacks ultra-transformés ». Tout est dans le "certains", à défaut d’être dans la certitude factuelle… Sachant que dans du Coca Cola, première marque de soda vendue en France, on trouve 6 additifs a minima parmi les ingrédients : « eau gazéifiée ; colorant : E150d [NDLR : caramel au sulfite d’ammonium] ; acidifiants : acide phosphorique, citrate de sodium ; édulcorants : aspartame, acésulfame-K ; arômes naturels (extraits végétaux), dont caféine ». Et que dans les chips Lay’s nature, leaders en France, il y a 7 additifs dans les ingrédients : « pommes de terre (65%), huiles végétales (tournesol, colza en proportion variable), sel, antioxydants (extraits de romarin, acide ascorbique, extrait riche en tocophérols, acide citrique) ». Pour comparaison, l’étude de l’association CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie) sur une centaine de contre-étiquettes de vin relève « une moyenne de 3,5 additifs par vin (deux fois moins pour les vins certifiés bio). Les additifs les plus fréquemment utilisés sont les sulfites et les agents stabilisants, suivis par les gaz d’emballages, les régulateurs d’acidité ainsi que d’autres conservateurs et antioxydants hors sulfites. » Tout doit être dans le "certains", à défaut d’être dans la certitude factuelle pour Addictions France…

Il y a des coups de pied au QR Code qui se perdent

Pour donner de nouveaux arguments à l’affirmation de l’association hygiéniste que « l'alcool est dangereux pour la santé, dès le premier verre », la publication d’Addictions France ne fait pas dans le détail et aligne les approximations voire contre-vérités. Ainsi, le post indique que « depuis les années 70, les alcools sont exemptés des obligations d'étiquetage qui s'appliquent aux produits alimentaires. Face à la pression des consommateurs, les producteurs de vin ont tout juste admis de mentionner les calories (sur la base du volontariat) et de renvoyer tout le reste à des QR codes. »

Soit ce post a été rédigé par une Intelligence Artificielle (l’erreur n’est pas le propre de l’homme), soit son rédacteur n’a pas suivi les évolutions de la réglementation européenne (voulue par la Commission et concertée avec les filières). N’étant pas volontaire mais obligatoire, le cadre communautaire impose aux vins produits après le 8 décembre 2023 de mettre à la disposition des consommateurs leurs informations nutritionnelles et leur liste d’ingrédients via leur contre-étiquette, avec la possibilité de rendre accessible ces informations grâce à un QR Code (mais il est possible de l’imprimer directement sur l’étiquette pour ceux le souhaitant, comme le détaille la Répression des Fraudes).

Un cocktail chimique

Généré par IA ou pas, la publication d’Addictions France affirme aux consommateurs de vins que, malgré l’amélioration des informations sur la composition des vins, « vous achetez et consommez sans savoir que vous buvez un cocktail chimique ». Heureusement qu’il n’y a pas d’addiction à l’eau, l’association aurait eu une crise d’apoplexie lors du scandale Perrier… Réaffirmant, sans précision, que pour les « additifs : vins et sodas = un même combat », l’association liste comme additifs retouvés dans le vin « E466 (empêche les dépôts dans le verre, mais suspecté de favoriser inflammations et diabète) E220 à E228 (sulfites, conservateurs) E270, E296, E300, E330... » Soit pour le commun des mortels : « E270 : acide lactique. E296 : acide malique. E300 : acide ascorbique (vitamine C). E330 : acide tartrique » traduisait Sylvie Biau, la directrice de Sovivins Analytique (laboratoire d'analyses œnologiques basé à Martillac, Gironde), interrogée par Vitisphere lors de la publication de Que Choisir et qui soupirait face à une mise en scène anxiogène « des correcteurs d’acidité, des molécules qui existent de façon naturelle dans le vin ».

Stop, il sulfite

S’il est un additif dans le viseur d’Addictions France, ce sont les sulfites, qualifiés de « poison invisible ». Une invisibilité relative. L’affichage depuis le 25 novembre 2005 de la mention "contient des sulfites" sur les vins dont la concentration de SO2 dépasse 10 mg/l a du échapper à l’association faute d’avoir en main une bouteille ces vingt dernières années. « 100% des vins consommés contiennent des sulfites, qui peuvent provoquer selon les personnes : migraines, démangeaisons, crises d’asthme… » poursuit Addictions France, affirmant « globalement de vrais effets potentiels sur le système nerveux ».

Le tableau est pourtant plus nuancé à lire le Service Public d’information en santé, qui rapporte pour les sulfites un « impact négatif sur la santé, modeste à court terme, [qui] dépend des personnes et de la quantité consommée […] alors que nous manquons de données sur leur toxicité à long terme ». Sachant qu’en termes de concentration, celles des vins (en moyenne 30 à 150 mg/l pour les rouges et 50 à 250 mg/l pour les blancs et rosés) sont à relativiser en termes de doses absorbées occasionnellement par rapport à des aliments de consommation plus courante (10 à 50 mg/L pour les jus de fruit, 50 à 500 mg/kg pour les fruits confits, 500 à 2 000 mg/kg pour les fruits secs…).

Cocalories

Autre accusation d’invisibilité pour les « calories : on les préfère cachées ? » demande Addictions France, tenant à ses comparaisons avec les sodas : « saviez-vous qu'un verre de vin peut contenir 2x plus de calories qu'un Coca-Cola ? » Ce qui constituait un angle de Que Choisir. Mais techniquement, « pour les valeurs énergétiques, pas de surprise. Elles sont indiquées sur les bouteilles et ce qui est indiqué est ce qui a été retrouvé à l'analyse. Sinon [Que Choisir] l'aurait crié haut et fort » analysait alors Vincent Bouazza, le responsable des unités d'analyse fine des laboratoires Dubernet (Languedoc-Roussillon et vallée du Rhône), expliquant que « plus le Titre Alcoométrique Volumique (TAV) est élevé, plus la valeur énergétique est haute. C'est logique, ce n'est pas un scoop. La teneur moyenne est plus élevée que celle du coca, c'est un fait. »

Concrètement, ces valeurs caloriques sont « Ã  ramener au mode de consommation » resituait Sylvie Biau. S'il y 44 Kcal dans 100 ml de Coca Cola contre 86 Kcal dans 100ml de vin rouge à 15 % vol et 78 Kcal dans 100 ml de vin blanc moelleux à 12 % vol et 20 g/L de sucres résiduels, il faut relativiser ces valeurs absolues avec les modes réels de consommation : « quand on boit une canette de coca (33 cl) on consomme environ 145 Kcal, quand on boit un verre de vin rouge (environ 10 cl) on consomme 86 Kcal » analyse la docteur en œnologie bordelaise, pour qui « dire que le coca est meilleur d'un point de vue sanitaire, non désolé ».

Nano particules

Autre argument d’Addictions France : les « nano particules » issues des auxiliaires œnologiques : « blanc d'œuf, caséine, dioxyde de silicium... Ces éléments ne figurent pas sur l'étiquette, car censés disparaître après vinification. Problème : certaines molécules restent, parfois sous forme de nanoparticules, dont les effets sur la santé sont mal connus » rapporte l’association. Oubliant, ou ignorant, que les allergènes que sont le blanc d’œuf et la caséine doivent être indiquées depuis 2012 ans sur les étiquettes de vin (ce qui a souvent conduit à leur substitution par des colles végétales).

Pour ne rien oublier, Addictions France évoque également les résidus de bisphénols et phtalates relevés par Que Choisir : « ces substances proviennent des cuves en plastique ou résines, utilisées pour stocker ou vieillir le vin. Aucun label ne garantit une protection. Mais les risques pour la santé, notamment hormonaux sont bien réels… » Revenant aux données, il faut relativiser pour Vincent Bouazza : « les teneurs bisphénol et en phtalates sont relativement modérées. Les vins les plus contaminés sont globalement 10 fois en dessous des teneurs les plus élevées qui étaient observées il y a 15 ans. Même si on détecte encore des traces de ces molécules, une bonne partie de la problématique a été traitée par la filière. »

De la modération

Mais l’écoute et la compréhension ne semblent pas être les principales qualités d’Addictions France. La tempérance non plus, alors que la dose fait incontestablement le poison. « Montrons de la modération dans une action légitime » écrit Molière dans Dom Juan, « ayons du cœur dont nous soyons les maîtres, une valeur qui n'ait rien de farouche, et qui se porte aux choses par une pure délibération de notre raison ».

Pestiriv et phytos

Dévoilée en septembre, l’étude d’exposition aux pesticides des riverains de vignobles Pestiriv par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses, dépendant du ministère de l’Agriculture) et Santé Publique France (dépendant du ministère de la Santé) démontre que « les habitants vivant près des vignes sont plus exposés aux pesticides, surtout pendant les périodes de traitement (mars-août) » et « révèle également une surcharge d'exposition chez les jeunes enfants, due à la dispersion des produits dans l'air et les habitations = réel danger pour leur santé » rapporte Addictions France. Lors de la présentation des résultats, les deux organismes gouvernementaux se sont montrés plus prudents. « Cette étude n'avait pas d'objectif d'évaluation des risques sanitaires » expliquait en conférence de presse le professeur Benoit Vallet, directeur général de l'Anses, évoquant l’usage « dans un second temps » des résultats de PestiRiv pour déterminer s’il y a des effets sur la santé des riverains. Sachant qu’en l’état, les concentrations de phytos relevées par PestiRiv dans les cheveux et urines ne peuvent être comparées « Ã  des valeurs sanitaires d'imprégnation » prévenait Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée des produits réglementés à l’ANSES, qui soulignait qu’« on n'est pas forcément dans une circonstance d'alerte [pour dire que] ces imprégnations correspondent à un risque avéré et nous avons un problème d'imprégnation. » Appelant à de nouvelles études, l’ANSES et Santé Publique France signent un avis commun préconisant « de réduire l’utilisation de pesticides au strict nécessaire pour limiter l’exposition des personnes vivant près des cultures » et d’« informer la population vivant en zones viticoles au préalable des traitements ». Ce que reprend Addictions France dans son post.

Qui y traite également de pesticides. « Même des vins chers ou Haute Valeur Environnementale (HVE) peuvent être contaminés. Seul le label bio garantit l'absence de ces résidus dangereux pour la santé et pour les agriculteurs » déclare l’association. « Pour le HVE, c'est malheureusement un constat déjà réalisé par le passé : des bouteilles estampillées HVE peuvent être au niveau des vins bio, comme être parmi les moins bon élèves des conventionnels » réagissait ce début d’automne Vincent Bouazza, se basant sur des milliers d'analyses passées pour souligne que « les teneurs en résidus de pesticides sont toutes très largement inférieures aux Limites Maximales de Résidus (LMR) respectives. Les teneurs moyennes des molécules retrouvées ont été globalement divisées d'un facteur quasiment 10 en l'espace des 15 dernières années. C'est un peu plus positif ! » Et « les LMR sur les pesticides n'ont pas été inventés par des gens qui font du vin, mais par ceux qui calculent un risque sanitaire » ajoutait Sylvie Biau.

 

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Tous les commentaires (1)
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ben Le 09 novembre 2025 à 07:06:28
voila où économiser 120 000 000 d'euros dans le budget, c'est le montant des subvention d'état à cette association. Porter le mensonge sans aucun contrôle, cela suffit largement
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