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Moins grand cru que glandu classé : chapeau Palmer, le détective dont le vin ne savait pas avoir besoin
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Moins grand cru que glandu classé : chapeau Palmer, le détective dont le vin ne savait pas avoir besoin

Est-ce la meilleure BD sur le vin de tous les temps ? Sans doute, car qui mieux qu'un détective incompétent d'album pour être le révélateur des contradictions entre ce qui est affiché avec emphase et ce qui est caché sans ambages dans la filière vin ? Lisez et offrez le dernier album de Jack Palmer, sommet humoristique et sociologique d'une certaine image du vignoble.
Par Alexandre Abellan Le 27 septembre 2025
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Moins grand cru que glandu classé : chapeau Palmer, le détective dont le vin ne savait pas avoir besoin
Avant de reprendre Jack Palmer, Manu Larcenet avait déjà rendu hommage à des héros de bande-dessinée avec l’album reprenant Valérian et Laureline de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières : l’Armure du Jakolass (2011). - crédit photo : Dargaud
L

e Médoc avait déjà un château Palmer, il a désormais un Jack Palmer avec l’album de bande dessinée Palmer dans le rouge : une enquête en bord de Médoc (éditions Dargaud, 17,5 €). De quoi foutre en l’air un millésime ? « On a eu des années à mildiou, à oïdium, à black-rot, à botrytis, à pourriture grise, on a eu le gel, la grêle, la sécheresse, on a eu des attaques d’araignées, de vers de la grappe, du fisc… mais ça, c’est nouveau ! » résume dans l’album un technicien médocain. Sur 68 pages, l’auteur complet Manu Larcenet met en image un scénario déjà découpé, mais inachevé, du défunt René Pétillon (disparu en 2018). Le tout avec un rythme échevelé et décalé, sur fond de château familial médocain déclinant souhaitant s’assembler avec un domaine américain florissant grâce au mariage entre la fille du premier et le fils du second. La fiancée disparue, la famille médocaine tente de la retrouver en faisant appel à un détective privé ayant retrouvé son cousin par le passé, Ange Léoni, dans l’Affaire corse (paru chez Albin Michel en 2000).

L’affaire se corse

Revoici Jack Palmer, son chapeau mou difforme et son trench-coat trop grand, plongés dans une nouvelle affaire où ils perdent d’autant plus pied qu’ils se noient facilement au fond d’un verre de vin. Intemporel, l’album s’inscrit dans une certaine actualité viticole entre affaires de fraudes pour transformer de la piquette en AOC (« je ne dis pas que ça n’existe pas, mais c’est tout à fait marginal… Tout au plus quelques survivances folkloriques d’une époque révolue »), recherche de viticultures alternatives (plus ésotériques comme l’« agriculture biotellurique ») et crise du vignoble (à cause de la « concurrence étrangère, la surproduction, la mévente des vins de table… »). Mais l’histoire est datée par des références à un critique américain omnipotent faisant la pluie et le beau-temps : s’il est retraité depuis 2019, Robert Parker n’a-t-il pas lancé le saignant « la vie est trop courte pour boire du Pédesclaux », cru classé en 1855 de Pauillac ?

C’est trop boisé, il faut ajouter des copeaux d’inox !

« Le scénario a été écrit vers 2007-2008, d’où la référence au guide Parker et à des éléments qui défrayaient la chronique à l’époque* » rapporte Jean-Marc Pétillon, le fils de René Pétillon. L’idée d’un Jack Palmer à Bordeaux est venue de l’amitié de l’auteur avec le journaliste Jacques Dupont, René Pétillon illustrant chaque année son article d’ouverture du numéro spécial vin pour le Point. « Il disait ne pas pouvoir faire le scénario seul. Il était venu avec moi lors des primeurs pour visiter des châteaux » se rappelle Jacques Dupont, qui souligne l’œil acéré de René Pétillon sur le vin et ses sujets éloignés de ses albums parodiques ou des dessins de presse humoristiques pour le Canard enchaîné : « il trouvait toujours pile le truc. J’ai le souvenir d’un article de ras-le-bol sur les vins trop boisés. Il a fait un dessin où l’on voit une cuve derrière un vigneron visiblement paumé et un œnologue barbu ressemblant à Michel Rolland qui dit "c’est trop boisé, il faut ajouter des copeaux d’inox !" »

« Mon père était attiré par les contradictions et les paradoxes. Le vin est un milieu où il y a du potentiel » analyse Jean-Marc Pétillon, y voyant « le conflit qui se joue entre la tradition et la modernité, entre un milieu bourgeois comme il faut et des petits arrangements. Dans l’Affaire du voile (2006), il voit que dans les milieux religieux, il ne faut pas être bon croyant, mais en avoir l’air et sauver les apparences. » Éditeur de René Pétillon, Claude de Saint-Vincent confirme son « goût pour les milieux policés de l’extérieur où s’activent des courants souterrains plus cachés ».

Hercule Poivrot

En témoigne l’enquête, aussi chaotique qu’éthylique, de Jack Palmer pour mettre à jour le trafic d’un négociant fraudeur, où l’on se voit comme « une PME qui tente de survivre sans subventions dans une jungle étatique et technocratique pensée par des élites bruxelloises toujours plus avides du sang de l’humble paysan ». Sachant que, comme « la viticulture est en crise, la publicité autour de ce genre d’affaire ferait grand tort à une profession déjà gravement fragilisée »… Bien des gens du vin pourraient le dire. Et comme l’estime Ange Leoni : « c’est l’omerta, quelque chose que je respecte ».

Plus volubiles avec un verre à déguster et un vin à décortiquer, les experts de la filière vin sont épinglés pour commentaires délirants. Dans l’album, une experte aligne ainsi les perles avec « belle douceur en milieu de bouche, tannins bien alignés, petite note de queue de cerise en finale ». Ce qui devient pour un Jack Palmer éméché : « belle sphéricité, légère douleur en fin de gorge, des tarins bien alignés ».

Bulle finale

Si René Pétillon a tracé l’essentiel de l’album, sa conclusion en forme de pirouette est bien de Manu Larcenet : « c’est son dernier mot, l’humilité de Pétillon ne l’aurait pas permis » s’amuse Claude de Saint-Vincent. « Il manquait les 4 dernières planches, il y avait 2 pages de notes avec des pistes et plusieurs fins qui n’étaient pas abouties » se souvient Jean-Marc Pétillon. D’où le choix de Manu Larcenet pour dessiner l’album et en finaliser l’histoire. Sortant d’un album éprouvant, la mise en image de la Route de Cormac McCarthy, l’auteur voulait justement souffler avec un projet plus léger. De plus « Manu Larcenet vit au milieu des vignes du Beaujolais » rapporte Claude de Saint-Vincent, notant que les premiers dessin de ceps n’était pas évident pour le dessinateur.

« Il a ramé sur le chapeau de Jack Palmer » sourit Jean-Marc Pétillon, pointant que son père, autodidacte, a plusieurs fois changé de style graphique, comme on peut le voir dans l’intégrale des aventures de Jack Palmer qui paraissent chez Glénat. « Dans les histoires anciennes, l’idée était de prendre le contre-pied du détective de polar qui tient l’alcool. Palmer y est ivre et ne supporte pas l’alcool, ce qui est une marque supplémentaire qu’il n’est pas fait pour ce milieu » ajoute Jean-Marc Pétillon. Dans les archives de son père, Palmer dans le rouge est le seul projet d’album arrivé à ce degré de finition. Mais il existe quelques planches inédites sur d’autres histoires alcoolisées : « mes parents ont vécu en Normandie dans les années 1970-1980, il y a le début d’une histoire sur les bouilleurs de cru. L’accroche existe avec les premières planches, mais il reste à écrire l’histoire entièrement. »

 

* : Comme l’affaire Robert Geens, qui semble inspirer les pratiques de la maison van glouten dans la BD.

Très présent dans l’album, Ange Leoni témoigne d’un scénario initialement pensé comme une suite au film l’Enquête corse tiré en 2004 de la BD éponyme. Réalisé par Alain Berbérian, le film mettait en scène le duo Christian "Jack Palmer" Clavier et Jean "Ange Leoni" Reno. Le projet n’ayant pas fait florés, le début du scénario a été adapté pour se rattacher à la BD et non au film.

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