es Côtes-du-Rhône ouvrent leur cahiers des charges AOC. Sur quelles évolutions de produits ?
Damien Gilles : Aujourd’hui, nous devons faire face aux bouleversements climatiques et aux changements de perception de nos produits. Nous revoyons notre cahier des charges, mais pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. Ce qui ne remet pas en cause ce que l’on est. Nous allons amener plus de simplicité. Il faut un toilettage sur les règles du niveau d’encépagement (compliquées et inadaptées à tous les terroirs) et sur les assemblages. Nous demandons l’utilisation de la mention claret.
Comme le vin rouge léger de Bordeaux ?
Durant l’apothéose des Côtes-du-Rhône, dans les années 1980-1990, nos vins n’étaient pas identifiés comme claret, mais ils en étaient. C’était un autre climat, et c’était une autre façon de produire, avec des vins plutôt légers, avec peu d’intensité colorante, qui étaient recherchés pour leur fraicheur, leur fruit… Puis sont arrivées la modification du cahier des charges et la premiumisation, s’intégrant dans une approche plus cru que régionale. Et on sature le marché en perdant le vin pour lequel on était reconnu. Beaucoup de producteurs repartent actuellement dans cette dynamique et je souhaite l’inscrire dans une démarche collective. Les vins à 16°alc auront toujours leurs marchés, mais aujourd’hui nous voulons séduire les consommateurs en leur montrant qu’il n’y a pas que ça. Et quoi de mieux que de se ranger dans un nom qui a déjà cette consonnance ? Nous voulons revenir aux codes de production que l’on avait avant sous le nom de claret. Ce segment ne passera pas le million d’hectolitres, mais s’il fait passer quelques centaines d’hectos ce sera déjà bien.
Ce ne serait pas une AOC Côtes-du-Rhône rouge léger ou frigo, mais AOC Côtes-du-Rhône claret, en résonnance avec la relance de l’AOC Bordeaux claret ?
Le terme claret est originaire de Bordeaux, tous les bordeaux étaient des clarets, puis la segmentation a fait disparaître ce terme en dehors de marchés anglosaxons. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas utiliser cette consonnance connue pour redévelopper les types de vin que nous produisions historiquement. Il y a des divisions chez nous : certains ont peur de plus être identifié Côtes-du-Rhône mais Bordeaux. Pour moi, Claret sera demain une marque collective sous AOC. Je veux donner la possibilité à mes amis vignerons des Côtes-du-Rhône de produire du vin claret. L’idée est venue d’échanges avec mes homologues passés de l’AOC Bordeaux*. Notre leitmotiv était une communication commune dont je suis un ardent défenseur de la promotion commune. On pourrait faire la promotion du claret en commun si l’on s’accorde. Je suis sûr que l’on pourrait y arriver.
Quelle sera la typicité du Côtes-du-Rhône claret en termes de degrés, de sucrosité, de cépages ?
Le profil est calé et cadré. C’est un vin sans intensité colorante minimum, avec des cépages rhodaniens sans cépages principaux, des degrés analytiques propres à réglementation, un degré alcoolique fixé au maximum à 13,5°. Notre finalité est de demander à pouvoir avoir de la sucrosité par enrichissement. C’est la demande la plus difficile dans notre cahier des charges : l’édulcoration avec fin de sucrosité. En AOC, c’est un tabou, qui demande quelques réflexions de l’INAO, et je le comprends. Un groupe de travail a été créé et il planche sur le sujet.
Espérez-vous une première production d’AOC Côtes-du-Rhône claret dès le millésime 2026 ?
Je ne l’espère pas, j’en suis plus que désireux. Je veux que notre cahier des charges aboutisse et soit compris sans que l’on soit pris pour des révolutionnaires. On devrait être validé pour l’été 2026. Ce sera une nouvelle façon de consommer notre appellation en apéritif, avec les primeurs, les rouges pour les moment traditionnels, les rosés au printemps, les blancs pour l’été… Ce sera un vin idéal pour l’apéritif. Ce sera notre vin, celui que l’on avait auparavant, que l’on sait faire depuis toujours avec nos cépages qui sont faits pour : grenache, cinsault, carignan…
* : Alors président de l’AOC Bordeaux, Stéphane Gabard évoquait l’hiver 2024-2025, lors de sa tournée des cantons girondins, l’idée de mutualiser le terme "claret" avec d’autres bassins viticoles afin d’assoir la visibilité de la mention et sa présence sur le marché.
Tout juste élu en août président de l’AOC Bordeaux, Michel-Éric Jacquin indique à Vitisphere rester prudent et circonspect sur le sujet du Bordeaux claret. Pour lui, il faut d’abord voir le niveau de production de ce produit redéfini pour le millésime 2025 : « on attend le 10 décembre pour voir les déclarations de récolte et les revendications avant de savoir comment les entreprises suivent. On est en attente. Le produit est créé : il faut voir si les adhérents en veulent. C’est la réalité du terrain : qui suit, qui ne suit pas. On le verra en décembre. »




