n Alsace, les micro-parcelles sont légion. Pour réduire leurs coûts et leurs déplacements, beaucoup de vignerons veulent les agrandir. La Safer les aide à procéder à ces rationalisations. Lors de ses comités techniques, elle peut attribuer une parcelle préférentiellement à un vigneron à condition que ce dernier s’engage rétrocéder une autre parcelle via une promesse de vente. « A candidature égale, c’est un argument qui joue en faveur de ces acheteurs, car cela nous permet de résoudre d’autres situations », précise Aude Baumann, cheffe de service à la Safer Grand Est.
Jacques Schubnel, installé à Zellwiller a bénéficié d’une telle opération. Ce vigneron cultive 2,5 ha de vignes et gère une pension de chevaux. Fin 2024, lorsqu’il apprend qu’un de ses voisins part en retraite et met ses vignes en vente, il se positionne pour acheter une parcelle de pinot noir.
« Cette vigne est située juste à côté d’une de mes parcelles de riesling de 20 ares, explique-t-il. La Safer me l’a attribuée, ce qui me permet d’avoir 60 ares d’un seul tenant. Cette parcelle comprend 14 rangs de jeunes pieds plantés entre 1m70 et 1m80 d’écartement, ce qui est l’idéal pour passer avec les engins et 10 rangs plus âgés plantés à 1m40. Là, j’arracherai 1 rang sur trois pour pouvoir mieux passer avec mon matériel ».
En échange de cette acquisition, Jacques Schubnel a mis en vente une autre parcelle de pinot noir de 6,1 ares située à Zellwiller, elle aussi. « Elle est difficile à conduire car il y a très peu de tournières. Passer les engins était une vraie galère. Je l’ai vendue en mai », rapporte-t-il. Cette parcelle a permis à une vigneronne nouvellement installée d’agrandir un de ses ilots.
Après cette première optimisation, Jacques Schubnel en envisage d’autres. « Je vais me séparer de toutes les parcelles qui font entre 5 et 10 ares. Je ne souhaite travailler que des grandes parcelles. Quand les rangs font 250 m de long, on gagne du temps ».
Autre changement à venir : son père qui possède une exploitation basée à Bergheim, à 30 km de Zellwiller, devrait partir à la retraite au 1er janvier 2027. « Je ne reprendrai pas ses parcelles de Bergheim. Mon père les mettra en vente », explique le vigneron. De quoi faire de nouvelles optimisations.
Jean-Marc Jost, est un autre bénéficiaire de ce système. Ce vigneron en bio et en biodynamie à Scharrachbergheim-Irmstett travaille avec son épouse Céline sur 18 ha. « Après les vendanges 2024, un de mes confrères a cessé son activité. Il avait 40 ares qui touchait l’une de mes parcelles. La Safer me les a octroyés, ce qui me permet d’avoir un ilot d’un hectare d’un seul tenant à 200 m du domaine. La parcelle que j’ai acquise plantée en pinot et auxerrois et âgée de 15 à 20 ans était très bien tenue. Et surtout installée avec des écartements entre rangs de 2 m pour 4 rangs et de 1m75 pour six rangs, ce qui est l’idéal pour passer avec mes engins. En échange j’ai mis en vente six autres petites parcelles de 3 ares pour la plus petite à 20 ares pour la plus grosse, de différents cépages (auxerrois, pinot gris, pinot noir…) qu’il fallait restructurer car trop étroites. Et certaines d’entre elles nécessitaient carrément d’être arrachées car trop âgées », explique-t-il. Cette restructuration est importante pour le vigneron. « En regroupant le parcellaire autour du domaine, on fait moins de déplacement. Et en optant pour des parcelles plus adaptées au passage des machines, on gagne non seulement du temps mais on améliore aussi les conditions de travail ». Des bénéfices qui font oublier la complexité administrative de telles opérations.
Aude Baumann, Cheffe de Service Alsace à la Safer Grand Est explique « Un échange de parcelle au sens strict implique d’avoir des parcelles de surface équivalente, de même valeur (cépage, âge de la parcelle, état, exposition…). De ce fait, de tels échanges sont difficiles à réaliser. C’est la raison pour laquelle, nous opérons des cessions en cascade. Souvent les vignerons n’ont pas la volonté de s’agrandir mais lorsqu’une parcelle appartenant à l’un de leur voisin est mise en vente, ils se portent candidat auprès de la Safer pour l’acquérir et en échange ils proposent de mettre en vente une ou plusieurs autres parcelles qui vont intéresser un autre vigneron. Et ainsi de suite. Aujourd’hui ces « échanges » représentent l’essentiel de notre activité. Car les vignerons ont besoin d’obtenir des ilots plus cohérents, plus grands et plus proches de leur exploitation »