e mardi, le magazine Que choisir ? publie une nouvelle enquête sur les résidus de pesticides dans le vin. 92 vins de différentes régions viticoles françaises ont été analysés. Ils ont été choisis au hasard sur des rayons de supermarchés. Les analyses montrent que tous contiennent des pesticides, certains à l’état de trace d’autres en quantité plus significative. 33 molécules ont été détectées sur les 165 recherchées, mais les teneurs sont infinitésimales et toujours inférieures aux LMR (Limite Maximale de résidus) rétablies par l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments ( AESA) pour les raisins de cuve. Il n’existe pas à ce jour de LMR pour les vins, ce que déplorent nombre de professionnels. Les journalistes de Que Choisir ont également comparé ces teneurs à celles admises pour l’eau du robinet, mettant en avant un gap énorme entre la norme de 0,5 microgramme définie pour l’eau potable et les teneurs détectées dans les vins.
« La présentation de ces résultats n’a pas de sens », réagit Marc Dubernet, docteur en chimie et œnologie, expert auprès des tribunaux et fondateur avec son père du laboratoire d’œnologie éponyme à Narbonne. L’œnologue narbonnais contre-argumente sur quatre points :
« Les tableaux présentent les teneurs en résidus totales de chaque vin. C’est une aberration scientifique. Chaque molécule a une LMR spécifique qui tient compte de sa dangerosité sur la santé humaine. Il y a des molécules qui, même à forte dose sont sans danger alors que d’autres peuvent être nocives à très faible teneur La somme des teneurs de molécules ayant différentes LMR ne rime à rien. Ce qui est important, c’est de connaître les doses de chaque molécule détectée en comparaison avec leurs LMR respectives.
La comparaison avec les doses admises pour l’eau du robinet n’a pas de sens. L’eau n’est pas en contact avec les produits de traitement, il est évident que les teneurs en résidus y sont plus faibles. Pour tout produit issu d’un végétal traité, il faut s’attendre à trouver des résidus. Et cela ne concerne pas que le vin. La seule question à se poser est de savoir si ces résidus sont dangereux aux doses où on les trouve.
Certes nous n’avons pas de LMR pour le vin et c’est regrettable. Je ne désespère pas qu’un jour, à l’OIV, on arrive à un consensus sur la question. Pour l’heure, nous avons des LMR pour les raisins de cuve. Chaque produit phytosanitaire avant sa mise en marché fait l’objet d’études, qui tiennent compte de l’impact du produit sur l’homme, les animaux et même les levures. C’est sur la base de ces travaux que sont établies les LMR. Or les teneurs de résidus trouvées dans les vins sont très largement en-dessous de ces seuils. Dans les vins de la région que nous analysons tous les jours, nous n’avons jamais trouvé de teneur en résidu supérieure à la LMR du raisin de cuve. 99% des vins analysés ont des teneurs inférieurs à 10% de la LMR. Il est exceptionnel de trouver des teneurs qui atteignent 20% de la LMR. Ne pas tenir compte de ces éléments, c’est balayer le travail fait par les autorités en matière de santé et d’hygiène pour justement encadrer les pratiques.
Il y a eu d’énormes efforts réalisés au vignoble pour mieux maîtriser les traitements. Les viticulteurs sont de plus en plus attentifs à ces questions, leur souci étant d’utiliser la bonne dose au bon moment. Il y a 30 ans, on trouvait des résidus en quantité plus significative. Mais cette diminution des doses est gommée par l’amélioration de nos capacités d’analyse, qui permettent de détecter des molécules à très faibles doses. On trouve donc plus de molécules, mais à des doses plus faibles ».
[Illustration : Pesticides en bouteilles, UFC Que Choisir n°158 d'octobre 2013]