e diagnostic de la California Association of Winegrape Growers (CAWG) est sans appel : 15 000 hectares arrachés en un an, d’autres en cours ; des parcelles abandonnées faute d’argent pour les arracher et de contrats pour les travailler ; entre 20 et 30 % des raisins laissés sur pied ; et des prix en chute libre. Une année « brutale pour la plupart des viticulteurs » résumait Gregg Hibbits de la société Grapevine Capital Partners, qui pilote 1 500 hectares de vignes sur la Côte centrale, dans une présentation récente de la récolte par la CAWG. « Pour beaucoup, c’était une récolte douloureuse, surtout pour ceux qui n’avait pas de contrats », abonde Jeff Bitter, président de l’interprofession Allied Grape Growers, qui souligne que l’ensemble de l’Etat a été touché, de l’entrée de gamme aux segments premium.
Une correction sévèreSeul point positif : « Nous avons fait un grand pas vers un meilleur équilibre entre l’offre et la demande », affirme Jeff Bitter. Il faudra attendre 2026 pour mesurer l’impact commercial de cette petite récolte, « mais au moins on n’aura pas gonflé de nouveau les stocks cette année – et ce sont bien les stocks en cuves, en bouteilles et sur les linéaires qui pèsent sur le marché ». Le calcul de l’AGG est de bon augure pour l’avenir : « En gros, nous avons l’équivalent d’un million de tonnes en trop au niveau des stocks. Donc une récolte de 2 à 2,5 millions aura fortement contribué à diminuer cet excédent ».
La concurrence des importations en vrac
Pour autant, pas question d’imaginer un retour immédiat des habitudes d’achat du passé, prévient-il. La consolidation du marché a laissé beaucoup de petits acheteurs « noyés dans la masse » tandis que l’afflux de vins en vrac importés à bas prix pourrait freiner la reprise pour les producteurs californiens. « Nous avons un sérieux problème d’importations de vins en vrac », alerte Aaron Lange, dont la LangeTwins Family Winery gère près de 3 000 hectares de vignes et s’est vu contrainte de se diversifier vers d’autres cultures pour la première fois. « Nos vins sont abordables et pourtant ils ne trouvent pas preneurs », déplore pour sa part Jeff Bitter. En cause, entre autres facteurs : des dispositifs comme les ristournes sur les droits de douane accordées aux gros importateurs également exportateurs. Un mécanisme qui contribue à une hausse de 17 % des importations en vrac enregistrée jusqu’en juillet 2025, alors que les disponibilités californiennes ne manquent pas.
Dans ce contexte, les responsables professionnels craignent désormais une surcorrection de l’offre : « Si nous arrachons trop, nous risquons de créer un manque qui sera aussitôt comblé par des importations. Nous devons réfléchir sérieusement aux arrachages avant qu’il ne soit trop tard », prévient Jeff Bitter. Selon lui, 170 000 ha correspondraient à une superficie en adéquation avec la demande. Son avis est partagé par Nick Karavidas, œnologue et consultant installé dans la région de Lodi : « Si on regarde les courbes de ce que produit la Californie et les Etats-Unis et ce qu’on consomme aux USA, on n’est finalement pas si loin de l’équilibre. A mon sens, la Californie a arraché depuis deux ans environ 40 000 hectares, soit jusqu’à 700 000 tonnes de raisins en moins ou 25% du marché des raisins de cuve en Californie. D’ici 12 ou 18 mois, on va se focaliser beaucoup plus sur la surproduction en Europe ».
La reprise se dessine sur la Côte
Si les arrachages en Californie touchent surtout des régions productrices de vins accessibles – en premier lieu la Vallée Centrale – d’autres zones adoptent une approche bien plus nuancée. « On replante dans l’espoir que, d’ici trois ou quatre ans, on peut disposer de vignobles sains, exempts de virus qui donnent des raisins qualitatifs », explique Johnnie White, associé de Pina Vineyard Mangement qui gère quelque 400 hectares dans la Napa Valley. « C’est le moment de remplacer nos vignes ». Certes, la conjoncture économique actuelle pèse sur tout l’Etat, mais le moral est plus positif dans les régions côtières les plus qualitatives. « Les producteurs établis de longue date sont en train de replanter », observe Cameron Mauritson à la tête d’environ 400 hectares dans le Comté de Sonoma. « Ils raisonnent sur le long terme et voient de la lumière au bout du tunnel, autrement ils ne le feraient pas. C’est clairement le signe qu’il y a des producteurs optimistes ».
Des producteurs qui misent encore sur l’avenir
Freeman Vineyards & Winery à Sonoma fait partie des domaines qui continuent d’avancer, ne serait-ce qu’à petite échelle. « Malgré les défis réels auxquels les caves sont confrontées actuellement, les fondamentaux n’ont pas changé », affirme son co-fondateur Ken Freeman dans un communiqué. Le domaine explique sa croissance modérée par cinq leviers : écouter ses clients en proposant notamment des vins gastronomiques plus faiblement alcoolisés ; se différencier en cultivant ses propres raisins en bio ; pratiquer des prix raisonnables et transparents ; cultiver la proximité avec ses clients ; et se développer de manière équilibrée au niveau national et international. « Quand vous entretenez le dialogue avec vos clients, maintenez un niveau qualitatif élevé et restez raisonnable sur les prix, il y aura toujours une place pour vos vins à table ».




