our le vignoble nantais, c’est « la douche froide ». En juin 2025, l’Institut National de l'Origine et de la Qualité (INA0) a rappelé à l’ordre les producteurs de Muscadet qui, « de façon prématurée », ont pris l’habitude de promouvoir leurs crus « dans leur communication mais aussi, parfois, et ça c’est plus gênant, sur leurs étiquettes », décrit explique Philippe Mongondry, ingénieur territorial de l’INAO.
Pour rappel, le Muscadet dispose de neuf Dénominations Géographiques Complémentaires (DGC), dont trois déjà reconnues en 2011 (Gorges, Vallet, Clisson) et six en cours (Château-Thébaud, Le Pallet, la Haye-Fouassière, Goulaine, Champtoceaux, Mouzillon-Tillères, Monnières-Saint-Fiacre). Reconnues, mais jamais encore comme cru, seulement comme DGC. Et ce n’est pas pareil, a rappelé une commission d’enquête nationale lors de son dernier passage au château de la Frémoire, siège de la Fédération des Vins de Nantes. Message passé dans le contexte d’un « serrage de vis » national de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) sur la filière viticole, précise-t-on à l’INAO.
Les conséquences immédiates de ce remontage de bretelles semblent assez limitées. La fédération a déjà discrètement modifié les contenus de son site web, en optant pour « appellations communales » en attendant mieux. Et les rares étiquettes mentionnant « cru » devraient disparaître.
Cela crée l’émoi dans le vignoble nantais, en menaçant la clé de voûte de la remontada du muscadet. Car il ne s’agit pas que de vocabulaire : en plus de la comm', la commission INAO a également évalué les surfaces effectivement revendiquées en DGC, à environ 20 % des surfaces délimitées, et les volumes de vin DGC mis sur le marché, qui sont insuffisants selon leur analyse pour pouvoir revendiquer la mention "cru" telle que conçue en 2022 pour valoriser les DGC.
« Évidemment, depuis une décennie on a du mal à récolter à cause du climat, s’agace Thierry Martin, vigneron à Gorges et ancien président des DGC. Si l’INAO n’est pas capable de comprendre ça… Et rien qu’en 2024, qualitativement, c'était compliqué. Il faut savoir ce qu’on veut ! Si pour après, c’est pour s’entendre dire que ce n’est pas qualitatif, ce n’est pas la peine. »
Les vignerons qui arborent Gorges, Vallet ou Clisson sur leurs meilleures bouteilles depuis 2011, pensaient cette dernière étape gagnée d’avance et sont donc bien refroidis. « Nous, on pensait demander d’accélérer la démarche de reconnaissance, en cru ou en appellation, pour les trois premières DGC. A la place on reçoit ce message, s’inquiète Thierry Martin. Est-ce que ça veut dire qu’on n’aura jamais nos crus ? On se demande si l’INAO n’est pas en train de bloquer un truc qui fonctionne, et qui tire tout le Muscadet vers le haut. » Dans le flou, les vignerons demandent que l’Institut leur fasse savoir formellement comment présenter ces vins « haut de gamme de l’appellation »… puisqu’il faut les promouvoir pour espérer un jour voir reconnaître l’existence d’un cru. Et une chose est sûre pour Thierry Martin : « DGC, dans la vraie vie, c’est impossible, les clients ne vont rien comprendre ».


En attendant, Jean-Baptiste Moulène, ingénieur INAO à Nantes, qui suit la démarche depuis le début, rappelle les règles : l’utilisation du mot « cru » est tolérée à l’oral, mais pas à l’écrit. Sur les étiquettes, « il y a une tolérance des Fraudes pour le nom du village de la dénomination géographique complémentaire (DGC), y compris celles pas encore abouties, à condition qu’il reste plus petit que le nom de l’appellation ». Par exemple : Muscadet Sèvre-et-Maine, puis Gorges/ Clisson/ Vallet, ou Muscadet Coteaux-de-la-Loire puis Champtoceaux. Reste à savoir s’ils pourront un jour afficher « cru ».