ertifié bio depuis 2011, Lilian Robin, chef de culture du domaine Dujac, 20 ha à Morey-Saint-Denis en Côte-d’Or a fait ses calculs. Sept ans après l’entrée en vigueur du plafonnement à 28 kg/ha de cuivre en sept ans, il en a appliqué 26,1 kg/ha. « Avec de forts écarts d’une année sur l’autre. 2020, à peine 1,7 kg/ha, un petit miracle. En 2024, l’année de tous les records : 7 kg/ha, 19 traitements et 35 % de perte de récolte. Heureusement que le lissage existe. Si j’avais dû me limiter à 4 kg/ha/an, j’aurais perdu toute la récolte. »
Bien qu’il respecte le plafond des 28 kg, Lilian Robin juge que cette règlementation l’empêche de protéger ses vignes autant qu’il faudrait les années de forte pression. « Je tourne entre 200 et 300 g/ha de cuivre à chaque passage, explique-t-il. Je renouvelle la protection dès qu’il a plu 20 mm. Nous avons investi dans un pulvérisateur à jet porté en face par face. J’alterne hydroxyde et sulfate de cuivre pour éviter les repiquages. Et malgré cela, ces dernières années ça n’a pas toujours suffi. »
En 2024, il aurait aimé pouvoir traiter un peu plus que ses 19 passages. « L’idéal ça aurait été de passer encore 3 ou 4 fois supplémentaires, avant certaines pluies contaminatrices. Mais pour être sûr de ne pas dépasser le plafond, ça supposait de pulvériser moins de 100 g/ha. Pas sûr que de telles doses soient efficaces », confie Lilian Robin. Pour lui, il faudrait une dérogation au plafond de 28 kg/ha sur 7 ans si des années de pression exceptionnelle de mildiou se présentent durant cette période.
Pour Agnès Boisson conseillère viticulture chez Bio Bourgogne-Franche-Comté, « le plafond imposé par la réglementation est tenable, à condition que le lissage soit maintenu pour pallier les années de très forte pression. Selon l’enquête que nous menons chaque année auprès des vignerons bio de Bourgogne, en 2024 ils ont utilisé en moyenne 5 kg/ha de cuivre métal et entre 3 et 4 kg en 2025. En moyenne sur les 7 dernières années, la dose de cuivre utilisée est de 21 kg/ha et à ma connaissance, en Bourgogne, aucun vigneron n’a dépassé les 28 kg/ha. Le bio a encore de l’avenir à condition que les vignerons conservent le lissage. Ils doivent se battre pour ça ».
En Gironde, Stéphane Becquet, le directeur technique des vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine rappelle qu’avec la révision du cahier des charges de la bio en 2022, le compteur de la quantité de cuivre appliquée en sept ans a été remis à zéro. « Il faudra donc faire le point en 2029 », dit-il. Mais déjà, il s’inquiète : « 2023 et 2024 ont été des années très compliquées avec une forte pression fongique, une vitesse de pousse record et des températures élevées. En 2025 ceux qui ont assuré le coup, ont forcément consommé du cuivre. Bien sûr que sur les 7 dernières années, certains dépassent les 28 kg/ha. Quand il pleut plus de 100 mm en une semaine comme en 2023 ou 2024, vous n’avez pas d’autre solution que de renouveler la protection plusieurs fois par semaine. Avec un plafond à 30 kg/ha sur 7 ans, les vignerons étaient plus sereins pour faire face aux intempéries. »
Pour cet expert, tous les vignerons girondins sont concernés. « Une année c’est le Médoc qui souffre des aléas climatiques, l’année suivante c’est davantage l’Entre-Deux-Mers », souligne-t-il.
Stéphane Becquet souligne aussi que d’autres contraintes bien plus fortes que le plafond des 28 kg menacent les bios et ce, bien avant 2029. « Avec la révision des AMM des produits cupriques qui s’accompagne de l’absence de lissage pour tous les produits réhomologués et la disparition de nombreuses spécialités cupriques, on va droit dans le mur, prévient-il. La campagne 2026 sera couverte puisque les distributeurs ont 6 mois pour écouler les stocks des produits interdits et les vignerons 12 pour les utiliser. Mais après… » Advienne que pourra.
Laurent Fournier, propriétaire du domaine Jean Fournier, 22 ha à Marsannay-la-Côte, en Côte-d’Or explique « Je suis certifié AB depuis plus de 20 ans, mais j’arrête. Avec des millésimes à très forte pression comme 2024 et 2021, ma consommation de cuivre/ha a explosé. Pour ces sept dernières années, j’en suis à de 30 kg/ha. Ce n’est pas tenable. Je veux pouvoir appliquer des phosphonates de potassium les années compliquées car ils sont moins lessivables que le cuivre et pour utiliser moins de cuivre. On sait que le cuivre a un impact non négligeable sur les sols et qu’il aggrave le risque de coulure au moment de la nouaison. Cette année j’ai donc démarré par mon programme de traitement bio habituel puis j’ai fait deux passages avec 3 l/ha de phosphonates de potassium avant la fleur, le 15 mai et le 2 juin, pour assurer le coup. Ça m’a permis de rentrer une récolte saine et d’utiliser seulement 3,1 kg/ha de cuivre. D’un point de vue commercial, ça va simplifier mes démarches administratives. Je viens de trouver un nouvel importateur en Virginie. Mes vins n’ont plus besoin d’être certifiés NOP pour être exportés là-bas. C’est quand même beaucoup plus simple. »