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Le cabernet franc n'est pas bordelais : "le chauvinisme en matière de cépages me fait sourire"
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Entretien avec José Vouillamoz
Le cabernet franc n'est pas bordelais : "le chauvinisme en matière de cépages me fait sourire"

Généticien suisse, éducateur et conférencier sur le vin, José Vouillamoz publie un ouvrage sur l’origine de douze grands cépages français (1). Quand l’analyse de l’ADN contredit de vieilles légendes.
Par Bérengère Lafeuille Le 11 novembre 2025
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Le cabernet franc n'est pas bordelais :
Généticien suisse, éducateur et conférencier sur le vin, José Vouillamoz publie un ouvrage sur l’origine de douze grands cépages français - crédit photo : Louis Dasselborne
V
otre livre bat en brèche certaines idées reçues. Ainsi, n’en déplaise aux Bordelais, le cabernet Franc nous viendrait d’Espagne ?

José Vouillamoz : Le chauvinisme en matière de cépages me fait sourire : j’observe le même en Espagne et en Italie ! Pour remonter à l’origine d’un cépage, je mets en parallèle l’analyse ADN avec les connaissances historiques et linguistiques. Concernant le cabernet Franc, un faisceau d’indices laisse penser qu’il est apparu de l’autre côté des Pyrénées. Par exemple, les tests ADN montrent qu’il est l’un des deux parents naturels de deux vieux cépages du Pays basque espagnol, et son nom basque, Achéria qui signifie renard, semble se rapporter à la forme de sa grappe en queue-de-renard. Mais il est vrai qu’il a donné naissance au cabernet sauvignon, au merlot et à la carménère, des cépages importants en Gironde.

 

Au sujet du cabernet sauvignon, il a subi de surprenantes mutations en Australie… Que s’est-il passé ?

Dans les années 1970, à la cave Cleggett Wines en Australie, une mutation grise du cabernet sauvignon est apparue spontanément sur un sarment. Elle a été bouturée et multipliée sous le nom de Malian. Plus tard, une mutation blanche est apparue dans le même vignoble, baptisée Shalistin. Ces mutations n’ont à ma connaissance jamais été observées ailleurs, et jamais diffusées hors de Cleggett Wines. Mais ce phénomène n’est pas rare dans l’histoire des cépages : ce sont des mutations de couleur du pinot Noir qui ont donné les pinots Gris et Blanc.

  Il est donc faux de parler de la famille des pinots…

En effet, car il n’y a pas de relation de parenté entre eux. Les pinots noir, blanc et gris sont un seul et même cépage qui a eu des accidents de couleur. L’obtention d’un nouveau cépage passe obligatoirement par la reproduction sexuée. Parce qu’il est très ancien, le pinot a eu le temps d’accumuler beaucoup de mutations donnant des biotypes très différents. C’est aussi le cas du savagnin Blanc qui a subi une mutation de couleur, puis une mutation aromatique ayant donné le gewurztraminer.

 

Comment sait-on que le pinot noir est apparu le premier ?

Parce que les mentions historiques les plus anciennes le concernent, et parce que les mutations faisant passer du rouge au blanc sont plus probables que l’inverse.

 

Connaît-on l’âge des cépages ?

Difficilement. Dans le cas du pinot, le grand nombre de mutations accumulées et les mentions historiques laissent penser qu’il a plus de mille ans, mais on n’en a aucune preuve. En revanche, il est prouvé que le savagnin est présent en France depuis au moins 900 ans. En effet, on a retrouvé des pépins dont l’ADN a révélé qu’il s’agissait de savagnin sur un site archéologique daté entre 1050 et 1200.

 

Le Gouais Blanc est aussi très ancien. Pourquoi le surnommez-vous « Casanova des cépages » ?

Parce qu’il aurait au moins 82 enfants selon les derniers comptages ! Autrefois très répandu, il porte différents noms à travers l’Europe, par exemple Heunisch en Allemagne. Il a failli disparaître mais a donné naissance à une grande diversité de cépages : là, on peut parler de famille.

 

D’après son ADN, la Syrah serait née en Isère ?

On aime raconter des légendes sur l’origine des cépages. La plus persistante, sur la Syrah affirme que les Croisés l’auraient rapportée de la ville de Shiraz, en Perse, au XIIe siècle. D’autres la font venir de Syrie ou de l’île grecque de Syra. Mais on a la preuve génétique qu’elle est issue d’un croisement naturel entre la Mondeuse Blanche de Savoie et la Dureza d’Ardèche. Ce croisement a probablement eu lieu en Isère, où ces deux cépages étaient présents.

 

Quelles applications pratiques peut-on tirer de toutes ces connaissances généalogiques ?

Cela peut inspirer les vignerons car les cépages d’une même famille donnent des assemblages intéressants : cela se vérifie avec le cabernet Franc et le merlot ou avec la Syrah et le Viognier qui sont des demi-frères. Cela pourrait aussi donner des idées de croisement dans un but qualitatif. Par exemple, on peut se rappeler que le Gouais Blanc et le pinot ont donné le chardonnay. En les recroisant, on obtiendrait peut-être des cépages encore meilleurs.

 

Que pensez-vous des nouvelles variétés résistantes ?

Aucune ne m’a encore procuré la même émotion qu’un cépage traditionnel. Je trouve qu’ils peinent à exprimer un terroir. Mais il est intéressant d’en planter près des habitations pour se passer de traitements. De même, autant en planter pour fabriquer des vins à grande échelle pour des consommateurs qui ne voient pas de différence : c’est mieux pour la santé et l’environnement.

 

Quelles pistes d’adaptation voyez-vous face au changement climatique ?

Je n’imagine pas une région ayant fait sa réputation sur ses cépages, en changer complètement. On doit encore mieux exploiter la diversité génétique à l’intérieur d’un même cépage, et aussi la diversité des porte-greffes. Des centaines de porte-greffes existent : ce champ d’investigation est largement sous-exploité. Les cépages anciens sont aussi une voie d’avenir. Ils ont traversé des climats très variés allant de l’optimum climatique du Moyen-Âge au petit âge glaciaire.

 

Et les biotechnologies ?

Les OGM ne me font pas peur pour la santé humaine, mais pour une autre raison : le risque d’érosion génétique. Imaginons que l’on décide de rendre le pinot résistant à tel ou tel problème. Comme cela coûterait cher, on ne modifierait que quelques clones et tous les autres seraient abandonnés. Ce serait une perte immense de diversité génétique.

(1) “Grands cépages d’origine française”, éditions Favre (Lausanne).

Tags : Cépage
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