n millésime qualitatif, mais difficile. Comme souvent dans le Gard viticole, ce millésime 2025 s’oriente différemment selon les zones géographiques de ce département tiraillé entre influence littorale méditerranéenne et contreforts montagneux cévenols, à cheval entre Languedoc et vallée du Rhône. Si les coups de chaleur de fin juin puis de mi-août ont encore avancé les maturités d’un millésime déjà précoce, « 2025 se caractérise par dix jours à 2 semaines d’avance par rapport à l’an dernier », résume le consultant viticole de l’ICV du Gard Bernard Genevet. Mais à l’instar de la plupart des régions viticoles, ces coups de chaleur n’ont pas été du meilleur effet pour les équilibres de maturité et le remplissage des raisins.
« Les faibles rendements nous emmènent probablement vers 15 % de volumes de moins que l’an dernier, qui était déjà faible par rapport à la moyenne », souligne Anne Sandré, cheffe du service viticulture de la chambre d’agriculture du Gard. Si la casse volumique a pu être relativement limitée dans les zones de plaines bénéficiant de l’irrigation, les zones de coteaux sont moins épargnées, « avec des syrah qui avaient parfois juste ‘la peau sur les os’ et des rendements en jus très faibles, en particulier sur ces vignes de coteaux qui sont déjà habituellement en difficulté physiologique, ça a été encore plus accentué », note le consultant du laboratoire Languedoc œnologie Fabrice Maubert.


Anne Sandré souligne les bons états sanitaires de la campagne, « jusqu’à ce qu’arrive l’orage du 31 août, où on a pu compter jusqu’à 150 mm selon les secteurs, en particulier sur les parties nord du département », complète Bernard Genevet. « Le problème étant surtout qu’il a ensuite plu une fois chaque semaine dans deux tiers du département, au centre et au nord, fragilisant fortement les états sanitaires sans apporter de contrepartie aux effets de la chaleur, et nécessitant d’accélérer la récolte, de trier », enchaîne le consultant viticole de l’ICV. « Il a fallu prendre rapidement des décisions pour rentrer en rosé des raisins que j’avais prévus en rouge comme les grenache », décrit la directrice de la petite coopérative (25 000hl) des vignerons de Saint-Dezery, entre Nîmes et Alès. Elle a fait le choix de rentrer plus vite certains raisins à risque et pas tout à fait à maturité optimale, « car les rendements sont déjà bas et on ne pouvait pas se permettre d’en perdre plus à cause d’états sanitaires qui évoluaient vite, même si les outils de thermovinification, centrifugation et filtration tangentielle nous facilitent la vie sur le lot où nous avons regroupé les raisins trop abîmés », poursuit-elle.
Si Fabrice Maubert a parfois vu ces états sanitaires se dégrader parfois jusque dans les Sables littoraux, il confirme que les zones de contreforts cévenols sont les plus compliquées sur ce plan. « Entre coup de chaud et pluies, les raisins sont fragilisés et potentiellement chargés sur le plan microbiologique, il ne faut pas hésiter à aller sur une approche œnologique plus sécurisée pour ne pas laisser de place aux développements de micro-organismes », indique-t-il en ajoutant que les niveaux qualitatifs sont dans l'ensemble au rendez-vous. Bernard Genevet le rejoint sur un millésime nécessitant donc de travailler sur des extractions compliquées par les blocages de maturités et le manque de jus dans les baies. Plus tardifs que les syrah, les grenache apparaissent ainsi cette année compliqués à emmener à belle maturité. « C’est d’ailleurs un point de vigilance sur la partie nord-est du département, productrice de côtes-du-Rhône, qui nécessitent de belles maturités pour ces assemblages d’appellation », note Bernard Genevet.
« C’est une année bizarre pour les grenache, lente à venir », rebondit Fabrice Maubert. Caractérisées par leur exceptionnelle longueur cette année en raison des épisodes pluvieux, les vendanges gardoises devraient s’étaler jusqu’aux derniers jours de septembre, avec des cabernet-sauvignon qui seront difficiles à amener à grande maturité. « Ils commencent à plafonner sans monter en degré », note Bernard Genevet. « Je les laisse encore un peu dehors en me disant qu’ils peuvent encore grapiller un peu de degré », termine Nuria Morales, qui n’attendra pas plus loin que le début de semaine prochaine pour les ramasser.