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Les vins rosés dans le rouge, des Côtes de Provence tombent à 100 €/hl
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Valeur agitée
Les vins rosés dans le rouge, des Côtes de Provence tombent à 100 €/hl

Une grande réunion est annoncée début 2026 pour mettre à plat les incompréhensions croissantes entre la viticulture et le négoce, la pomme de la discorde étant le partage de la valeur ajoutée qui dévisse et divise.
Par Alexandre Abellan Le 19 décembre 2025
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Les vins rosés dans le rouge, des Côtes de Provence tombent à 100 €/hl
« Nous ne sommes pas dans des situations identiques à celles de nos amis d’Occitanie, du Rhône ou de Bordeaux, mais la situation devient préoccupante » relate Rémi Gautier. - crédit photo : Adobe Stock (skyoftexas)
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endez-vous est pris le mardi 13 janvier : la filière des vins de Provence se réunira dans un format inédit au Centre œnologique de l’Institut Coopératif de la Vigne et du Vin (ICV) à Brignoles (Var) pour parler partage de la valeur ajoutée, alors que grandit l’incompréhension entre la viticulture et le négoce face à un marché du vin en vrac qui tend à se dévaloriser. L’abcès est crevé depuis ce mardi 9 décembre lors de l’assemblée générale du Conseil Interprofessionnel du Vin de Provence (CIVP), se tenant à huis clos comme à son accoutumée, mais s’ouvrant pour la première fois à des représentants des syndicats agricoles généralistes : Jeunes Agriculteurs du Var (JA 83) et Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA83). Leurs représentants ont demandé l’ouverture de discussions pour s’accorder sur le partage de valeur entre production et négoce. Une proposition se traduisant par ce coup de pression et la prise de rendez-vous du 13 janvier* afin de répondre aux questions de la production qui pourraient virer à la mise sous tension.

En l’état, les cours du vrac « se cassent la figure. C’est très inquiétant. Il y a des affaires de Côtes-de-Provence à 100 balles, au prix de l’IGP. Des gens sont pris à la gorge et sont obligés de vendre pour faire de la trésorerie » rapporte Rémi Gautier, le président des JA83, évoquant également un « marché du bio saturé, où [les acheteurs] veulent du bio au prix du conventionnel ». Le viticulteur varois est plus globalement inquiet face à « la dégradation continue du prix du vrac ». Alors que le vignoble affronte « un contexte où cela coûte toujours plus cher de produire », Rémi Gautier l’illustrant avec « les normes environnementales qui sont assumées par le premier maillon de la chaîne ». Le viticulteur varois rapportant que l’« on nous a vendu la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) comme l’eldorado en 2017 et 2018, mais c’est juste devenu une condition d’accès au marché, sans meilleure valorisation alors que les règles ont changé, se sont durcies et ont un coût. »

Décorrélation croissante

JA83 et FDSEA83 rapportent que les cours du vin en vrac AOC Côtes de Provence rosé ont baissé de 7 % entre 2024 et 2025 (-30 % par rapport à 2019), alors que les prix de vente dans la grande distribution restent stables en un an (+11 % en six ans) : une « décorrélation croissante entre le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur [qui] n’est plus tenable » et qui « traduit une concentration de la valeur à l’aval, au détriment de celles et ceux qui assurent la production, la qualité et la notoriété de nos appellations » indique un communiqué commun de novembre, énumérant des signaux commerciaux encourageants : une récolte provençale montant à 915 000 hectolitres en 2025 (+14 % par rapport à l’historiquement bas millésime 2024), mais des stocks réduits (-25 % « atteignent leur plus bas niveau depuis 2022 »), des sorties de chais en hausse (+5 %), des ventes en grande distribution qui résistent (+2 %) et qui se développent à l’export (+9 %).

Malgré ces chiffres, « le démarrage du marché est compliqué » résume Rémi Gautier. Se souvenant qu’il y a encore 4 à 5 ans les ventes de vrac du millésime étaient clôturées dès la fin décembre, le président des JA83 constate que cette année, ce n’est pas le cas : « il y a des vins sur le marché, les acheteurs ne se couvrent pas. On alerte sur la situation. Il y a encore des vins premiums qui se vendent 180 à 230 €/hl, mais ensuite il n’y a plus de différenciation selon les qualités et la tendance est à la baisse. »

Incompréhension

Cette difficulté à comprendre le marché et les positions du négoce semble partagée dans le vignoble. « On revient à une récolte normale après une petite vendange et avec de petits stocks, mais on ne voit pas de transactions. Les cours baissent alors que les prix de vente en linéaires ne bougent pas, cherchez l’erreur » rapporte ainsi Éric Pastorino, le président du CIVP et de l’AOC Côtes de Provence. « On sait qu’il y a pire que nous, mais à moment donné il n'y a pas de raison qu’il y ait un repositionnement des cours à la baisse » estime le viticulteur. Qui appelle à étudier les nouveaux outils européens permettant aux inteprofessions de parler de prix, avec les orientations de l’article 210 bis sur les vins bio et HVE et les prix recommandés du 172 ter pour les vins AOP et IGP.

Penser que les maisons de négoce se gavent, ce n’est pas vrai

Des dispositifs qui n’enchantent pas le négoce provençal. « Le marché du vin et libre, il est à la hausse et à la baisse selon les qualités et les moments » réagit Jean-Jacques Bréban, le président de l’Union des Maisons de Provence. Pour le troisième vice-président du CIVP, parler de prix d’orientation est surprenant : « dans le vignoble provençal, les choses ne vont pas si mal que ça. On parle beaucoup de partage de valeur, mais ça me semble compliqué à mettre en place. » Concernant la baisse des cours à l’achat et le maintien des prix à la vente en grande distribution, « nous, embouteilleurs, avons fait notre boulot et ne sommes pas maîtres des prix de la GD. Le négoce doit être compétitif, ce n'est pas là que se fait la marge. Qu’elle se fasse en GD, c’est possible, c’est à vérifier. C’est pour ça que nous allons nous rencontrer et en discuter » indique Jean-Jacques Bréban, qui est tranchant : « penser que les maisons de négoce se gavent, ce n’est pas vrai. Elles cherchent à parler et garder leurs clients. Le prix, c’est une chose, mais la baisse de la consommation en est une autre (même si nous avons la chance d’être moins impactés avec le rosé). »

Sur le ton de l’apaisement, le négociant appelle à ne « pas s’affoler. Que chacun gagne sa vie, c’est normal. Il vaut mieux être uni que désuni. » Appelant au collectif, il voit deux leviers pouvant être actionnés : « soit aller chercher des marchés, soit baisser la production. Je pense qu’il faut un peu des deux. Si ça continue comme ça, on sait qu’il va falloir diminuer de la production » esquisse Jean-Jacques Bréban, qui « préfère chercher de nouveaux marchés, mais on sait que ça sera compliqué ».

Simple décalage

« Nous n’avons pas de problème de surproduction, mais un certain décalage entre ce que l’on produit et ce que le marché peut absorber » analyse Pierre-Jean Bertri, le président du Syndicat régional des courtiers en vins et spiritueux de Provence-Corse. Pointant que chaque année le vignoble provençal arrache naturellement 60 ha (pour trouver de nouvelles destinations, dont l’immobilier), le courtier rassure : l’aide à « l’arrachage n’est pas un sujet d’actualité. La distillation et la destruction pourraient être des solutions. Mais est-ce que l’on a les outils suffisants pour réguler et la volonté pour prendre des décisions qui ne font pas plaisir ? C’est toujours délicat… » Tiers de confiance entre production et metteurs en marché, le courtier estime qu’il y a un simple décalage de perception entre les deux familles : « le négoce est dans la réalité du moment, pas forcément les producteurs qui ont un laps de temps de retard avec les publications statistiques. »

Quand ça va bien, c’est grâce à moi. Quand ça va mal, c’est la faute des autres.

Reste pour Pierre-Jean Bertri la légitimité d’un débat sur le partage de la valeur ajoutée et la compréhension de la décorrélation entre cours du vrac à la baisse et prix de vente à la hausse. L’outil de la réserve interprofessionnelle pouvant être amélioré pour le courtier, plaidant pour une réduction de la date de déblocage. Pour le président des courtiers, la filière provençale doit sortir de ses schémas habituels : « quand ça va bien, c’est grâce à moi. Quand ça va mal, c’est la faute des autres. Mais c’est loin d’être aussi simple. Et sans s’en réjouir, je crois savoir qu’en France d’autres régions viticoles sont bien plus dans la tourmente que nous. »

Par rapport à Bordeaux, les Côtes-du-Rhône ou le Languedoc où les récents arrachages n’ont pas suffi à rééquilibrer le marché, les vignerons provençaux se savent privilégiés, mais ils ne sentent plus si éloignés des débats sur la réduction des surfaces de production. « Pour le moment, le marché faisait que l’on n’était pas concernés par l’arrachage définitif » rapporte Rémi Gautier, pour qui à l’avenir « tout dépendra de l’état des trésoreries. On commence à voir des situations disparates. » D’où la nécessité de parler de prix pour lui : « il est grand temps de se mettre autour de la table. Peut-être que le négoce a des problèmes, mais on n’a aucun organe d’échange pour en parler. »

 

* : Après un premier pavé dans la marre le 13 novembre, FDSEA83 et JA83 ayant publié un communiqué demande une réunion de travail sur le sujet ; N’ayant pas eu de retour, les syndicats ont demandé à prendre la parole au CIVP pour obtenir une date.

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