ous lancez un appel à candidature pour le prêt de vignes que vous arracheriez sinon?
Jean-Baptiste Duquesne : J'ai regardé et revu mon Business Plan. Un hectare de vignes en production a d'importants coûts fixes : de la taille jusqu'à la mise en bouteille, cela demande du cash-flow. Pour 1 ha, j'estime que c'est 15 000 ? qu'il me faut mettre sur la table. Dans un contexte difficile où il est ardu de chercher des clients, il me faut arracher 7 ha sur les 30 en production. Avec 23 ha, j'arrive au point mort pour aborder l'avenir. Il y a des gens veulent s'installer, ça existe encore, mais ils doivent acheter des vignes et du matériel, installer un chai et l'équiper? Ce qui coûte des centaines de milliers d'euros. Dans le contexte actuel, aucun banquier ne va les suivre pour les aider à s'installer. Si l'on supprime pour ce jeune vigneron ce paramètre d'investissement en lui donnant des terres, un cuvier et du matériel, il ne lui reste plus qu'à acheter du cuivre, du petit outillage et produire du raisin. C'est un sacré coup de pouce pour démarrer et convaincre un banquier de le suivre.
En pratique, quelles sont les modalités de ce prêt de vignes et un chais : un bail ?
Ce n'est pas défini pour l'instant, cela va dépendre de l'acceptation par les Douanes de deux exploitations dans un même chai. J'imagine un schéma de négoce : acheter le vin produit chez moi en partenariat. Il y a un schéma smart à trouver pour respecter la philosophie de cet accord
On peut parler de vignes et de chais partagés ?
Oui. Sur le papier, il est assez absurde d'avoir de petites exploitations avec autant de matériel qui n'est utilisé que quelques fois dans l'année.
C'est le principe des Coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA)..
Elles n'interviennent pas sur le lieu de vinification.
Vous préférez donc essayer de prêter plus qu'arracher vos vignes non-rémunératrices ?
Il est absurde d'arracher. Ce n'est pas la prime de 4 000 ?/ha qui va servir à quelque chose, à part payer l'arrachage. Il faut garder des vignes qualitatives, avec une préservation de la biodiversité qui se retrouve dans le goût d'un vin bio et justifie le prix de la bouteille. On est dans une crise où il y a trop de production, conjoncturellement et structurellement. Dans un horizon à moyen terme, je suis optimiste, je pense que nous allons restructurer Bordeaux sur son marché en réduisant production. Si l'on est à 2,5 millions d'hectolitres valorisé 7 à 8 ? la bouteille, on peut maintenir le chiffre d'affaires avec deux fois moins de surfaces.
Dans le vignoble bordelais on voit déjà des fermages et baux gratuits, par la force des choses comme les exploitants n'ont pas les moyens de payer la location et que le propriétaire conserve ses vignes en bon état.
Je vais plus loin. Je ne m'adresse pas à quelqu'un qui est déjà vigneron, je donne l'outil de travail à quelqu'un qui en a le projet et le rêve, mais qui se rend compte avec un fichier Excell que ça ne marche pas. Et aujourd'hui il n'est pas possible de s'installer, la banque ne suit plus.
Combien de candidatures avez-vous reçu ?
J'ai reçu 3 à 4 appels de gens plus ou moins intéressés. Je veux trouver un candidat qui a les pieds sur terre, il faut être capable de vivre en ayant des ressources sur 2 ans avant d'avoir de premières bouteilles à vendre. Même avec des atouts, c'est un challenge.
Si vous ne trouvez pas de candidat sérieux : les parcelles seront-elles arrachées ou laissées en friche ?
Je n'aurai pas d'autre choix que d'arracher.




