itué à une vingtaine de kilomètres de la capitale italienne, sur le lieu de villégiature estivale des papes, le Borgo Laudato si’ couvre au total une cinquantaine d’hectares. Il « offrira une représentation des principales cultures méditerranéennes » explique le professeur Laurent Torregrosa, directeur du Pôle Vigne et Vin à l’Institut Agro de Montpellier et membre de la commission d’experts Fructu Vinae qui accompagne le volet viticole du projet. Au total, huit experts internationaux* couvrant les disciplines de la viticulture et de l’Å“nologie soutiendront la mise en Å“uvre de ce projet inspiré par l’encyclique Laudato si’ du Pape François, parue en 2015.
L’agriculture comme élément essentiel de la vie
« Il y a eu un long cheminement du Vatican sur les problèmes de stabilité sociale, d’intégration et de formation de gens en déplacement, notamment les migrants, qui sont souvent mal formés », explique le professeur Torregrosa. « L’encyclique repositionne l’agriculture au centre de la durabilité, de l’équilibre de la vie. Le Pape François considérait que l’agriculture est un élément essentiel qu’on a peut-être négligé dans son intensification moderne, dans la diminution de la main d’Å“uvre employée en agriculture et dans l’éloignement entre l’agriculture et les consommateurs. Il estimait qu’il fallait remettre l’agriculture au centre des préoccupations humaines ».
Le nouveau Pape poursuit la vision de François
Sur une vingtaine d’hectares dédiés aux expérimentations, environ quatre seront consacrés à la vigne. « La vigne est une plante relativement symbolique pour le Vatican et également dans beaucoup de pays d’Europe », poursuit Laurent Torregrosa. Huit experts d’horizons et de compétences différents ont été réunis par le Pape François en septembre 2024 pour étudier la faisabilité de l’implantation d’un vignoble agro-écologique à Castel Gandolfo. Mis en suspens suite à son décès en avril dernier, le projet a été confirmé ensuite par son successeur. Le vignoble expérimental associera à la fois techniques modernes et traditions « pour mettre en place une viticulture nouvelle qui intègre les principes d’agro-écologie, d’intégration, de partage des ressources et tous les éléments qu’on peut y concentrer pour expérimenter une nouvelle approche plus au service de l’humain », note le professeur de biologie et de génétique. L’encépagement sera ventilé entre différents types de cépages – anciens et résistants – et différents modes de conduite et de gestion des sols seront expérimentés. Certaines variétés italiennes ont déjà été plantées sous l’égide de l’Université d’Udine et des variétés tolérantes aux maladies fongiques permettront de tester la limitation de l’impact des traitements phytosanitaires sur l’environnement.


Le volet formation revêt également une grande importance. « Souvent dans les initiatives agro-écologiques qu’on voit se développer aujourd’hui, l’approche est très technique. L’idée du Vatican est de voir comment le travail de l’homme peut se positionner par rapport à cet aspect et éventuellement d’augmenter le travail manuel. L’objectif est de s’en servir de format pour former les gens parce qu’il n’est pas facile de modifier les techniques de gestion des sols, de management de la canopée ou de cultiver de nouvelles variétés ». Le Borgo Laudato si’ est conçu comme « un démonstrateur, un intégrateur de ce qu’on peut faire en agriculture dans l’idée de s’orienter vers la polyculture, d’utiliser la vigne et les autres cultures pour donner du travail, former des gens dans le centre de formation dédié et incorporer ces nouvelles approches en agro-écologie » », conclut le professeur Torregrosa. La commission Fructu Vinae a été mandatée pour une mission de cinq ans, jusqu’en 2029, période pendant laquelle des vins seront élaborés à partir du vignoble expérimental.
* Professeurs Enrico Peterlunger (Université Udine), Roberto Zironi (Université Udine), Luigi Moio (Université Naples), Antonio Barrado (Université Madrid), Hans R. Schulz (Université Geisenheim), Laurent Torregrosa (Institut Agro), le Dr Francesca Vimercati (representante mécènat) et la journaliste britannique Jancis Robinson