es pompes à vendange se faisaient rares dans les allées du salon Sitevi cette fin novembre à Montpellier. La faute à la réglementation qui impose aux constructeurs de revoir leur copie pour mieux encadrer la sécurité des utilisateurs. Système d’arrêt d’urgence au plus proche de l’utilisateur, grille indémontable et système bloquant l’accès à la vis en sortie : voilà a priori les éléments à mettre en place.
Pascal Espiau, directeur technique chez Bucher-Vaslin, est bien au courant du dossier. « Un courrier a été envoyé aux fabricants en 2023, demandant à tous les constructeurs de se conformer et d’appliquer la directive "machines" de 2006, incluant la reprise du parc si nécessaire » indique-t-il.
Plusieurs constructeurs le confirment sur le salon. « Des personnes de l’Inspection du Travail et du Ministère de l’Agriculture sont venues nous voir il y a deux ans sur le salon pour nous dire que nos pompes n’étaient pas réglementaires, qu’il y avait eu de nombreux accidents graves et que nous allions recevoir un recommandé pour nous mettre en conformité » explique un fabricant de pompes à vendange.
En parallèle, Pascal Espiau a participé à un groupe de travail en tant que constructeur portant sur une nouvelle norme spécifique aux pompes à vendange, avec pour objectif d’assurer la sécurité des pompes sans complexifier le produit.
Autour de la table étaient réunis l’UNM (Union de la Normalisation de la Mécanique), l’Axema (syndicat français des acteurs industriels l'agroéquipement et de l'agroenvironnement), des membres du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, des DREETS PACA et Occitanie (Direction régionale de l'Économie, de l'Emploi, du Travail et des Solidarités), ainsi que de la CCMSA (Caisse centrale de la mutualité sociale agricole).
La nouvelle norme NF EN 13923, fruit de plusieurs années du groupe de travail, est parue en juillet dernier. « Cette norme vise à protéger les utilisateurs, notamment lors des phases de décuvage, grâce à une conception de grille permettant le passage du marc. D’un point de vue financier, la mise en sécurité des pompes augmente le coût final d’environ 4 % » indique Pascal Espiau.
Si aucun constructeur ne remet en cause le besoin de diminuer les accidents liés à ces équipements, l’exercice s’avère en revanche techniquement et financièrement complexe. Car le dilemme est bien de protéger efficacement… Sans empêcher le raisin de passer.
Bon élève, l’entreprise SOCMA a trouvé une solution pour sécuriser la pompe. « On a collaboré avec le Ministère sur une phase de R&D et après discussions sur plans, nous avons choisi de proposer deux modèles » explique Sylvain Ferrandez, directeur technique de SOCMA.
Désormais, un vigneron devra s’équiper de deux pompes si besoin : un modèle pour la vendange égrennée et un autre pour la vendange entière. « Cela nous a pris presque deux ans » ajoute-t-il. L’entreprise SOCMA a déjà prévenu ses clients pour les avertir de l’obsolescence de son matériel. « Nous faisons un geste commercial pour qu’ils se mettent aux normes. Certains ont déjà accepté, d’autres n’ont pas répondu ».
Si SOCMA a trouvé la solution, d’autres sont encore en attente de validation et présentent leur pompe modifiée sans pouvoir la vendre. « On ne la vend pas tant qu’on n’a pas été certifié par le Ministère pour pouvoir la vendre. C’est trop risqué : on pourrait être tenu responsable en cas d’accident » indique un responsable commercial. « Nous attendons leur retour. Notre dossier est dans leurs mains depuis trois mois ».
Enfin, d’autres ont préféré ne pas exposer leurs pompes à vendange du tout. « Le Ministère nous a indiqué que comme notre prototype étant en cours de validation, il fallait inscrire "ne peut être vendu en l’état". Cela n’a aucun intérêt, d’autant que ce produit n’a pas le vent en poupe. »
« On s’est même posé la question d’arrêter d’en fabriquer parce que ça devient vraiment compliqué » confie-t-il. « Aujourd’hui, on nous demande aussi de prévenir nos clients par courrier pour les informer qu’ils ne peuvent plus utiliser la pompe et qu’ils doivent eux aussi se conformer à la réglementation. On nous demande aussi de 'rétrofiter' le parc existant. C'est assez invraisemblable » explique ce même fabricant.
Un peu plus loin dans les allées, un dernier constructeur nous avoue être dépité. « On nous demande de mettre nos machines en conformité rétroactivement. Cela représente des milliers d’euros que nous n’avons pas les moyens d’investir » déplore-t-il.
Et les revendeurs de pompes à vendanges sont aussi concernés : « C’est un constructeur qui nous en a informé par courrier et cela nous inquiète énormément. On a arrêté de commercialiser des pompes à vendange pour lesquels les fabricants ne sont pas mis en conformité » indique un revendeur de pompes sur le Sitevi.
« On se pose aussi des questions sur la maintenance des pompes non-conformes… » ajoute-t-il. « On pense aussi alerter nos clients ».
Alors, quid des pompes actuellement sur le marché ? Comment, à l’heure actuelle, un vigneron peut-il se mettre en conformité s’il est en possession d’une pompe estimée non-conforme par le Ministère ? Les vignerons ou les caves possédant des pompes à vendange vont-ils subir une vague de contrôles ?
Pour le moment, ces questions, transférées aux ministères en charge, restent en suspens. A suivre.




