vis de recherche : il faut au moins 22 600 jeunes pour sauver la pérennité de la filière vitivinicole espagnole, qui assure 200 935 emplois directs pour un total de 386 110 postes de travail EJC. C’est le constat choc révélé ce 6 novembre à Madrid par l’OIVE lors de la présentation d’une étude réalisée par le cabinet d’analystes financiers AFI. Cette « radiographie détaillée du secteur » met en lumière les défis auquel est confrontée la filière vitivinicole espagnole. Un « phénomène qui préoccupe l’ensemble du monde rural », estime la directrice de l’interprofession, Susana García : « Le vieillissement de la campagne et la difficulté d’assurer sa continuité ». Et de souligner qu’il ne s’agit pas uniquement d’un problème démographique ou de vocations en tant que telles, mais « des conditions que nous offrons à nos jeunes et, surtout une image positive du vin comme véritable opportunité ».
Disparités régionales mais constante nationaleIntitulé « Pertinence économique et relève générationnelle », le rapport observe que l’agriculture espagnole, et en particulier la viticulture, connaît un vieillissement rapide des chefs d’exploitation. Fait alarmant : environ trois exploitations viticoles sur quatre sont gérées par des professionnels âgés de plus de 50 ans, et près de 40% des exploitations présentent un risque élevé de ne pas pouvoir assurer leur succession. Certes, les disparités régionales restent fortes, la distribution par âge variant de manière significative selon les provinces : en Andalouse, aux Canaries, en Castille-et-Léon ou encore en Galice, la part des chefs d’exploitation âgés de plus de 65 ans atteint, voire dépasse 40%. Mais globalement, le constat est sans appel : le vignoble espagnol vieillit plus vite qu’il ne se renouvelle, et la relève tarde à se manifester.
Accélération du phénomèneLe rapport explore également les liens entre le vieillissement des exploitants et des facteurs tels que la productivité, la taille de l’exploitation et la formation, notant que les jeunes exploitants ont tendance à être plus productifs (mécanisation et taille de l’exploitation obligent) et mieux formés. Avec une superficie moyenne de 924 000 hectares au cours des cinq dernières années, soit 13% du vignoble mondial, l’Espagne, premier pays viticole au monde, offre un cas d’école, y compris pour l’agriculture au sens large. Si son exemple n’est pas forcément transposable à l’ensemble des pays viticoles, il illustre les défis partagés par bon nombre de vignobles, et de zones agricoles. En effet, le rapport indique que l’activité viticole présente un profil de vieillissement intermédiaire, plus âgé que l’horticulture mais moins que l’oléiculture ou les céréales/oléagineux/légumineuses. Globalement, toutes cultures confondues, le vieillissement a tendance à s’accélérer depuis 2010 : la proportion des chefs d’exploitation de plus de 65 ans est passée de 30% en 2010 à près de 42% en 2020 (+11,6 points contre +5,4 en Italie et +1,1 en France).
Les leviers possiblesUne fois le diagnostic posé, les analystes d’AFI identifient des facteurs clés susceptibles de diminuer les risques de rupture générationnelle. La formation des responsables d’exploitation et la modernisation de l’outil de travail sont associées à une baisse de 16 points du risque. Les exploitations de plus grande taille sont celles qui présentent la meilleure qualité de capital humain et une plus grande digitalisation – accès à internet et usage de systèmes d’aide à la décision – et sont également corrélées à une atténuation du risque. Enfin, une productivité élevée et la présence de membres de la famille travaillant sur l’exploitation jouent également un rôle important.
Au-delà des chiffres, reconquérir les jeunesL’absence de jeunes repreneurs ne s’explique pas uniquement par des facteurs économiques : elle traduit aussi une crise d’image qui touche l’ensemble de la filière, en écho à la désaffection pour le vin de la part des jeunes consommateurs. « Nous devons mieux raconter l'histoire du vin afin que les jeunes aient envie d'en faire partie et construire un récit positif lié au plaisir, à l'identité et au mode de vie méditerranéen », estime Fernando Ezquerro. Le président de l’OIVE insiste par ailleurs sur le fait que « ce défi ne peut pas être relevé uniquement par le secteur. Nous avons besoin d'une implication réelle, coordonnée et déterminée des administrations, avec des initiatives concrètes qui favorisent la relève générationnelle ». Et de conclure : « Il ne doit pas s'agir de mesures isolées ou limitées à des territoires spécifiques, mais d'une stratégie nationale et commune, soutenue par toutes les institutions ».




