i les vins de presses ne constituent que 15 à 20% du volume du millésime, ils jouent un rôle déterminant dans la construction finale des assemblages. Malgré cette importance, « seulement six études portent aujourd’hui sur les vins de presse, et une seule concerne spécifiquement le vignoble bordelais », rappelle Margot Larose.
Cette dernière soutenait sa thèse intitulée « Etude chimique et sensorielle des vins rouges issus du pressurage des marcs », à l’Université de Bordeaux ce mardi 16 décembre.
Pour savoir comment la profession perçoit ces vins, Margot Larose a d’abord interrogé 59 professionnels, majoritairement issus du vignoble bordelais, au travers d’un questionnaire de 15 questions. Les résultats sont sans équivoque : 86 % des répondants utilisent les vins de presse dans leurs assemblages ; 9 % les utilisent selon les millésimes ; 5 % ne les emploient jamais.
De leurs réponses émergent : l’apport en bouche permettant de renforcer la structure tannique d’un vin, à condition de maîtriser le risque d’astringence ou de notes végétales trop marquées ; la dimension organoleptique faisant des vins de presses un outil sensoriel ; la dimension économique, le vin de presse représentant un volume important à valoriser (certains professionnels allant jusqu’à le qualifier de « quatrième cépage »), et une flexibilité technique, permettant d’ajuster et de corriger les assemblages, avec un seuil critique allant de 5% pour un apport subtil jusqu’à 25% pour un impact marqué.
Le millésime, enfin, apparaît comme un facteur majeur d’ajustement dans la perception et l’utilisation de ces vins.
Si l’on savait déjà que les vins de presse étaient « concentrés en tout, sauf en alcool », Margot Larose est allée plus loin dans la composition chimique de ces vins.
Au Château Montrose à Saint-Estèphe, elle a choisi d’étudier séparément les vins de goutte et les vins de presse sur quatre millésimes consécutifs de 2021 à 2024. « J’ai analysé 358 vins différents issu même cru, de cépages merlot et cabernet sauvignon, sur 68 variables » indique-t-elle. Première information : « Au cours des quatre millésimes, il n’y a aucune différence significative entre les deux cépages au niveau de la composition des vins de goutte et des vins de presse. En revanche, il existe des différences significatives sur certaines molécules » indique-t-elle.
Pour tous les millésimes, les vins de presse présentent un pH plus élevé et une acidité volatile plus haute que les vins de goutte. Les vins de goutte possèdent eux un TAV plus élevé et davantage d’esters et d’alcools supérieurs que dans les vins de presse. Pour les composés phénoliques, Margot Larose note également un indice de polyphénols totaux (IPT) plus important dans les vins de presse que les vins de goutte, ce qui est corrélé avec le dosages des tanins totaux et des flavanols plus élevés dans les vins de presse.
La teneur d'autres composés, en revanche, semble être dépendante du millésime, tels le diméthyle sulfure et son précurseur, impliqués dans le vieillissement des vins, mais aussi les anthocyanes monomériques. « Pour certains millésimes, on a plus de DMS et d’anthocyanes monomériques dans les vins de goutte que dans les vins de presse et inversement sur d’autres millésimes » indique-t-elle.
Elle observe également une grande variabilité des vins de presse, obligeant donc l’œnologue référent à les catégoriser pour les assembler ensuite aux vins de goutte. La chercheuse s’est donc demandée comment les catégoriser.
Les vins de presse sont catégorisés en trois : A, B et C, représentant respectivement 20 à 30%, 65 à 70% et 5 à 10% du volume des vins de presse, et classés selon un potentiel décroissant à entrer dans l’assemblage.
Après analyse de 234 vins, la chercheuse n’a pas réussi à catégoriser les vins de presse par des marqueurs chimiques, ni à révéler de tendance entre les milésimes. Elle a donc cherché à comprendre comment l’œnologue référent effectuait cette catégorisation et si la transmission du savoir était possible.
« Après une dégustation et une calibration de l’équipe technique, il s’est avéré que l’équipe tendait ensuite à catégoriser de la même manière que l’œnologue référent, ce qui facilitait la transmission de l’information ».
A l’heure où l’IA gagne du terrain de jour en jour, cette thèse démontre aussi qu’il n’existe aucun modèle robuste pour assembler les vins de presse … et que l’humain semble toujours le mieux placé pour produire et assembler de grands vins.




