otre groupe a participé aux essais sur les Vignes Semi-Larges (VSL). Où en êtes-vous sur les plantations ?
Frédéric Gallois : Nous avons planté, au total, 55 hectares en 2023 et 2024. Nous avons installé des VSL sur l’ensemble de nos vignobles parce que nous pensons qu’elles sont une réponse sur tous nos terroirs. Et nous souhaitons nous en assurer. On a mis des VSL dans des endroits avec 27-28 % de pente dans l’Aisne. Et pour l’instant, il n’y a pas de problème sur ces vignes. On pense que les VSL sont une voie d’avenir et on y va franchement.
Quelles ont vos motivations ?
Cela répond pour nous à des préoccupations environnementales. Avec les VSL, l’impact environnemental est diminué de 25 à 30 %. C’est l’étude menée par le Comité Champagne qui le montre, mais également les résultats de nos autres vignobles dans le monde. Cela se traduit notamment par moins de produits phytosanitaires. Les VSL nous apportent de grandes facilités pour mettre en place des couverts végétaux. Dans les vignes étroites, l’implantation de couverts végétaux n’est pas simple à gérer pour qu’il soit facile d'y travailler. On peut également mieux gérer l’enherbement. De plus, on a tendance à maintenir un peu plus l’acidité sur les vins issus de ces vignes. C’est un sujet important dans le contexte du changement climatique.
Les VSL permettent aussi de réduire les coûts de production ?
Oui, nous y allons aussi pour les coûts de production. Ce sujet est une préoccupation, avec une hausse des coûts de 25 à 30 % en quelques années. Il faut mettre le holà sur cette progression qui est trop importante. On est en zéro désherbage depuis 2019. La moitié de la hausse des coûts de production est imputable à ce choix. L’autre partie est due à la forte inflation sur les intrants et au coût de la main d’œuvre.
Avec les VSL, les coûts de production sont réduits de 25 à 30 %. Il y a moins de plants donc on y passe moins de temps. Mais c’est surtout intéressant pour le matériel. Là où on a un enjambeur qui nous coûte 300 000 €, on peut avoir des machines qui coûtent trois fois moins cher. Si tant est que les réseaux commerciaux nous laissent faire…
Avez-vous des craintes sur les rendements ?
C’est sur ce point des rendements que l’on a besoin de se rassurer dans les trois à quatre années qui viennent. On est confiant. On a adapté notre matériel végétal en choisissant des porte-greffes vigoureux. On a mis du 41 B, du fercal, etc. Cela reste à confirmer que ce sont les bons choix en VSL. On les a combinés avec des clones productifs.
Allez-vous planter des VSL en 2026 ?
Non, on arrête d’en planter pendant trois à quatre ans pour avoir les premières récoltes. Mais nous sommes confiants. Nous avons participé à l’expérimentation du Comité champagne sur deux parcelles dont une de 4 ha dans l’Aisne. On a de ce type de vignes dans le monde entier. Pourquoi cela ne serait pas adapté à la Champagne ?
Comprenez-vous la réticence de certains opposants aux VSL ?
Tous les points de vue sont respectables. Historiquement la Champagne était plantée en foule. On l’a faite évoluer dans le schéma actuel. Dans un contexte de changement climatique, j’ai du mal à comprendre que cela soit le passé qui puisse apporter des solutions. Il faut être ouvert à s’adapter !
On prête aux VSL d’être une porte d’entrée pour la machine à vendanger…
Il n’y a aucun lien entre VSL et machine à vendanger ! La machine à vendanger peut très bien passer dans les vignes étroites. Il n’en demeure pas moins que je pense qu’il serait bien de réfléchir collectivement à la manière dont on assure la récolte en Champagne. On devrait s’interroger pour lancer des essais sur la récolte mécanique, pour être prêt. On verra bien. Aujourd’hui ce sujet est fermé mais il ne devrait pas l’être.
Votre groupe a pourtant du poids en Champagne !
Oui, mais on est pour l’instant minoritaire et notre message n’a pas encore fait bouger les lignes. Nous faisons tout pour garantir une vendange manuelle qui respecte les hommes et les femmes qui viennent travailler. Mais ouvrons le chapitre de la récolte à la machine ! C’est la responsabilité de notre profession d’être capable dans deux ans, dans cinq ans, d’être prêt à le faire.
Et la compatibilité avec les cépages noirs, majoritaires en Champagne ?
Cela justifie d’autant plus que l’on fasse des essais ! Pour le chardonnay cela devrait être simple. Pour le meunier, il faut prendre un peu d’élan ! On manque de responsabilité sur ce sujet.
Comment avance le dossier du paiement à la qualité sur lequel vous êtes actif ?
Le sujet de la qualité doit être beaucoup plus au cœur de la relation entre le vignoble et le négoce. Il faut qu’on arrive à se donner les moyens d’objectiver les critères qualitatifs. Il n’y a pas plus subjectif comme sujet. C’est pourquoi nous déployons l’évaluation par le tri optique. Chez nous, mais aussi chez nos partenaires où nous avons cette année installé douze tris optiques, principalement dans des coopératives.
Sur ce thème, vous sollicitez l’interprofession ?
Oui, nous souhaiterions que des règles du jeu soient établies au sein de l’interprofession, en l’objectivant de telle ou telle manière. Certains vignerons nous disent qu’ils sont parfois un peu démobilisés de nous voir accepter des raisins moins qualitatifs que les leurs. C’est entendable. Il faut que l’on soit droit dans nos bottes, et faire peut-être des exemples pour être crédibles. Pour marquer la différence entre ceux qui font des efforts et les autres.




