a viticulture brésilienne n’hésite pas à innover. Se distinguant déjà par la technique tropicale des états du Nord, où l’on taille et vendange deux fois dans l’année (en contrôlant la sortie de dormance par l’irrigation), voici la technique de la vendange hivernale dans les états du centre pour éviter la saison des pluies (tombant l’été et mettant sous pression l’état sanitaire des raisins) et développée il y a 25 ans par l’institut brésilien de recherche agricole (IBRAMPA). Alors que dans les vignobles traditionnels de l’hémisphère sud un cycle viticole normal se compose d’une taille à la fin de l’hiver (septembre-octobre), puis une campagne culturale aboutissant à la maturation des raisins pour vendanger (en janvier-février), la vendange d’hiver repose sur deux tailles : la première en hiver (comme pour le cycle classique) pour lancer un cycle de formation produisant des feuilles et activant l’activité photosynthétique, la deuxième pour enlever les fruits pour ne garder que les feuilles (en décembre-janvier) et lancer un cycle de production sur l’hiver sec (la saison sèche) avec de fortes amplitudes de températures (5° le matin et plus de 25°C l’après-midi).
500 ha au Brésil
Avec cette deuxième taille atypique, « l’idée est de retarder la maturation des raisins » résume Luciano Lopreto, le directeur de Vinícola Góes (vignoble de 60 hectares fondé en 2016 à São Roque, dans l’état de São Paulo). Ce dernier étant présent lors du salon ProWine (à São Paulo) sur le stand collectif de l’association des vignerons brésiliens vendangeant en hiver (Aprovino), qui réunit 50 membres dans 6 états brésiliens (São Paulo, Rio de Janeiro, Goiás, Minas Gerais, Bahia et le district fédéral) pour 500 hectares de vignes en production et 2 millions de bouteilles produites (le Brésil réunissant 83 000 ha de vignes pour 2,1 millions hectolitres de vins produits en 2024).
Encore anecdotique à l’échelle du vignoble brésilien, cette "colheita de inverno" ne manque pas d’ambition, notamment qualitative. « Il y a 10-20 ans, on disait qu’au Brésil les seuls vins de qualité venaient du Sud. Nous montrons que cela change et obtenons la reconnaissance des consommateurs. C’est nouveau, et nous pensons que c’est parti pour durer » plaide Luciano Lopreto, alors que l’un des enjeux de cette, encore nouvelle, approche est de sélectionner les cépages les plus adaptés au stress cultural de cette double taille sur l’année. Actuellement, les principales variétés sont le sauvignon blanc, la syrah et le cabernet franc. Mais d’autres sont testées : malbec, touriga nacional, petit verdot… La vendange d’hiver « est encore très neuve. On cherche encore des cépages pour les vins effervescents » illustre Aline Mabel, la directrice technique d’Aprovino.
Du simple au double
Si Luciano Lopreto rapport des pertes de rendement moyens de 30 % (pour tourner à 30 hl/ha en moyenne avec 5 tonnes/ha), Aline Mabel rapporte que « l’on réussit maintenant à atteindre 9 à 10 tonnes hectares », sachant que « cela dépend des millésime et des cépages ». Ainsi que du suivi du vignoble, qu’il s’agisse de la protection sanitaire (surtout l’été pour maintenir les feuilles actives) ou de la fertilisation : « il faut doubler les apports, comme la vigne travaille toute l’année » résume Aline Mabel, pointant les coût élevés de cette technique : « c’est quasiment le double ». Plus cher et avec un rendement moindre, la vendange d’hiver se heurte actuellement à un décrochage compétitif sur le marché brésilien, intéressé par la nouveauté, mais peu enclin à miser sur un produit local inconnu. Pour susciter l’intérêt domestique, Luciano Lopreto veut développer les marchés internationaux pour gagner en réputation et être crédible à domicile.
Ce qui demandera du temps. Alors que la durée de vie de ces vignes est incertaine. Les opérateurs supposent qu'elles dureront moins que les 25 à 30 ans d’exploitations en moyenne avant l’arrachage, selon le mode de conduite traditionnelle. Pour les vendanges d’hiver, « les plus vieux vignobles de ce type au Brésil ont 24 ans. On s’aperçoit que leurs rendements baissent de 20 à 30 %, mais ils ont une excellente qualité » souligne Aline Mabel.