hez Maison Roy, à Bellevigne, en Charente, la gazéification est une affaire de famille. Une passion qui se transmet de père en fils depuis quatre générations. Alors forcément, en un siècle, le savoir-faire a quelque peu évolué. Leur secret ? Des saturateurs maison. « Ce sont des colonnes qui permettent d’injecter le gaz carbonique dans le vin de base durant la mise en bouteille », décrit Gauthier Roy, directeur général de l’entreprise et arrière-petit-fils du fondateur. Et pour s’assurer que le processus injecte une quantité constante de CO2, une bouteille est prélevée aléatoirement toutes les heures et sa pression contrôlée.
Cette gazéification peut aussi bien avoir lieu dans son usine de Bellevigne que chez le client. « Tout dépend des volumes à traiter et de l’équipement en froid du vigneron. Chez nous, on travaille à 4 000 bouteilles de l’heure. On propose jusqu’à trente modèles de bouteilles différents, du quart champenois à différentes 75 cl, et tous les types de bouchage. Mais nous ne lançons une production qu’avec un minimum de 10 000 cols. Sur le camion, la ligne est plus petite. Il est possible de gazéifier 1 hl, mais la mise se fera uniquement dans une champenoise de 75 cl avec bouchon et muselet. »
Pour éviter le gerbage au moment de la gazéification, Gauthier Roy demande à ses clients que le vin de base soit stabilisé vis-à-vis des précipitations à la fois tartrique et protéique, comme pour n’importe quel vin tranquille et refroidi entre 2 et 5 °C. Deux consignes sur lesquelles tous les prestataires concordent. « Donc pour les vignerons qui ne sont pas équipés d’un groupe de froid, c’est plus simple de gazéifier chez nous. » Quant au sulfitage, il doit être compris entre 25 et 30 g/l de SO2 libre.
À Valergues, dans l’Hérault, Denis Legras sillonne les routes du pourtour méditerranéen depuis 2019 avec son unité de gazéification mobile. Dans son camion, pas de saturateur mais un contacteur membranaire Pervélys, d’Ymélia, et une tireuse isobarométrique.
« Le contacteur membranaire a une double fonction : il désoxygène les vins, et y introduit de très fines bulles de CO2, détaille Denis Legras. Notre chaîne mobile a une capacité d’embouteillage de 1500 à 3000 bouteilles de l’heure, avec une plage de carbonatation de 2 à 8,5 gr/l. Nous pouvons aussi ajouter 1,5 à 5 g/l de MCR selon le profil souhaité, mais le plus important reste de définir ce profil dès la vendange afin d’avoir une bonne acidité et un maximum d’arômes de fruits. »
Chez Bulles Création, à Valréas, dans le Vaucluse, Patrick Combier et Bruno Quenin travaillent d’une tout autre manière. Ces prestataires proposent, afin d’obtenir une bulle fine, une gazéification lente, en cuve close et à très basse température. « Contrairement aux procédés en continu, nous ajoutons le CO2 quelques jours avant le tirage », indique Patrick Combier. Pour ce faire, son entreprise dispose de vingt-cinq cuves de 15 hl à 88 hl, et d’une ligne qui peut tourner à 2000 bouteilles de l’heure.
« Pour obtenir une pression de 5 bars dans la bouteille, il faut dissoudre 7 g/l de CO2 à 20 °C, précise le prestataire. Et pour que la bulle soit fine, les vins de base doivent se situer entre 2 à 4 °C. Nous les refroidissons à cette température puis nous les conservons jusqu’à la mise en bouteille dans nos cuves, qui sont très bien isolées. Au-delà de 5 °C, la bulle est plus grossière. »
Selon Charles Boutin, prestataire de services à Clisson, en Loire-Atlantique, la gazéification doit être effectuée à la propriété. « Afin d’éviter tout risque d’oxydation, indique-t-il. Chez Boutin Services, nous injectons directement le CO2 dans le vin via un saturateur en circuit fermé. Ensuite seulement, nous tirons le vin en bouteille. L’avantage est double : on dose le CO2 au milligramme près, et on l’homogénéise parfaitement pour obtenir une bulle fine. »
Cette ligne de gazéification peut traiter jusqu’à 15 000 bouteilles par jour. Les seules contraintes que Charles Boutin impose à ses clients : un minimum de 10 hl, et un vin de base bien froid. Ici comme ailleurs, ce dernier prérequis reste la clé d’une gazéification réussie.
« De 80 centimes à 1,50 euro la bouteille pour la gazéification uniquement, annonce Denis Legras, prestataire à Valergues, dans l’Hérault. Le prix varie selon le nombre de bouteilles gazéifiées et le type de bouchage : bouchon et muselet, capsule couronne ou à vis. » Chez Boutin Services, en Loire-Atlantique, le prix oscille entre 70 et 80 cts/col pour une gazéification suivie d’un bouchage avec bouchon et muselet. Là aussi, le coût s’entend hors matières sèches. « Nous pouvons fournir toutes les matières sèches et habiller les bouteilles. On peut même aller jusqu’à la mise en carton », indique Charles Boutin. Un service apprécié par ses clients. Et de plaisanter : « Mais on ne gère pas les expéditions ! » Un vigneron de Maisdon-sur-Sèvre témoigne : « Nous faisons appel à Boutin pour la gazéification de notre blanc 100 % melon et de notre rosé 100 % cabernet franc. Dès que l’on fixe une date de tirage et un volume, leur service matière sèche nous contacte pour définir la bouteille et le bouchage que nous voulons utiliser et les volumes. C’est très pratique. Boutin Services gère la filtration et la gazéification. On récupère un produit prêt à être commercialisé. Reste plus qu’à poser l’étiquette ».