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Les vignerons n'oublient pas le suicide de Jonathan Mayer et demandent des comptes
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Bordeaux
Les vignerons n'oublient pas le suicide de Jonathan Mayer et demandent des comptes

Enterrant l’un des siens, la Coordination Rurale de Gironde accuse les banques et la MSA de ne pas soutenir la filière viticole et d’ajouter à sa crise en refusant des lignes de crédit et des échéanciers.
Par Alexandre Abellan Le 23 octobre 2025
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Les vignerons n'oublient pas le suicide de Jonathan Mayer et demandent des comptes
L'entrée du Crédit Agricole était méconnaissable après le passage de l'action de la CR. - crédit photo : Alexandre Abellan
I

l y a un mois, le vigneron bordelais Jonathan Mayer se donnait la mort, à 37 ans dans l’Entre-deux-Mers, bouleversant une filière en crise qui perdait brutalement l’un de ses jeunes représentants, adhérent de la Coordination Rurale de Gironde (CR33), élu à la Chambre d’Agriculture de Gironde et membre du conseil d’administration des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur. Ce jeudi 23 septembre, ses camarades de la CR33 menaient des actions accusatrices dans le centre de Bordeaux contre la caisse régionale du Crédit Agricole et la Mutualité Sociale Agricole de Gironde (voir photos ci-dessous).

Pour leur premier arrêt matinal au Crédit Agricole de Nouvelle-Aquitaine, la vingtaine de manifestants venus de Gironde et du Lot-et-Garonne ont d’abord déposé d’un cercueil en hommage à Jonathan Mayer devant la porte d’entrée, close, avant de jeter des œufs, de vider des bidons de vin et d’éclater des ballons remplis de vin. Sous surveillance policière, les vignerons et agriculteurs ont collé l’affiche faite par Jonathan Mayer avant sa disparition : « Crédit Agricole : quand la ferme brule, la banque se chauffe. CR : nous on nourrit, eux ils récoltent » indique le texte, résonnant avec sa lettre d’adieu (voir encadré).

Sommation au soutien

Dénonçant les mauvais prix actuels du vin, Vincent Collineau, le président de la CR33, appelle les banques, la MSA et les créanciers du vignoble d’« arrêter de mettre agio sur agio » et de venir en aide une filière qui n’a pas de « mauvaise volonté de payer », mais une impossibilité à régler les dettes face à la crise : « si les banques ont trop prêté à certains avant, c’est leur faute. Maintenant il faut nous soutenir. Quand des collègues se se foutent en l’air, tout le monde est fragilisé. » Par son signal de détresse extrême, un suicide ne doit pas être pris à la légère. Le suicide de « Jonathan on en a parlé une journée et c’est fini. Plus rien » grince José Pérez, le président CR47 du Lot-et-Garonne. Venu en renfort, l’arboriculteur est venu demander des comptes « à la caisse régionale du Crédit Agricole qui a refusé sa demande d’avance de trésorerie et à la MSA contre qui il avait porté plainte pour harcèlement ».

Une pression terrible

Ayant des dettes, comme tout agriculteur souligne José Pérez, Jonathan Mayer était sous pression financière d’après ses proches. « Le stress n’est pas imaginable quand on abat des dizaines d’heures de travail et que l’on reçoit des recours tous les matins pour des impayés que l’on n’arrive pas à régler sa banque, la MSA et ses fournisseurs. Aujourd’hui rien ne bouge, mais c’est du harcèlement d’avoir des relances automatiques. C’est compliqué mentalement, et pour avoir leur liberté certains se suicident. Ils y ont été poussés en partie par les banques, la MSA et leurs créanciers qui harcèlent les agriculteurs. On subit une pression terrible » explique José Pérez, qui juge inadmissible qu’il n’y ait pas d’enquête ouverte sur les responsabilités d’un suicide d’agriculteur. Contacté avant cette manifestation, le parquet du tribunal de Bordeaux indiquait à Vitisphere avoir « ouvert une enquête en recherche des causes de la mort » de Jonathan Mayer et précise que l’autopsie « a exclu l’intervention d’un tiers ».

En l’état, un suicide d’agriculteur « devient une banalité » s’emporte José Pérez, qui n’en peut « plus d’entendre le discours que c’est compliqué et que rien ne se passe. Le harcèlement est puni par la loi, il faut que les responsables soient punis. » La faute revenant pour lui au Crédit Agricole et à la MSA, mais aussi à « la politique destructrice d’Annie Genevard [NDLR : la ministre de l’Agriculture depuis septembre 2024] qui ne fait pas changer les choses. Elle est responsable de tous les suicides d’agriculteurs. On est aujourd’hui en déproduction totale, les phytos disparaissent, comme le cuivre, on n’arrive plus à assurer un revenu. On dit stop. » Un ras-le-bol partagé par les vignerons manifestants, comme celui glissant que l’« on n’est pas là par plaisir à faire les cons devant le Crédit Agricole. On a notre métier, eux [les banquiers] ne font pas le leur. »

Laisser du temps

Poursuivant leur action à la MSA, les manifestants de la Coordination Rurale y ont collé des affiches, jeté des œufs, taggué des murs, envoyé des jets de vin avec une pompe dans le hall d’entrée puis sur les murs. Sortant à la rencontre des manifestants, le directeur de la MSA a été accueilli vertement. « Vous avez laissé tomber Jonathan » lui lance José Pérez, qui lui demande de « mettre sans chipoter des échéanciers » car « il faut laisser du temps aux agriculteurs ». Défendant les actions de ses services et leur soutien actuel au vignoble, le directeur souligne le cadre légal de son action, notamment sur la durée des reports et les montants des intérêts demandés. « Mettre des échéanciers de 60 mois, c’est possible ! En Commission de Recours Amiable (CRA) on peut supprimer les intérêts. Je suis administrateur à la caisse MSA du Lot-et-Garonne ! Vous êtes sur un département en crise ! » réplique José Pérez, lançant au directeur que « si j’étais votre conseil d’administration, je vous foutrais dehors ! Arrêtez les courriers automatiques [aux vignerons] : appelez-les ! » Excédé, un vigneron rapporte que « le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) nous dit que dans deux à trois ans ça va reprendre, qu’il y a des signes positifs. Laissez-nous deux à trois ans ! Si vous nous mettez des bâtons dans les roues, on ne va pas y arriver ! »

Levant la manifestation après ces échanges, les membres de la Coordination Rurale préviennent que ces actions étaient symboliques et que si les choses n’évoluent pas, elles pourraient se durcir : quitte à ne plus rester à l’extérieur des bâtiments, pour y rentrer.

Tout un symbole, le cercueil de la CR 33 devant la Cité du vin de Bordeaux.

Le siège régional de la banque verte est resté clos pendant l'action.

Du vin a été aspergé sur les murs du siège du Crédit Agricole.

Les œufs ont volé sur les façades vitrées.

L'action de la CR a aussi visé un distributeur de billets, ainsi qu'une entrée latérale de la banque.

« Les agriculteurs sont démotivés, ils s’enferment et attendent chez eux. Soit que ça passe, soit avec un fusil à la main » alerte José Pérez.

La MSA a été rebaptisée Mortalité Sociale Agricole lors de la deuxième action.

Vincent Collineau reproche à la direction de la MSA son manque de soutien à la filière en général et à Jonathan Mayer en particulier.

Grâce à une pompe embarquée dans un utilitaire...

... les manifestants ont aspergé l'entrée de la MSA de Gironde...

... avant de s'en prendre à ses façades...

... tagguées...

...et finalement filmées.

Les derniers mots de Jonathan Mayer

Lue lors de ses obsèques, la lettre d’adieu de Jonathan Mayer est citée par la CR33 sur ses réseaux sociaux« Si vous lisez ces mots, c’est que je ne suis plus présent parmi vous. J’ai lutté pour défendre ce que je suis, mes convictions, mes passions, mes raisons d’être. Et si le prix à payer est la vie, alors je pars sans regret » indique le vigneron, écrivant qu’« aujourd’hui je me vois contraint de passer le flambeau. Ce n’est pas par manue de volonté, mais je sens jour après jour mes forces me quitter ».

« J’aurais porté nos valeurs jusqu’à ce que mes forces ne me portent plus. Et je crois que c’est là que réside la paix, peut-être pas celle de l’esprit, mais en tout celle du cœur » conclut-il.

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bill et boule Le 23 octobre 2025 à 17:00:52
Bravo aux manifestants qui disent tout haut ce que tous les petits châteaux vivent tout bas . Le préfet guyot reste imperturbable , le civb continue à bégayer, les grands crus affutent leurs couteaux des primeurs 2025 et les banques rasent les murs tout en se desengageant de la filière à grands pas .Chronique d une mort annoncée au sein d une région qui joue la carte economique des marchands de mort de preference aux producteurs d un produit magique n ayant plus sa place dans un monde barbare. Naomi Klein parlait de l horreur économique et elle avait raison.
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