omme une constante médicale stable, la surface du vignoble d’Anjou-Saumur ne bouge pas depuis des dizaines d’années : 20 000 et quelques hectares. Une stabilité dont le vignoble tirait une certaine fierté : pas d’emballement sur les plantations quand la situation est porteuse, mais pas d’arrachage subi non plus. A l’intérieur des 20 000 ha, c’est la mobilité entre les cépages qui a prévalu tout au long des dernières décennies pour s’adapter aux volontés du marché.
Bien appuyé sur la force des rosés tendres, en particulier le Cabernet d’Anjou, le vignoble a axé une partie de sa réussite économique sur cette appellation qui a affiché des sorties à quelque 320 ou 330 000 hectolitres il y a quelques campagnes, mais depuis deux ans, l’appellation est en berne : 280 000 hl sur la dernière campagne. Les producteurs ont donc joué sur le levier du rendement pour tenter de tenir un difficile équilibre offre-demande. En vain, les cours ont chuté, passant de 180 à 140 €/hl en un an.
Lors d’une récente assemblée générale de la Fédération viticole de l’Anjou-Saumur, deux présidents ont plaidé en faveur d’un arrachage raisonné pour le vignoble. En particulier sur le cabernet franc. Pour l’ancien président, Laurent Ménestreau, « notre surface actuelle est trop importante au regard des marchés. Il faut qu’on réfléchisse rapidement, mais très rapidement, à une adéquation entre notre production et la consommation de nos vins. Je pense qu’il faut engager un plan d’arrachage au plus vite pour se rééquilibrer. On ne pourra pas jouer encore avec des baisses de rendement pour ajuster nos volumes. Economiquement, ça ne tiendra pas dans les entreprises. » A l’unisson, l’actuel président de la Fédération angevine Pierre-Antoine Pinet a rejoint son prédécesseur. « Il faut qu’on revoie la surface de notre vignoble pour gagner en valeur à l’hectare ».
Suppression individuelle des parcelles non-rentables
Lors des dernières réunions vendanges, un vigneron engagé personnellement dans une démarche d’arrachage a été invité à témoigner. « Depuis deux ans, je me suis lancé dans un programme d’arrachage de parcelles qui ne correspondait plus à la rentabilité attendue », a raconté Jean-Marie Gazeau. Au total, le vigneron de Martigné-Briand a rayé de son parcellaire environ 12 ha (essentiellement du cabernet franc) qui présentaient plus de 20 % de déplants, mais aussi des bouts de parcelles isolées, aux coûts de production élevés. « On a tous des parcelles comme celles-ci », a estimé Jean-Marie Gazeau, qui a replanté depuis 2 ha de chenin pour des Coteaux du Layon. « Je replante des cépages où je sens de la demande commerciale ». L’objectif de son message est de faire infuser l’idée dans tout le vignoble. « Si individuellement, on supprime tous des parcelles non rentables, on retrouvera des équilibres de marchés, et des prix rémunérateurs. Et on aura agi collectivement pour le bien du vignoble », conclut le vigneron.
A bas bruit, le processus semble lancé. Selon les données disponibles aux vendanges 2025, la surface du vignoble d’Anjou-Saumur affichait 20 521 ha plantée très précisément, soit un recul de 136 ha par rapport à 2024. Lors de la dernière enquête de FranceAgriMer, sur les intentions d’arrachage, 89 exploitations (10 %) ont répondu favorablement pour une surface totale de 278 ha. Au moment où le questionnaire a été adressé, les pouvoirs publics n’avaient pas encore proposé de nouveau plan d’arrachage aidé. Qu’en sera-t-il, prime à la clé ?




