es vendanges s’achèvent en France, avec une maigre récolte de raisins et une encore plus faible moisson de mesures de soutien à la filière, faute de gouvernement pour mettre en œuvre les dispositifs tant attendus…
Jean-Marie Fabre : L’irresponsabilité d’une classe politique qui se paie le luxe du spectacle d’un mauvais vaudeville aggrave immanquablement la situation de la filière. Il faut faire attention, après la parenthèse des vendanges, les vignerons sont excédés. Cette exaspération fait place à une colère sourde qui va être de plus en plus visible maintenant que les ciseaux sont rangés et les machines à vendanger rentrées dans les hangars. La filière vit l’une de ses crises les plus violentes de son histoire. Tout le monde ne convient, même au plus haut niveau de l’État. Mais l’instabilité politique qui dure depuis plus d’un an (avec la succession de dissolution, censure, vote de confiance, démission…) nous pénalise et obère notre capacité à se redresser et à se consolider. La période que nous traversons demande du courage, de l’action et du combat. On ne peut pas y arriver avec autant d’atermoiements et d’inertie.
On ne sait pas ce que sera le gouvernement de demain. Depuis 12 mois, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a réussi à tenir un cap et obtenir des avancées malgré les incertitudes permanentes. Elle a finalisé l’arrachage et la gestion du reliquat. Elle a donné suite à la demande de prêts de consolidation de la trésorerie, même si je suis le premier à regretter que l’un des critères dans ce prêt de consolidation soit limitant et ne donne pas la pleine mesure de ce dispositif. En août, elle a témoigné de son engagement face aux incendies de l’Aude en ouvrant une enveloppe de 8 million d’euros. Sans rien enlever au travail d’Annie Genevard, on ne peut que constater aujourd’hui que la voix de la France n’a aucune portée en Europe pour défendre les intérêts de sa filière vin. On l’a vu par l’exposition européenne du vin dans les conflits géopolitiques, avec la Chine expose et les États-Unis. On le voit avec la fin de non-recevoir du commissaire européen, Christophe Hansen, pour l’utilisation des fonds de réserve de crise pour financer l’arrachage définitif. Où est la voix de la France pour réagir ?
Face aux attentes déçues, les mois qui viennent s’annoncent tendus pour la filière vin…
La colère monte, cette situation n’a que trop duré. Face aux difficultés grandissantes, ce spectacle aurait pu être risible s’il n’était pas aussi grave. La France aurait dû se mobiliser pour obtenir de Bruxelles un budget de réserve de crise, l’amélioration du prêt de consolidation, des fonds européens exceptionnels pour la promotion, un guichet unique pour les droits d’accise… Tout ce que cette instabilité politique n’a pas permis. La colère est grandissante, la fronde n’est pas loin. J’ai reçu de premiers appels de vignerons me disant : "ça ne peut plus durer, puisque tout le monde s’amuse et que les réponses ne sont pas à la hauteur, on peut arrêter de contribuer en faisant une rétention de la TVA et en bloquant les sommes sur un compte". Ce ne sont pas les gens les plus vindicatifs qui me l’ont dit. L’idée peut paraître excessive, mais s’ils en arrivent là, c’est parce que l’exaspération laisse place à la colère. L’absence de réponses politiques entraîne une fragilisation économique.
Depuis les manifestations et actions de colère du début 2024, il semble que rien n’ait réellement avancé, au contraire même… De quoi annoncer une fin d’année de mobilisation dans le vignoble ?
Il y a un sentiment de trop plein : la marmite va exploser. Les colères vont être protéiformes. J’ai le sentiment que des gens vont s’isoler dans des actions qui ne seront pas coordonnées. Quand certains réfléchissent à bloquer la TVA, ils sont prêts à tout. Je ne serai pas étonné que face à une telle détresse psychologique et un tel sentiment d’abandon il y ait devant nous un automne immaitrisable. La colère froide va devenir de plus en plus violente. J’en appelle à la responsabilité des pouvoirs publics pour répondre aux demandes, sinon les choses vont s’aggraver.