Stop aux vins bradés, l’État doit préempter » réclame une trentaine de Jeunes Agriculteurs de Gironde réunis ce jeudi 9 octobre devant l’hôtel des ventes des Chartrons (Bordeaux) pour protester contre la vente à la casse concluant la liquidation judiciaire d’un domaine bordelais. Défrayant depuis des mois la chronique, les prix cassés continuent de polluer les marchés alerte Théo Hernandez, secrétaire général adjoint de Jeunes Agriculteurs de Gironde, qui appelle la préfecture à intervenir pour qu’il n’y ait pas de vente aux enchères en dessous du prix de la dernière distillation de crise : 75 €/hl pour les vins AOP en 2023. Les prix des enchères judiciaires allant bien en deçà.
Exemple avec un lot de 198 hectolitres de vin AOC Côtes de Bordeaux 2022 certifié bio, loyal et marchand, qui est mis en vente aux enchères judiciaires à 15 000 €, mais faute d’engouement des acheteurs descend toujours plus bas sous les offres du commissaire-priseur d’abord à 7 000 €, puis 6 000 €, ensuite 4 000 €, avant de descendre à 3 500 € et d’être finalement adjugé 3 000 € à un acheteur en ligne anonyme. Soit 135 € le tonneau (de 900 litres, pour 15 €/hl), jusqu’à vingt fois moins que les prix moyens relevés par l’interprofession en vrac (2 200 € le tonneau AOC Bordeaux bio en septembre 2025). Avec un prix moyen de 207 € le tonneau (de 900 litres, soit 23 €/hl), la destruction de valeur est d’ampleur pour les 25 lots représentant 3 200 hectolitres de vins d’appellations bordelaises de qualités diverses, certains certifiés bio, certains non-loyaux et non-marchands.


Face aux « prix dérisoires » atteints lors de cette vente, Théo Hernandez rappelle que chaque liquidation est d’abord « un drame humain » individuel, qui ajoute à la crise viticole collective en inondant le marché de vins bradés tirant les « prix de marchés au plus bas » alors que les coûts de production explosent (surtout avec les rendements historiquement faibles de 2025 et 2024). En Gironde, « les procédures collectives se multiplient » et les vignerons n’ont plus qu’une peur : voir finir leur production aux enchères à prix cassés. Compréhensif, le commissaire-priseur en charge de la vente judiciaire rappelle que ces enchères arrivent en dernier recours, quand il n’y a pas eu de possibilité d’achat de gré à gré avec des négociants. « On a une liquidation, il faut régler les débiteurs » ajoute-t-il, soulignant qu’il ne fait qu’appliquer des procédures très encadrées.
C’est l’évolution de ces procédures que les JA33 vont mettre à l’ordre du jour de la réunion de crise viticole de la préfecture de Gironde ce jeudi 16 octobre, pour que « l’État préempte les lots mis aux enchères lorsque le prix du tonneau passe sous le seuil de la distillation. Nous demandons également la possibilité pour les distillateurs de revendre l’alcool pur aux fabricants de biocarburants, afin d’assainir durablement le marché » indique un communiqué des JA. Si les services de l’État pourront rappeler qu’un fonds d’urgence de 1,85 million € a été attribué à 240 jeunes viticulteurs de Nouvelle-Aquitaine (aide moyenne de 7 740 €), les syndicalistes pointent que cette aide n’est que ponctuelle. « Ces aides sont un pansement. Cela donne une bouffée d’oxygène pour quelques mois ou un an, mais ce n’est pas une solution de long-terme. Il nous faut de la visibilité. Et tant que l’on n’aura pas de gouvernement, on n’aura pas d’avancées » souligne Théo Hernandez. La filière demandant un encadrement des prix permettant une juste rémunération du vin : ce que les JA33 avaient déjà indiqué à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, lors de sa visite en Gironde en mars dernier.
Dans la salle des ventes les vins étaient entourés de tapisseries d'Abuisson et de peintures d'abordages de l'école du XIXème.