l y a encore quelques années, l’évaluation d’un domaine viticole s’effectuait en faisant la moyenne de la valeur économique, de l’évaluation actif par actif et de la méthode comparative. Avec la crise, c’est l’évaluation actif par actif qui s’impose.
« Avec une rentabilité proche de zéro, voire négative, la valeur économique n’a plus de sens », expose Michel Veyrier, gérant de Vinea Transaction Languedoc. La méthode comparative, elle non plus n’est plus très adaptée car, dans un marché baissier, on ne peut pas se référer à d’anciennes ventes pour évaluer la valeur d’une propriété. C’est donc la méthode de l’évaluation actif par actif qui est actuellement privilégiée avec, à la clé, une baisse de la valeur des domaines.
« Il faut coller à la situation économique », rappelle Michel Veyrier, qui cite l’exemple d’un domaine de 100 ha qui est à la vente depuis quatre ans dans l’Aude. « Les propriétaires l’ont mis en vente à 4,7 M€ en 2021 alors que je l’estimais à 3,7 M€, explique-t-il. Il n’a pas trouvé preneur à ce prix et pourrait être acheté prochainement entre 1,5 et 1,7 M€. »
L’une des solutions pour les vendeurs est de scinder leur bien entre les vignes et la maison avec quelques hectares de terres, les vignes étant le plus souvent arrachées. « Ce qui nous sauve pour les maisons, ce sont les PLU qui interdisent toute construction en zone agricole. Cela leur donne de la valeur, indique Michel Veyrier. Les terres aussi ont de la valeur. On ne descend pas en dessous de 8 000 à 10 000 €/ha. Certains acquéreurs ont des projets de diversification dans la culture de l’olive, de l’amande ou de la grenade. D’autres veulent planter des arbres. »
À Bordeaux, la situation est également tendue. « Pour évaluer, on prend hélas toutes les valeurs les plus basses, commente Véronique Laveix, gérante de Quatuor Vignobles. J’ai perçu une bascule à partir de juin 2023. Nous avons quatre fois moins de demandes qu’auparavant mais, heureusement, il y a toujours des clients sérieux. » La valeur des vignes a ainsi été divisée par deux en quelques années, y compris dans les appellations prestigieuses. Ici aussi, les maisons trouvent toujours acquéreur.
Véronique Laveix pointe du doigt le comportement des banques, estimant qu’elles ne jouent pas le jeu. « Elles harcèlent les vendeurs en les appelant tous les quinze jours pour savoir où en est la vente, dénonce-t-elle. Et d’un autre côté, elles sont très réticentes pour prêter aux acheteurs, qui doivent au minimum avoir 50 % d’apport personnel. Dernièrement, une de mes clientes vendeuses s’est partiellement substituée à la banque en prêtant elle-même 500 000 € à l’acquéreur sur cinq ans à un taux de 2 % sur une vente de 1,5 M€ ! »
Un vigneron des Côtes du Rhône témoigne : « Je vais vendre mon domaine viticole dans quelques mois, le temps pour les acquéreurs de finaliser leur dossier. Pour évaluer l’exploitation, nous avons pris les actifs un par un. C’est allé assez vite car je suis coopérateur. J’ai été obligé de séparer les biens pour pouvoir les vendre. Je vais brader mes 20 ha de vignes à 13 000 €/ha à trois voisins, et j’ai réussi à vendre correctement le matériel. Mon atout principal, c’est mon joli corps de ferme. Je l’ai rénové ces deux dernières années en prévision de la vente. J’ai pu financer la rénovation par un prêt familial de 80 000 € car la banque ne m’accompagnait pas. Pour que cette maison soit mieux valorisée – je vais la vendre 750 000 € –, j’ai ajouté une partie de ma parcelle d’oliviers. J’y tiens pourtant beaucoup à ces oliviers mais, avec la crise, il ne faut pas être sentimental. »


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