oup de fièvre acheteuse dans le vignoble de Côte d’Or. « Des domaines qui se vendent ou qui cèdent quelques très belles parcelles, il y en a en Bourgogne » pose Jacques Dupont dans le Point, regrettant un nouveau paradigme : « depuis quelques années, dès qu’une vigne de grand cru ou de premier cru remarquable est à vendre, au jeu de la surenchère, on trouve très souvent un vainqueur : Deepak Rao vice-président de FICOFI, un négoce spécialisé en grands crus avec un club d’amateurs » entre Singapour, Paris et Pessac (Gironde). Ce qui amène « aujourd’hui à un prix pour les professionnels du vin et un pour les chinois » rapporte Jacques Dupont, évoquant pour FICOFI six sociétés investissant plus de 120 millions dans le foncier bourguignon le plus prestigieux : Bâtard-Montrachet, Bonnes Mares, Échezeaux…
Contacté, FICOFI (pour FIdelitas, COncordia et FIducia) répond ne pas donner « d’interviews à la presse sur nos activités ». En la matière, ce ne sont pas les seuls opérateurs positionnés sur de tels coups et surcoûts fonciers note Thiébault Huber, le président de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (CAVB). « Ce sont les spécialistes des prix stratosphériques avec de tels montages de baux cessibles et de fermages pendant trois ans que ça ne se voit pas (ça ne créé pas de références de prix, ce qui impacterait la fiscalité des transmissions). Et pour autant, le foncier nous échappe. Ça ne concerne pas les appellations régionales, mais les joyaux de la Bourgogne qui s’en vont. C’est ce qui nous inquiète » pointe le vigneron de Meursault. Si l’ampleur du phénomène n’est pas chiffrée, ces discrètes transactions font sortir des grands crus jusqu’à cinq fois le prix du marché : « on est sur des bases de 30 millions € l’hectare. Ça va trop vite » soupire Thiébault Huber.
Gendarme du foncier agricole, la Fédération nationale des Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FN Safer) reconnait à demi-mot ne pas avoir de moyen de contrôle et de suivi de ces opérations. Soulignant les avancées de la loi Sempastous de 2021 (« à l’acquisition et la location se rajoute désormais la maîtrise via des structures sociétaires »), l’établissement foncier note que « certaines failles subsistent. Des montages juridiques complexes — tels que l’usage de holdings, de sociétés intermédiaires, etc.— permettent encore de contourner le dispositif, créant ainsi des "trous dans la raquette" qui rendent difficile le contrôle effectif de certaines transactions foncières et l’identification des bénéficiaires de ces montages. »
En somme, « le contrôle des mutations sociétaires, tel qu’il est aujourd’hui en place, ne permet pas de contrôle du prix, ni par la Safer ni sous une autre forme » précise l’établissement aux missions d’intérêt général, ajoutant que « les ventes de vignobles sous forme sociétaire ont néanmoins un impact sur le prix des vignes (vendues comme biens immobiliers), qui suivent également la même tendance. Là encore, les moyens d’action des Safer restent limités, car si elles peuvent agir contre des opérations spéculatives, elles ne peuvent pas réellement aller contre les tendances du marché, notamment sur un marché très étroit où le nombre de transactions est très limité. »
Syndicalement dans le vignoble, « on en est à se dire que l’on va demander l'évolution de la réglementation pour permettre un droit de regard et la préemption des cessions et rachats par des fermiers. Ils font des baux cessibles en se mettant fermier pendant trois ans, ce qui permet une préemption et une valorisation énorme sur la cession de bail. On ne peut rien faire, on est démunis. Il n’y a aucun outil d’intervention » souligne Thiébault Huber, qui s’interroge : « nos clients fortunés commencent à acheter nos vignes pour que ces bouteilles restent dans un monde spéculatif pour les ultra riches. Est-ce réellement ça le sens d’une région viticole ? »




