’était l’effervescence au dernier salon Viteff, à Épernay, pour venir déguster les premières cuvées de chardonnay rose. Ce cépage a rejoint la liste des cépages autorisés dans l’appellation Champagne le 31 juillet 2025. « On ne s’attendait pas à une telle affluence ! », témoigne Géraldine Uriel, chef de service matériel végétal et production au Comité Champagne. Le huitième cépage champenois est une mutation naturelle du chardonnay blanc connue depuis plus de cent ans. Il était mentionné dans la monographie des cépages de l’Aube de Jean Guichard en 1906.
Sur ses trois parcelles expérimentales, le Comité Champagne a constaté que son comportement agronomique est en tous points similaire à celui du chardonnay blanc. Sur le plan de la production, l’unique clone agréé 1284 du chardonnay rose obtient des rendements identiques au clone 96 du chardonnay blanc et une récolte légèrement supérieure au 95.
Au niveau gustatif, les avis sont partagés. « Certains dégustateurs mettent en avant une impression de fraîcheur, détaille Géraldine Uriel. Pour d’autres, il n’y a pas de différence avec le chardonnay blanc. »
S’il y a si peu de différences avec le chardonnay blanc, pourquoi intégrer ce mutant au cahier des charges champenois ? « L’intérêt principal est d’augmenter la diversité des cépages et de revaloriser une variété qui existait en Champagne, souligne Géraldine Uriel. Nous percevons une forte demande des viticulteurs pour ce cépage. Ceux qui ont les sept cépages aimeraient avoir le huitième. Certains souhaitent élaborer une cuvée différente pour se démarquer, d’autres se montrent intéressés par pure curiosité. »
Le point sur les demandes sera fait en fin d’année. Les premières plantations de chardonnay rose avec du matériel certifié devraient se faire en 2027.
Dans le Jura, autre vignoble où le chardonnay rose est historiquement présent, l’intérêt n’est pas du tout le même. « Il n’y a pas de demande pour l’intégrer dans l’appellation car il n’est pas adapté au changement climatique, observe Gaël Delorme, conseiller viticulture à la chambre d’agriculture du Jura et à la Société de Viticulture du Jura. Il n’apporte en effet pas grand-chose de plus que le chardonnay blanc, voire moins d’acidité, alors que c’est ce que l’on recherche dans les nouveaux cépages. »
Dans ce vignoble de montagne où la maturité était parfois difficile à atteindre, les anciens vignerons avaient souvent quinze à vingt cépages par parcelle, pour limiter les risques. Le chardonnay rose en était et il est toujours présent dans les vieilles vignes cultivées par des amateurs. « C’est une curiosité », conclut Gaël Delorme.
Stéphane Tissot, viticulteur à Arbois, dans le Jura explique « Depuis une dizaine d’années, je commercialise la cuvée Arbois Rose Massale à base de chardonnay rose. Nous avons toujours eu ce cépage sur notre domaine. J’ai fait de la sélection massale pour disposer d’une petite parcelle de chardonnay rose qui me permet de produire quelques tonneaux de 228 litres par an. Le mode de conduite est le même que celui du chardonnay blanc. Je trouve qu’il est moins gélif, car il débourre légèrement plus tard, et surtout qu’il est plus rustique. Je le vinifie comme le chardonnay blanc. La cuvée Arbois Rose Massale arbore une robe or pâle légèrement cuivrée. En termes de goût, le chardonnay rose est vraiment intéressant. Il se situe entre le chardonnay blanc et le chardonnay musqué que l’on peut trouver en Bourgogne. On est un peu plus sur les amers, avec davantage de structure. Nos clients apprécient beaucoup l’originalité de ce vin. »


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