u’est-ce qu’un plant de qualité ? Actuellement, seule la réglementation fixe des normes établissant qu’un plant doit présenter au moins trois racines bien développées et bien réparties […], une soudure suffisante, régulière et solide et une pousse aoûtée d’au moins 2 cm. Pour vérifier la solidité de la soudure, les pépiniéristes effectuent le test du pouce qui consiste à appuyer sur le point de greffe avec le pouce.
Ces critères, imprécis, servent à trier les plants en sortie de pépinière. Imprécis et sans doute insuffisants. En effet, dans le cadre du programme Origine (2017-2021) mené par plusieurs organismes parmi lesquels l’IFV et l’Inrae, des experts ont montré que la soudure de certains plants retenus au tri n’est que partielle (en photo : ici, une greffe qualifiée de « douteuse »). Celle-ci présente un peu de vide ou de nécroses et repose sur une faible quantité de bois néoformé. En outre, les plants ont une pousse moins développée et de plus petites racines que les greffes pleinement réussies. Comment se développent-ils au vignoble ? Faut-il renforcer les critères de tri pour obtenir de meilleurs taux de reprise ou des plants plus résistants aux aléas ?
Le nouveau projet Qualigreffes financé par le Plan national dépérissement du vignoble (PNDV) doit répondre à ces questions. Et à une troisième : peut-on se passer du test du pouce ? « En plus d’être plus ou moins sévère selon la personne qui le fait et le moment où elle le fait, on peut se demander si ce test ne fragilise pas les plants. Si on trouvait des critères de tri plus pertinents, les pépiniéristes pourraient s’en passer », expose Anne-Sophie Spilmont, manager de ce projet à l’IFV.
Pour trouver ces critères, les expérimentateurs ont réparti des plants commercialisables de grenache et de sauvignon en trois catégories (supérieure, moyenne et inférieure), sans les soumettre au test du pouce. « Nous les avons classés selon le diamètre du porte-greffe et du greffon, le nombre, la taille et la répartition des racines et selon différents critères internes dont la quantité de bois néoformé », détaille Anne-Sophie Spilmont.
Puis les expérimentateurs ont lancé deux essais. Pour l’un, ils ont planté des plants des trois catégories « sur des terrains bien préparés, dans des conditions classiques », précise-t-elle, pour savoir si leur taux de reprise dépend de leur classement. Les premières observations auront lieu prochainement. Puis il s’agira de suivre le développement de ces plants jusqu’à la troisième feuille.
L’autre essai ne porte que sur des plants de qualité supérieure ou inférieure qui ont été installés sous serre au Grau-du-Roi (Gard) selon trois modalités : dans des conditions normales, en situation de stress hydrique et avec une forte fertirrigation pour favoriser la pousse. L’objectif : voir si les plants les plus faibles résistent moins bien aux stress. « Nos premières observations montrent que leur aoûtement a commencé plus vite que les autres. En revanche, nous n’avons pas noté de différences quant à la croissance des deux catégories. » L’avenir dira les conséquences de cet aoûtement plus précoce pour le développement de ces plants.
Achevé en 2023, le programme Origine montre que les plants greffés en oméga reprennent bien mieux en pépinière que ceux greffés en fente ou à l’anglaise. Est-ce aussi le cas, par la suite, au vignoble ? Un volet du projet Qualigreffes doit répondre à cette question. À cette fin, un pépiniériste a greffé à l’anglaise et en oméga du sauvignon sur SO4 et du grenache sur 110R. L’an prochain, ces plants feront l’objet d’un suivi au vignoble. Parallèlement, l’IFV vient d’entamer le suivi de deux parcelles plantées depuis plusieurs années, l’une de merlot sur SO4 et l’autre d’ugni blanc sur RSB1, avec des plants greffés en oméga, en fente et à l’anglaise. De quoi départager bientôt ces modes de greffe.