ans le cadre de la chaire Winesca, coordonnée par Patrice Rey et Eléonore Attard, de l’université de Pau et des Pays de l’Adour, les chercheurs travaillent au développement de méthodes agro-écologiques pour lutter contre l’esca de la vigne. Ouiza Mesguida, post-doctorante œuvre ainsi au développement d’un traitement curatif basé sur l’injection dans les ceps malades de bactéries antagonistes du champignon Fomitiporia mediterranea, qui dégrade le bois et le transforme en amadou.
« Dans le cadre de la précédente chaire (GTDfree), nous avons étudié le mécanisme d’action de l’arsénite de soude et on s’est rendu compte qu’il s’accumulait dans l’amadou (un peu comme une éponge) et éliminait le champignon Fomitiporia mediterranea qui est majoritaire dans l’amadou. L’idée est de reproduire cet effet en utilisant un agent de biocontrôle : des bactéries qui seraient capables de détruire le champignon », explique Patrice Rey, professeur en protection des plantes et phytopathologiste qui fait le parallèle avec le curetage qui consiste à retirer l’amadou dans les ceps à l’aide d’une tronçonneuse permettant à ces derniers de se rétablir. « Avec les bactéries antagonistes on cible aussi l’amadou. L’objectif est le même », explique-t-il.
Dans le cadre de sa thèse, Ouiza Mesguida a commencé par sélectionner en laboratoire les souches de bactéries efficaces contre Fomitiporia, puis elle a étudié leur mode d’action. Elle a ainsi passé au crible in vitro 58 souches isolées sur la vigne. Puis elle a affiné ce criblage en testant les souches sur de la sciure de bois de vigne. Au final elle a retenu trois souches. En 2024, elle a testé deux d’entre elles : P. paracarnis S45 et P. polymyxa SV13 au vignoble sur des ceps de sauvignon blanc malades. « Au printemps lors de la montée de la sève, on a injecté directement dans l’amadou les bactéries (la première souche sur 100 ceps et la deuxième sur 100 autres ceps) à de très fortes concentrations », explique la chercheuse. Les premiers résultats sont prometteurs avec une réduction de la sévérité des symptômes de 30 à 40 % l’année suivante par rapport aux ceps témoin. Cette année, les chercheurs ont réalisé sur les mêmes ceps une deuxième injection. Les résultats ne sont pas encore disponibles mais restent encourageants. « Il semblerait que deux années d’injection valent mieux qu’une », observe Patrice Rey sans donner plus de détails. Les chercheurs ont également montré que ces injections n’avaient pas d’impact sur la physiologie de la vigne, ni sur la qualité des baies. Ils poursuivent donc leurs travaux pour déterminer la quantité de bactéries qui serait la plus efficace. Les viticulteurs seraient-ils prêts à mettre en place une telle lutte qui à première vue semble fastidieuse ? « Nous ne pensons pas que cela soit plus chronophage que le curetage. Lors des journées maladies du bois qui ont eu lieu à Cognac début avril, nous avons organisé des démonstrations auprès de viticulteurs et ceux-ci nous ont dit que cela leur ne leur semblait pas infaisable », expliquent les chercheurs.
En parallèle, ils travaillent sur la lutte préventive avec un autre micro-organisme : Pythium oligandrum qui est naturellement présents dans les sols de vigne et qui colonise les racines. « Il a un effet sur P.chlamydospora et stimule les défenses de la vigne », indique Patrice Rey. Les chercheurs étudient de jeunes plants en sortie de pépinières dont ils ont trempé les racines dans une solution de Pythium oligandrum, l’idée étant de vérifier que le champignon s’installe bien et qu’il persiste dans le temps. « Nous avons commencé les tests l’an passé et pour le moment nous n’avons pas encore de résultats », précise Patrice Rey.
Dans le cadre de Winesca, les chercheurs poursuivent également des travaux sur la taille vertueuse. Et travaillent sur le volet économique des solutions qu’ils étudient et leur acceptabilité par les vignerons.
La chaire Winesca a été lancée officiellement en avril 2023. Elle est soutenue par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et regroupe l’université de Pau et des Pays de l’Adour, Hennessy, la société GreenCell, spécialiste du biocontrôle, et d’autres partenaires (Université de Bordeaux, Bordeaux INP, Bordeaux Sciences Agro, INSERM, INRAE, Université de Reims Champagne Ardenne).