’est un lieu qui porte bien son nom : la ferme des Fontaines. Un lieu humide de 9 ha, appartenant au Clos des Quarterons et composé de 4 ha de vignes d’un seul tenant, de prairies, d’agroforesterie et de pièces d’eau. Jean-François (dit Jeff) Roit-Lévêque avait les pires difficultés à entrer dans la parcelle avec le tracteur pour y travailler les sols en sortie d’hiver. Le chef de culture du Clos des Quarterons, 35 ha de vignes à Saint-Nicolas de Bourgueil, a d’abord pensé faire appel à un troupeau de moutons. Renseignements pris auprès d’un éleveur local, lui et son patron, Xavier Amirault, n’ont pas donné suite. « Il nous proposait une prestation, ce qui ne nous correspondait pas. On a voulu avoir nos propres animaux, intégrés dans cet ensemble agricole », raconte Jeff.
L’idée d’employer des oies a germé il y a 5 ans. « Le lieu s’y prête parfaitement, assure Jeff. On a deux étangs à proximité des vignes pour alimenter notre système d’aspersion contre le gel. Or ces animaux ont besoin d’un point d’eau où passer la nuit. C’est là qu’ils s’abritent des prédateurs ».
Jeff a d’abord acheté quelques oies à un éleveur local. « Ensuite, on lui a donné des œufs pour qu’il les couve et qu’il nous donne les oisons, une fois éclos. Depuis, on garde une partie des œufs pour faire naître encore quelques oisons et on donne le reste à l’éleveur. On s’est équipé d’une couveuse et d’un poulailler pour mettre les petits à l’abri et les habituer à notre présence », détaille le chef de culture.
Tout au long de l’année, une quarantaine d’oies erre dans la parcelle– toujours en groupe – pour brouter l’herbe. Dans cet îlot de chenin et chardonnay, les rangs sont enherbés ; seul le cavaillon est désherbé mécaniquement. « Les oies maintiennent un couvert végétal raisonnable, mais il faut tout de même tondre. Dès que les herbes sont trop hautes, elles n’entrent plus dans la parcelle. Et elles ne mangent pas les rumex, ni les chardons ni les orties. Donc il faut broyer l’herbe très tôt au printemps puis dès que nécessaire. En tout, j’économise au moins deux passages par an avec les oies », indique Jeff.
Pour le cavaillon, le travail est mécanique. Côté traitement, le vignoble est mené en biodynamie avec du cuivre, du soufre et des tisanes. Le tracteur passe donc souvent dans la parcelle mais les volatiles ont pris l’habitude de se pousser à son arrivée. Selon Jeff, « les traitements ne leur causent aucun souci ».
Deux fois par an, il sort les oies de la parcelle. Au débourrement tout d’abord, car elles trouvent les bourgeons parfaitement à leur goût. Une fois, deux feuilles étalées, elles ne touchent plus à la vigne. Puis il les sort à nouveau entre la véraison et la récolte car elles aiment aussi le raisin. « On les parque alors à côté des vignes. A ce moment-là, on doit compléter leur alimentation avec du grain. On consomme l’équivalent de 300 litres par an ».
Outre le pâturage, les oies pratiquent l’écorçage. Sans doute pour y trouver des insectes. « On s’est rendu compte que la pression des vers de grappe a diminué dans cette parcelle. Auparavant, on utilisait la confusion sexuelle. On a retiré les Rak sur la moitié de la parcelle pour faire un test. On n’a pas eu de souci », relate le chef de culture.
Au contraire d’autres animaux d’élevage, les oies sont assez rustiques. Une oie, avec un espace adapté et assez de nourriture, peut vivre jusqu’à 30 ans. « Pas de vaccin, pas de maladie et je n’appelle jamais le vétérinaire, explique Jeff. Le gros risque sanitaire, c’est la grippe aviaire. En cas d’épidémie, les préfets peuvent décider que tous les oiseaux d’élevage doivent être enfermés. Pour l’instant, ça ne nous est jamais arrivé, mais il faut prévoir une cabane fermée pour les ramasser si besoin. En attendant, elles s’y réfugient lorsqu’il fait très chaud ou très froid ».
Autre risque, les prédateurs. Et pas seulement, ceux à quatre pattes comme les renards. « Ceux à deux pattes également, sourit Jean-François. Il y a quelques années, on s’est fait voler 25 oies avant les fêtes de fin d’année. Je ne suis pas sûr que la viande soit très bonne car on ne les engraisse pas. Mais, ça nous a obligé à installer une clôture et une caméra ». Au passage Jeff délivre un conseil : « il faut prendre un filet de clôture à grosse mailles pour éviter que les oies s’y prennent et qu’elles meurent. »
Contrairement à la cabane et au point d’eau, il n’est pas obligatoire de clore les parcelles que l’on veut faire pâturer par des oies. « Si elles ont assez d’espace et si se trouvent bien où elles sont, elles y restent. Ce sont des animaux domestiques. Elles sont habituées aux humains. Elles nous accompagnent quand nous venons travailler dans les vignes. De toutes façons, si elles veulent s’échapper, elles peuvent s’envoler », indique Jean-François. Ce qui n’est pas encore arrivé à la ferme des Fontaines. Signe que le gîte et le couvert y sont au goût des oies.
Sur son domaine expérimental de Montreuil-Bellay (49), l’IFV Val de Loire suit depuis cet été un troupeau d’oies et de canards sur une parcelle de vigne. Le technicien en charge de l’expérimentation, Estéban Fortin souhaite examiner trois points : la gestion de l’enherbement sur une année avec un tel troupeau, les adventices qu’il mange et celles qu’il refuse et l’impact des déjections de ces animaux sur la fertilité du sol.


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