l’été 2024, les propriétaires de terrains de quelques communes à l’ouest de Montpellier ont cru pouvoir toucher le jackpot. Maître d’ouvrage du contournement ouest de Montpellier (COM), Vinci Autoroutes était en effet tenu d’acquérir 250 ha de terrain afin de compenser l’impact sur la biodiversité des travaux prévus. Les espèces sauvages affectées par le chantier représentant peu d’exigences, des vignes pouvaient faire l’affaire.
Pressé par les délais, Vinci a proposé des tarifs très alléchants : de 25 000 à 30 000 €/ha, alors que le prix moyen sur zone se situe entre 10 000 et 12 000 €/ha pour des vignes non irriguées, et qu’il plafonne à 21 000 €/ha avec l’irrigation. Ces offres créent l’effervescence dans ce secteur où les viticulteurs, comme partout dans l’Hérault, tirent la langue.
« Vinci a fait monter artificiellement le prix du foncier. C’est scandaleux », s’emporte Denis Carretier, président de la chambre régionale d’agriculture. « Nous avons été submergés d’appels de viticulteurs en grande détresse », raconte Fabien Lépine, responsable de l’antenne héraultaise du Conservatoire d’espaces naturels (CEN) Occitanie. Alertée par la profession, la Safer réalisera onze préemptions en révision de prix. « C’est notre rôle de réguler le marché », plaide Dominique Granier, président de la Safer Occitanie.
La première de ces interventions concerne un bloc de 20 ha sur Cournonterral, dont le propriétaire, un viticulteur âgé de 72 ans, avait signé une promesse de vente au juteux tarif proposé par Vinci. La Safer, elle, lui en propose 12 000 €/ha. Au final, le viticulteur retire le bien de la vente mais ne lâche pas le morceau. Il a confié à un avocat le soin de défendre ses intérêts.
Concernant un autre lot de 20 ha d’un seul tenant de vignes irriguées d’une dizaine d’années, dont 10 ha en bio, le propriétaire engage une transaction amiable avec la Safer, bien conscient que celle-ci préemptera s’il signe au prix de Vinci. La Safer établit le prix à 21 000 €/ha. Seul le CEN se porte candidat et emporte l’affaire.
Au total, Vinci a pu acheter 40 ha de vigne, rétrocédées au CEN qui entend les louer à des viticulteurs afin qu’elles continuent à être cultivées. « Nous avons déjà trois exploitants pour une partie des vignes, précise Fabien Lépine, et nous avons lancé des appels à candidature pour le reste. Nous déterminons avec chaque exploitant des modalités de culture respectueuses de la biodiversité. » Sans repreneur, toutefois, ces vignes seront arrachées. Comme cela a déjà été le cas pour 10 ha en mauvais état. « Le CEN siège au conseil d’administration de la Safer, déplore Sophie Nogues, présidente de la Safer Hérault. Ils connaissent donc parfaitement le prix des vignes. Or ils ont proposé des prix bien supérieurs, ce qui a déstabilisé le secteur. »
Depuis 2016, la loi pour la Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, impose aux maîtres d’ouvrage de compenser les impacts négatifs pour la biodiversité de leurs aménagements. Ils peuvent s’acquitter de cette obligation par le biais d’actions de réhabilitation, de restauration ou de création de milieux. Pour ce faire, ils achètent des parcelles hébergeant les mêmes espèces que celles affectées par leur projet, parcelles qui doivent se situer au plus près du site endommagé et doivent ensuite faire l’objet d’une gestion conservatoire.


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