aisant « face à des défis sans précédents », « le moment est crucial pour l’avenir de la filière viticole » dont « les acteurs se posent la question de leur avenir » introduit Yves Madre, le fondateur du think tank Farm Europe et de l’European Wine Day dont la deuxième sessions se tient ce 21 octobre à Strasbourg, au siège de la région Grand-Est. Ouvrant des réflexions « sans œillère, sans tabou », Yves Madre appelle toute la filière à trouver « un chemin positif » pour assurer « le rebond de la viticulture européenne » et « de refuser la décroissance ». Une approche constructive partagée par Christophe Hansen, le commissaire européen chargé de l'Agriculture et de l'Alimentation, qui confirme que « la viticulture européenne se trouve à un tournant après des décennies de success-story » et affronte « plusieurs défis en même temps (demandes secouées sur le marché intérieur et à l’exportation dans un contexte géopolitique instable et turbulent, difficulté de la transmission générationnelle, changement climatique…) ».
Défendant sa proposition législative d’évolution réglementaire vitivinicole européenne (paquet vin, à l’étude au Parlement européen) poussée fin mars 2025 après les travaux d’un Groupe à Haut-Niveau (GHN, ayant rendu ses conclusions en décembre 2024) avant la prochaine Politique Agricole Commune (PAC, prévue pour 2027), le commissaire européen le répète : « je sais à quel point le secteur a besoin de soutien ». D’où de nouveaux outils pour réduire « les autorisations de plantation dans les régions exposées à risque surproduction » et « en de cas surproduction, les États membres pourraient également réguler l’offre en fixant des rendements maximaux et en gérant des stocks de vin : sur la base de propositions d’organisations représentatives de producteurs ou interprofessionnels » détaille Christophe Hansen, ajoutant qu’« en cas de crise du marché, les États membres pourraient avoir recours à des outils flexibles tels que la distillation volontaire ou obligatoire du vin, les vendanges en vert, ou l’arrachage du vignoble. Ces mesures devraient être mis en œuvre de manière responsable [avec la proposition] qu’elles soient financées dans un cadre national et autorisé par la commission dans le cadre d’une procédure rapide et flexible. »
Financement national de l’arrachage
N'indiquant pas la réponse de la Commission à la demande française de déblocage de fonds de crise européens pour financer un arrachage définitif (avec 200 à 250 millions € nécessaires pour la filière nationale), Christophe Hansen acte les divisions entre les États membres sur le sujet du financement européen de l’arrachage (l’Allemagne et la France sont pour, l’Italie contre et l’Espagne demande des justifications). Lors d’un rapide point presse, Christophe Hansen note que si la Commission souhaite doubler dans la prochaine PAC les fonds de réserve de crise (passant de 450 à 900 millions €/an pour toute l’Europe), « l’arrachage sera à financer par les budgets nationaux » comme « on n’a pas les même problèmes entre les régions et les États membres » et surtout pas de consensus. Le commissaire européen est plus disert sur l’enjeu stratégique de la diversification des marchés. « Nous devons tout faire pour que les vins gagnent des parts de marché » déclare à la tribune Christophe Hansen.
En la matière, la mobilisation européenne dans la négociation pour l’accès au marché américain laisse un goût amer à la filière vin, taxée à 15 % depuis août malgré ses demandes répétées de droits de douane nulles pour se maintenir sur le premier marché mondial que sont les États-Unis. « La question des taxes réciproques à taux 0 doit être remise sur la table » lance Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs de France, qui pointe que « sur un secteur comme le nôtre, le marché américain est primordial. Il n’y a pas d’alternative, ce dossier ne peut pas être balayé comme un non-sujet. » Se disant conscient du problème posé par les taxes américaines, Christophe Hansen partage l’idée qu’une taxe 0 pour 0 serait « idéale pour les vins et spiritueux » et défend dans l’accord transatlantique « un point de départ et pas d’arrivée » avec la possibilité de nouvelles négociations, mais surtout l’arrêt dans l’escalade des mesures de rétorsion (allant de 30 à 200 % selon l’humeur du président Donald Trump).
En somme pour le marché américain, « l’accord n’est pas idéal, mais il donne de la stabilité » résume Christophe Hansen, qui déclare : « je préfère pouvoir exporter nos vins de qualité plutôt que de détruire potentiel de production ». Et qui indique partir le soir même au Brésil avec une délégation européenne pour ouvrir le marché (suspendu à l’accord du Mercosur), après des visites similaires au Japon et en Inde… Des marchés qui sont prometteurs, mais où les performances ne sont pas encore acquises, un travail de conquête étant à mener sur le long-terme. Pour soutenir ces développements à l’export, la Commission indique prévoir des campagnes de promotion, dont les mises en œuvre seront renforcées et rallongées dans le paquet vin. « Je suis conscient que le temps presse et je continuerai à travailler pour accélérer le traitement des propositions sur la table » indique Christophe Hansen, l’ancien eurodéputé luxembourgeois rapportant que le Parlement européen doit se positionner rapidement sur le paquet vin (vote en commission agricole le 5 ou le 6 novembre, puis en plénière le 12 ou le 13 novembre) et que le Conseil européen pourrait suivre (avec « un mandat finalisé rapidement d’ici la fin d’année »).
« Il n’y aura pas de solution miracle » prévient l’eurodéputée espagnole Esther Herranz García, coprésidente de l'Intergroupe Vin du Parlement européen. Remerciant à plusieurs reprises le commissaire Christophe Hansen pour sa proposition, la rapporteuse du paquet vin pour le Parlement indique que le législateur européen « doit aller plus loin » lors des négociations en cours et espère apporter de « meilleures nouvelles la prochaine édition » de l’European Wine Day. Car actuellement, « le sujet n’est plus celui des constats, mais des outils dont nous pourrons disposer demain » prévient Joël Boueilh, le président de la coopération viticole française soulignant que « la filière a plongé dans la crise en 2-3 années, on peut espérer en sortir aussi vite » avec des outils adaptés : « nous croyons encore dans l’avenir du secteur viticole, dans sa capacité à s’adapter et à se réinventer » souligne le viticulteur gascon.
« Je suis engagé pour que l’on donne un futur à ce secteur » déclare Christophe Hansen : « je préfère que l’on continue à produire, que l’on maintienne nos paysages traditionnels, que l’on trouve de nouveaux débouchés et les solutions aux problèmes réels qui existent. C’est une charge commune à l’Europe, aux gouvernements nationaux et aux représentants régionaux. » Face aux multiples « vents contraires », Franck Leroy, le président de la région Grand-Est (Alsace, Champagne et Lorraine) et de l'Association des Régions Européennes Viticoles (AREV) porte « un message politique clair. La réussite de cette transition exige des outils à la hauteur de cette ambition enjeux. Cela suppose de préserver une Politique Agricole forte, ambitieuse et ancréer dans les territoires. C’est grâce à fonds européens que nous plantons aujourd’hui les graines de la viticulture de demain. »



